Le principe de précaution est-il un obstacle aux progrès?

Pendant le second mandat présidentiel de Jacques Chirac, le parlement, réuni en congrès à Versailles, a inscrit la Charte de l’environnement dans la Constitution et par la même occasion, le principe de précaution, qui va dès lors constituer le niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes juridiques afférentes à cette charte. « Le princ

Pendant le second mandat présidentiel de Jacques Chirac, le parlement, réuni en congrès à Versailles, a inscrit la Charte de l’environnement dans la Constitution et par la même occasion, le principe de précaution, qui va dès lors constituer le niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes juridiques afférentes à cette charte.

« Le principe de précaution n’est pas une menace, c’est un principe d’action exceptionnel, pour risques exceptionnels », avait déclaré le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, citant en fait, le scientifique Hubert Reeves. Pourtant les normes et le principe de précaution participent avec les doublons administratifs à ruiner notre système de santé …et les Français.

« Les dangers des centrales atomiques ou celui de l’extraction du gaz de schiste ne sont-ils pas moins grands que celui de la pollution par les particules fines du charbon des centrales thermiques ou du diesel ? » explique Jean de Kervasdoué dans son livre « Ils ont perdu la raison » paru en 2014.  Ni pour les OGM, ni pour le gaz de schiste, ni pour le diesel, les conseillers n’ont d’arguments probants. Il en est de même pour les pesticides comme ce fut le cas pour le DDT. Or il faudra bien produire plus pour nourrir les 10 milliards d’êtres humains que comptera prochainement la planète.

Dans ma jeunesse je n’aurais pas pu inventer les prothèses biliaires car il n’y avait aucune certitude que les résultats soient un succès. « Bonne administration, mauvaise médecine ! ». De plus, le principe de précaution aggrave le phénomène de surconsommation des examens médicaux. Il déresponsabilise nombre de médecins amenés à se surprotéger derrière des procédures de sécurité, parfois au détriment du diagnostic et de la qualité des soins. En oncologie, des réunions de concertation pluridisciplinaires, dites de consensus, sont imposées pour la prise de décision. D’une évaluation des bonnes pratiques, ce dispositif est devenu une chambre d’enregistrement, facteur d’éloignement entre le médecin et le patient, donc d’une entrave aux soins.

A force de vouloir à prix d’or tout légiférer et contrôler dans le moindre détail, notre pays se paralyse. Le journal officiel ne recèle pas loin de 400.000 de ces contraintes, à raison de 1500 nouvelles chaque année.

Se doute-t-on qu’un simple réverbère doit répondre, chez nous, à plusieurs centaines de préconisations obligatoires, qui par ailleurs, changent tout le temps ? Peut-on imaginer qu’au moment même où ces lignes ont été écrites, une commission se réunissait avec gravité au ministère de l’équipement pour déterminer la hauteur légale des potelets et bornes de trottoir !

Quant aux médicaments, « c’est Ubu Roi » : on veut faire des économies en augmentant la prescription des génériques, mais à coté c’est la gabegie. Ainsi, le CHU de Rennes détruit-il chaque année 30.000 euros de médicaments. Ils ont été commandés en trop grosse quantité ou bien sont arrivés en date limite de péremption. L’hôpital ne peut même pas en faire don à un organisme caritatif non gouvernemental car seuls les laboratoires pharmaceutiques sont en droit de le faire.

La France empile tant de règles, de normes, de seuils et d’interdictions qu’elle met en péril le dynamisme de son système de santé. De plus avec la vente des médicaments sur internet les trafics se développent: contrefaçons, faux médicaments insuffisamment dosés voir toxiques deviennent l’objet de tous les trafics.

Alors le principe de précaution n’est pas un progrès à mon point de vue.

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Texte : bk / esanum
Photo : Andy Dean Photography /Shutterstock

Kron
Le Dr. Bernard Kron est un ancien chirurgien de l’Assistance Publique de Paris, membre de l’Académie nationale de chirurgie, qui a opéré plus de 25 mille patients,  au cours de sa carrière. Aujourd’hui, il se base sur son expérience pour poser un regard critique sur la situation actuelle de la santé en France. Il est, par ailleurs, membre d’honneur de l’Union Français pour une Médecine Libre (UFML) et il le dit lui même, s’il se bat à l’heure actuelle, ce n’est pas pour lui, mais pour les générations futures.