Infections gastriques : la résistance aux antibiotiques a doublé en 20 ans

La résistance aux antibiotiques couramment utilisés pour traiter les bactéries liées à plusieurs troubles gastriques a plus que doublé en 20 ans, selon une nouvelle étude présentée aujourd'hui à l’UEG Week 2019.

Cette étude1 a été présentée à Barcelone le 21 octobre, lors de l’UEG Week. Réalisée auprès de 1 232 patients issus de 18 pays* européens, elle porte sur la résistance aux antibiotiques régulièrement administrés pour une infection à Helicobacter pylori, bactérie associée aux ulcères gastriques, aux lymphomes et au cancer de l’estomac.

La résistance à la clarithromycine, l'un des antibiotiques les plus répandus pour éradiquer H. pylori est ainsi passée de 9,9 % en 1998 à 21,6 % l'an dernier. La résistance à la lévofloxacine et au métronidazole a également augmenté.

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Évolution de la résistance antimicrobienne primaire de H. pylori en Europe (1998-2018)2

Un enjeu majeur

 La résistance aux antibiotiques est l'une des menaces majeures qui pèsent aujourd'hui sur la santé mondiale. Elle est responsable de 750 000 décès chaque année3, nombre qui devrait augmenter considérablement si rien n'est entrepris en urgence.

En présentant cette étude aujourd'hui le professeur Francis Mégraud** a été clair : « L'infection à H. pylori est déjà une maladie complexe à traiter, qui nécessite une combinaison de médicaments. Les taux de résistance aux antibiotiques couramment utilisés comme la clarithromycine augmentant à un taux alarmant de près de 1 % par an, les options thérapeutiques pour H. pylori deviendront progressivement limitées et inefficaces si de nouvelles stratégies thérapeutiques ne sont pas mises au point.
Si la résistance aux médicaments continue d'augmenter à ce rythme, l'efficacité réduite des traitements actuels pourrait maintenir les taux d'incidence élevés du cancer gastrique et d'autres affections comme l'ulcère gastroduodénal.
»

H. pylori est l'une des infections bactériennes les plus courantes chez l'homme. On estime qu'elle est présente dans la moitié de la population mondiale. H. pylori entraîne une inflammation de la paroi de l'estomac, notamment une gastrite, qui peut évoluer vers un ulcère gastroduodénal. H. pylori est également le facteur de risque le plus important de cancer gastrique, septième cause de décès par cancer en Europe et troisième dans le monde4,5.

Au cours des dernières années, la résistance d’H. pylori aux antibiotiques est devenue un problème conséquent et urgent dans le monde entier. L'Organisation mondiale de la santé a pris la mesure de la gravité de cette situation dès 2017 en identifiant H. pylori comme une bactérie hautement prioritaire pour la recherche et le développement des antibiotiques6.

Italie, Coatie et Grèce sont les plus touchés

 L’étude a également montré que les taux de résistance primaire à la clarithromycine chez H. pylori étaient les plus élevés dans le sud de l'Italie (39,9 %), en Croatie (34,6 %) et en Grèce (30 %). Ceci correspond aux rapports précédents qui prévoyaient qu’en 20507 l'Italie et la Grèce auront le plus grand nombre de décès dus à la résistance antimicrobienne parmi les membres de l'UE.

Les niveaux élevés de résistance observés dans ces pays ont été attribués à la surconsommation d'antibiotiques pour des maladies comme le rhume et la grippe, ainsi qu’à l'absence de soutien institutionnel aux stratégies de limitation de la résistance aux antibiotiques.

 « Les résultats de cette étude sont à coup sûr préoccupants, car H. pylori est la principale cause des maladies peptiques et du cancer gastrique » a commenté Mário Dinis-Ribeiro, Président de la Société Européenne d'Endoscopie Gastro-intestinale. Il ajoute : « La résistance croissante d’H. pylori à un certain nombre d'antibiotiques d'usage courant est de nature à compromettre les stratégies de prévention. »

Pays

Taux de résistance « primaire » à la clarithromycine pour H. pylori,
en Europe, en 2018 (%)1

Italie du Sud

36.9

Croatie

34.6

Grèce

30.0

Pologne

28.5

Bulgarie

26.9

Irlande

25.6

Autriche

23.5

France

22.5

Allemagne

22.2

Portugal

20.0

Belgique

17.4

Espagne

17.1

Slovénie

16.0

Lituanie

13.0

Pays-Bas

9.2

Norvège

8.9

Lettonie

6.8

Danemark

5.0

(esaunum.fr, c'est aussi un Journal Club dédié à la gastroentérologie). 

*Les pays participants étaient les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Espagne, France, Grèce, Irlande, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Slovénie, Italie du Sud et France.

** Le Professeur Francis Mégraud est Professeur de bactériologie à l'Université de Bordeaux.
À l’origine du Centre National de Référence des Campylobacters et Hélicobacters Français, il est aussi le fondateur et actuel secrétaire du Groupe Européen d’Etude de Helicobacter et du Microbiote (European Helicobacter & Microbiota Study Group).

Références :
1.     Megraud, F et al., 2019. European survey of Helicobacter pylori primary resistance to antibiotics – Evolution over the last 20 years. Presented at UEG Week Barcelona October 21, 2019
2.     Glupczynski et al. EJCMID 2001, Megraud et al. Gut 2013 and Megraud, F et al., 2019. European survey of Helicobacter pylori primary resistance to antibiotics – Evolution over the last 20 years
3.     ReAct AMR, The global threat of antibiotic resistance (ONLINE): Available at https://www.reactgroup.org/antibiotic-resistance/the-threat/
4.     European Cancer Information System (ECIS), Incidence and mortality 2018. (ONLINE). Available at: https://ecis.jrc.ec.europa.eu/explorer.php?$0-0$1-AE28$4-1,2$3-All$6-0,14$5-2008,2008$7-7$CEstByCancer$X0_8-3$CEstRelativeCanc$X1_8-3$X1_9-AE28
5.     Rawla et al., 2018. Epidemiology of gastric cancer: global trends, risk factors and prevention. Available at: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6444111/
6.     World Health Organisation, WHO publishes list of bacteria for which new antibiotics are urgently needed. (ONLINE). Available at: https://www.who.int/news-room/detail/27-02-2017-who-publishes-list-of-bacteria-for-which-new-antibiotics-are-urgently-needed
7.     OECD. Stopping antimicrobial resistance would cost just USD 2 per person a year. (ONLINE) Available at: https://www.oecd.org/newsroom/stopping-antimicrobial-resistance-would-cost-just-usd-2-per-person-a-year.htm