Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°18 - 08 septembre)

Dans cette newsletter, une preuve expérimentale de la transmission par aérosol ! Un point sur deux types de masques dangereux... pour les autres. Une évaluation de la mortalité globale de la COVID-19 et une évaluation de la durée de l’immunité humorale, ainsi que la vraie photo du méchant SARS-CoV-2 !

Depuis le 12 mars, le Pr Frédéric Adnet - professeur agrégé de Médecine d'Urgence, chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93 - fait régulièrement le point sur le Covid-19.
Après 46 numéros d'une FAQ quotidienne, il propose désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

INDEX et liste des FAQ / Newsletters


NEWSLETTER N°18 (08 septembre)


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ÉPIDÉMIOLOGIE


Quelle est la mortalité de la COVID-19 ?

Question facile et réponse difficile.
Il est facile de compter les décès, il est par contre extrêmement difficile de dénombrer les personnes exposées à la maladie. Le fameux IFR (Infection Fatality Rate) mesure le nombre de morts rapporté à toutes les personnes infectées, ce qui veut dire que l’on doit connaître la vraie prévalence de la maladie dans la population étudiée. C’est ce qu’a fait une équipe américaine pour une population des personnes âgées de plus de 12 ans et non institutionnalisées (excluant les maisons de retraite, prisons, etc.) dans l’État de l’Indiana (Ann Med Int, 4 septembre 2020).


Transmission par aérosol : cette fois c’est sérieux !

Tout le monde en parle !
Il est établi que la transmission aérienne par postillons (grosses gouttelettes de diamètre supérieur à 5 µm) est la voie de transmission principale.
Ces postillons ne traversent pas le masque et surtout, du fait de leurs masses, finissent par chuter limitant ainsi leur rayon d’action à 1-2 mètres en situation calme (pas de vent).

La transmission par aérosol ne signifie pas que le SARS-CoV-2 possède des petites ailes pour aller virevolter d’une personne à une autre ! C’est une transmission par microgouttelettes d’un rayon inférieur à 5 µm. Le problème, c’est que la gravité a sur ces microgouttelettesune influence faible, et qu'elles restent en suspension dans l’air, augmentant ainsi leur rayon d’action destructeur. Pire, les systèmes de recyclage d’air ou d’air conditionné pourraient, dans un espace clos, diffuser ces particules dans tout l’espace.

Ainsi, il a été montré qu’expérimentalement, le virus pouvait rester 3 heures en suspension. Ce phénomène a été mis en évidence il y a quelques mois dans un restaurant chinois, et vient d’être publié dans un bus, lui aussi chinois (JAMA Internal Medicine, 1er Septembre 2020).

Maintenant on a la preuve clinique ! Manquait plus que ça…


L’immunité humorale : transitoire ou à long terme ?

Il est établi que l’infection par SARS-CoV-2 induit une réponse immunitaire efficace. Il semble aussi que les malades les plus sévères développent une réponse immunitaire plus intense que le malade peu symptomatique. Des interrogations concernent la durée de cette immunité puisque des études ont rapporté une présence transitoire de l’ordre de 2-3 mois des anticorps mais aussi une perte leur efficacité devant la constatation de quelques cas de réinfections bien documentées. Des auteurs se sont intéressés à cette problématique, à grande échelle, sur la population de l’Islande dans le dernier numéro du New England Journal of Medicine (NEJM, 1er septembre 2020).

Les auteurs ont suivi la réponse immunitaire de 1.797 personnes qui ont développé le COVID-19, 4.222 patients-contacts et en quarantaine et 23.452 personnes qui n’avaient pas d’exposition connue au SARS-CoV-2.

Dans cette étude, les patients semblent donc protégés par l’immunité humorale au moins 4 mois. Malheureusement, l’immunité cellulaire n’a pas été explorée dans cette belle étude.


Tous les masques ne sont pas égaux !

Bon, tout le monde porte un masque…
Vous avez surement remarqué que certains individus portaient des masques avec valves et d’autres des visières transparentes : c’est plus confortable... Ces deux derniers types de protection illogiques sont vivement remis en question.
- La valve se referme à l’inspiration mais projette les fines gouttelettes et aérosols à l’expiration car elle s’ouvre au temps expiratoire ! On se protège mais on contamine les autres !
- Pour la visière, l’air expiré passe par les ouvertures latérales et inférieures sans être filtré, exposant les proches aux gouttelettes pleines de virus ! C’est donc l‘horreur !

C’est ce que mettent en évidence des études expérimentales sur ces deux types de masques (Phys. Fluid., 1er septembre 2020). Cette étude en laboratoire sur mannequin a simulé des efforts de toux par la projection de microgouttelettes qui pouvaient être détectées par une lumière laser.


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Visualisation du nuage de gouttelettes expirées par réfraction de la lumière laser pour un masque à valve (à gauche) et une visière (à droite).

[Merci au Dr. Axel Ellrodt]
 


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RECHERCHE


Wanted ! (la photo du coupable)

Le New England Journal of Medicine vient de publier la photo du virus SARS-CoV-2 qui met le monde à genoux.

C’est une photographie de microscopie électronique à haute résolution qui met en évidence des grappes de SARS-CoV-2 en train d’infecter des cellules ciliaires de l’épithélium respiratoire d’un patient…

Brrr ! Ça fait froid dans le dos !

(NEJM, 3 septembre 2020)

Schéma
A- V
ue de l’épithélium ciliaire respiratoire en cours d’infection. Les petits points blancs sont les virus.
B- (Grossissement) : toutes ces petites sphères poilues sont les SARS-CoV-2 en train d’infecter les cellules respiratoires. Les grands cylindres sont les «poils» des cellules ciliaires.

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