Médecin en Antarctique ou sur les Terres australes… Pourquoi pas vous&#8239?

Terre Adélie, Îles Australes... L'aventure vous tente ? Chaque année, six médecins sont recrutés pour partir en mission. Avez-vous le bon profil ?

Le Marion Dufresne au large de la baie du marin à Crozet
(©Lucie PICHOT - Communication TAAF)



Vivre une expérience humaine unique, développer votre confiance en vous, approcher les étoiles… Le témoignage de Fabien Farge vous a donné envie de tenter l’aventure ? Bonne nouvelle, chaque année les Terres Australes et Antarctiques Françaises (T.A.A.F) recrutent six médecins pour des missions sur les bases subantarctiques et antarctiques ou sur le navire Marion Dufresne.     

Profil idéal, processus de recrutement, perspectives en fin de mission...
Explications du Dr Paul Laforêt, responsable du service médical et médecin chef des T.A.A.F.



Dr Laforêt, comment se déroule le recrutement d’un médecin pour une mission avec les T.A.A.F ? 

L’appel à candidature est lancé en décembre ou janvier, pour une prise de poste en fin d’année calendaire suivante . Le candidat sélectionné est informé en mars, puis la partie administrative nécessite trois mois environ. En début d’été, le médecin entame sa formation avec le Service de Santé des Armées.     

Le processus a été un peu plus complexe pour trouver le successeur de Fabien Farge. Il est le premier médecin français sur cette base, car normalement ce sont nos collègues italiens qui assurent la présence médicale à Concordia.1 Au moment du recrutement, le Covid-19 avait mis les hôpitaux transalpins sous tension et ils ne pouvaient pas libérer un médecin sur une aussi longue période. Nous avons donc pris le relais.  

 


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Scientifique devant un grand albatros, Crozet
(© Nelly GRAVIER - Communication TAAF)



Quel est le profil recherché ? 

L’oiseau rare. Nous recherchons des médecins expérimentés, débrouillards, en pleine forme et susceptibles de quitter leurs proches pendant plusieurs mois. Concrètement, les candidats sont soit plutôt jeunes et généralement sans enfants, soit ils ont atteint la cinquantaine.

Dans tous les cas, ils font un check-up médical très poussé durant la sélection. Toute maladie chronique non stabilisée est un obstacle absolu. Leur aptitude psychologique est soigneusement évaluée. 

Le facteur limitant, c’est souvent le niveau de compétence. Sur une base des T.A.A.F, le médecin doit être parfaitement autonome. Si les situations d’urgence sont assez rares, il doit par contre être capable de réaliser des actes de (petite) chirurgie – donc maîtriser les procédures d'anesthésie générale et loco-régionale – et de stabiliser l’état d’un blessé ou d’un malade en attendant son évacuation. 

Dans les cas d’isolement extrême comme à Concordia et Dumont-D'Urville, cette évacuation peut prendre plusieurs mois. Même sur les stations subantarctiques, le navire d’assistance met au mieux dix jours pour évacuer le patient vers l’hôpital le plus proche, à la Réunion. Une évacuation maritime est toujours délicate car en mer un blessé non stabilisé peut vite s’aggraver.    

 

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Base Dumont d'Urville, Terre Adélie
(© Nelly GRAVIER - Communication TAAF)



Au quotidien, un médecin des T.A.A.F pratique la médecine générale, assure le soutien psychologique, veille à la conformité sanitaire des aliments et de l’eau, effectue le suivi en médecine du travail. Le spectre est large. Un autre point crucial en médecine isolée, ce sont les soins dentaires. 

Enfin, le médecin doit être capable de former sur place une équipe d’assistants médicaux parmi les membres du personnel. Ils assureront des secours de première intention et feront office d’infirmiers anesthésistes et de bloc opératoire.

Au programme : pose de voie veineuse, préparation des drogues, injection sur instruction du médecin, ouverture de matériel en stérile, activités d'aide-opératoire, radiographies peropératoires, aide à la télémédecine peropératoire, sutures, etc. Cette équipe prendra en charge le médecin lui-même, si d’aventure lui-même devait recevoir des soins. 

Une telle mission permet d’avoir une vision très large de la médecine. Les médecins militaires ont un profil adéquat, mais très peu sont disponibles. Ceux et celles qui ont pratiqué en dispensaire font aussi de bons candidats. Dans tous les cas, un tuilage de une à deux semaines permet de mettre le nouvel arrivant dans le bain. 


Quel équipement trouvera le médecin sur place ? 

Chacune de nos bases est équipée d'un mini-hôpital doté d’un équipement standardisé, pensé pour qu'un médecin seul puisse gérer la majeure partie des situations : box d’urgence - déchocage, bloc opératoire pour la chirurgie d'urgence et le damage control avant évacuation, radiographie simple, échographie. 

Pour la biochimie délocalisée, les automates prennent en charge les analyses de type ionogramme sanguin, CRP, fonction rénale et une ébauche de NFS.

Nous pouvons aussi faire des gazométries, des tests PCR et doser les marqueurs cardiaques, troponines et D-dimères. 


Quel est le statut du médecin durant sa mission ?  

C’est l’équivalent d’un CDD au sein de l’Armée. Concrètement, le médecin a un statut d’ «officier commissionné». La rémunération est calculée d’après la grille des PH civils qui exercent dans les hôpitaux militaires, avec en sus une prime de terrain.   


Ces missions ouvrent-elles des perspectives ?  

Typiquement, les médecins qui sont partis sur une base des T.A.A.F peuvent ensuite être engagés dans des dispensaires ou sur des navires. La Compagnie Le Ponant, qui propose des croisières de luxe en Antarctique, est à l'affût de ce type de profils.

Travailler sur nos bases, c’est entrer par la grande porte dans le monde de la médecine isolée. 



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Otarie d'Amsterdam
(© Alexandre TROUVILLIEZ Communication TAAF)



Qu’est-ce que la Soframmi ?

Les médecins qui exercent sur des sites isolés composent une communauté par définition éparse et éclectique mais aussi très solidaire. Le retour d'expérience est crucial sur des missions aussi particulières, d’où l'importance de favoriser les échanges. La formation joue elle-aussi un rôle clé. Nous allons d'ailleurs mettre sur pied un DU «Médecine isolée». 

Les anglo-saxons ont créé une association, Wilderness Medicine, qui regroupe des médecins participant à certaines expéditions en milieu sauvage. Notre approche est légèrement différente.

La Société française de médecine en milieu isolé (Soframmi) fédère les médecins qui travaillent dans des structures médicales isolées, au sens large : bases polaires, dispensaires, plateformes offshore, navires et sous-marins, sans oublier les futurs vaisseaux pour l’exploration spatiale. Mais la médecine isolée, c’est aussi la médecine carcérale, puisque les contraintes juridiques retardent l’accès à un plateau technique.

Dans toutes ces situations, la réflexion est identique : comment adapter nos pratiques quand on se trouve à plusieurs heures ou semaines d'un CHU ?



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Notes :

1- Concordia est une base franco-italienne. Les Italiens sont notamment chargés de l’alimentation et des télécom, alors que les Français gèrent les opérations de maintenance. Sur la base séjournent des scientifiques venant des deux pays.