Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet<br>(N°66 - 04 janvier 2022)

Spéciale Omicron ! Au menu : des modélisations, un coup d'oeil sur l'Angleterre, un point sur l'efficacité des vaccins contre Omicron et sur le profil des patients, et une explication de sa moindre dangerosité.

Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.

 

INDEX et liste des FAQ / Newsletters


Newsletter Covid-19 n°66 (04 janvier 2022)
 

Tout d’abord, je vous souhaite une très bonne année à tous et j’espère la fin de cette newsletter pour l’année 2022 !




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ÉPIDÉMIOLOGIE



Omicron : qu’est ce qui nous attend ?

L'Institut Pasteur a fait des modélisations pour prédire à quelle sauce Omicron nous mangera...
Bon, au fil des 66 numéros de cette newsletter, toutes les modélisations se sont avérées plus ou moins fausses (plutôt plus que moins). Mais il est tout de même intéressant de regarder ce que prévoient nos brillants mathématiciens (Institut Pasteur, 27 décembre 2021). 

Trois variables ont été particulièrement incrémentées dans ces modèles : 

Résultats

Bon, nous voilà prévenus !

 

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Évolution du nombre d’hospitalisations quotidiennes dues à la Covid-19 avec une transmission augmentée de 54% (à gauche) de 67% (au milieu) et de 84% (à droite).
Comparaison entre la sévérité du Delta (violet), du variant Alpha (bleu) de la souche historique (vert) et de l’Omicron (orange) avec une sévérité abaissée de 50% par rapport au variant historique.
En regardant bien ce schéma au 4 janvier 2021, on serait dans l’hypothèse de la figure à droite !



Que se passe-t-il en Angleterre (suite de la newsletter #65) ?

Surveiller l’Angleterre, c’est un peu lire dans l’avenir pour la France. La vague Omicron a frappé ce pays avant le nôtre, et les populations ont des caractéristiques proches (à la différence de l’Afrique du Sud). Que nous dit le dernier «briefing» du UK Health Security Agency (Technical briefing du 31 décembre 2021) ? 

Donc Omicron est probablement moins grave, et le vaccin protège !

 

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Efficacité vaccinale selon le statut vaccinal pour l’hospitalisation d’un Covid-19 symptomatique en fonction du variant en Angleterre.
On constate une efficacité du vaccin à 81% pour l’Omicron et de 85% pour le Delta.



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VACCINS



Omicron : quelle efficacité des vaccins ARNm ?

On sait que les deux doses de vaccin contre la Covid-19 ne suffisent pas pour contrer notre fameux Omicron. La plupart des travaux étaient jusqu’alors réalisés en laboratoire, consistant à mesurer les taux d’anticorps neutralisants (cf. newsletter n°65). Qu’en est-il dans la vraie vie ? 

Hé bien… Des chercheurs danois nous confirment les mauvais résultats de ces travaux in vitro. Ils ont effectué une enquête au Danemark, en évaluant l’efficacité vaccinale sur le diagnostic de la Covid-19 pour les deux vaccins ARNm (medRxiv non encore reviewé, 23 décembre 2021). Sans surprise, les auteurs ont trouvé que l’efficacité vaccinale diminue rapidement pour le variant Omicron comparativement au variant Delta. 

Ici, on ne mesure pas l’efficacité contre les formes graves. Ces données concernent tous les patients diagnostiqués Covid-19, ce qui relativise un peu ces mauvais résultats !

 

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Évolution de l’efficacité vaccinale sur la maladie Covid-19 pour le vaccin de Pfizer-BioNTech® (à gauche) et le vaccin Moderna® (à droite) pour le variant Delta (bleu) et le variant Omicron (vert).
On constate une diminution prononcée de l’efficacité vaccinale pour le variant Omicron comparée au variant Delta.



Pfizer contre Omicron

Un autre type d’étude nous vient des États-Unis. Les auteurs ont comparé les sérums de 20 soignants vaccinés avec deux ou trois doses de vaccin ARNm Pfizer-BioNTech® (NEJM, 29 décembre 2021). On constate que les anticorps neutralisants sont plus efficaces après la troisième dose qu’après une vaccination avec deux doses. Ceci est valable quel que soit le variant : Omicron bien sûr mais aussi Delta et même… Béta ! 

 

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Taux de réduction de l’efficacité de sérums de patients vaccinés contre la Covid-19 par le vaccin Pfizer-BioNTech® avec deux doses (à gauche) et avec trois doses (à droite).
On remarque une augmentation de l’efficacité contre les trois variants : Béta (bleu ), Delta ( vert) et Omicron (orange) lorsque l’on a été vacciné avec trois doses. 



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CLINIQUE



Pourquoi Omicron est-il moins dangereux pour les poumons ?

Nombre d’études suggèrent une moindre dangerosité de l’Omicron par rapport au Delta. En particulier, ce variant serait moins invasif et attaquerait moins les poumons que son compère Delta. Plusieurs études fondamentales vont dans ce sens. 

Globalement, les chercheurs ont remarqué une plus faible infectiosité de l’Omicron dans les cellules pulmonaires que dans les cellules des voies aériennes supérieures (épithélium trachéal par exemple). La raison pourrait être trouvée dans la distribution des récepteurs ACE2 et TMPRSS2 (cf. newsletter n°19 et n°30). 

Pour faire simple, à la différence des autres variants, l’Omicron privilégie l’infestation de nos cellules par une voie indépendante du récepteur TMPRSS2. Il se détournerait ainsi des cellules dont les membranes sont riches de ce récepteur. Ça tombe bien, car les cellules pulmonaires sont très riches en TMPRSS2 à l’inverse des cellules trachéales et des voies aériennes supérieures (bioRxiv non encore reviewé, 22 décembre 2021 / Preprint University of Glasgow, 15 décembre 2021). 

Ceci expliquerait pourquoi Omicron aime beaucoup mieux se reproduire dans le nez et la gorge et les envahir plutôt que les poumons, entrainant ce que l’on observe, à savoir un rhume plutôt qu’une pneumonie. Et c’est tant mieux, car l’atteinte pulmonaire est synonyme de forme grave de la Covid-19. 

Ces constatations – faites en comparant l’infection de cultures de cellules riches en TMPRSS2 par rapport aux cellules des voies aériennes pauvres en TMPRSS2 – ont été confirmées par des chercheurs de Hong-Kong. Ces derniers ont trouvé que, comparativement au Delta, Omicron colonisait plus rapidement et de manière plus massive l’arbre bronchique par rapport au poumon (HKUMed – Press release, 15 décembre 2021). 

Tout s’explique !

[Merci au Dr Axel Ellrodt]

 

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(A) comparaison de l’infection de cellules riches en récepteurs TMPRSS2 entre le virus original SARS -CoV-2 de Wuhan (noir, WT) le variant Delta (bleu) et le variant Omicron (vert).
Omicron infecte moins bien les cellules riches en TMPRSS2.
(B) Même expérience avec des cellules pauvres en TMPRSS2 : il n’y a pas de différence entre les trois virus.
(C) comparaison de la vitesse et de l’intensité de l’infection des voies aériennes supérieures (à gauche) et des poumons (à droite) entre la souche originale du SARS- CoV-2 (vert), le variant Delta (orange) et le variant Omicron (bleu).
On remarque qu’Omicron colonise plus vite et avec une plus grande amplitude (70 fois plus que le virus original) l’arbre bronchique, mais peu le poumon (10 fois moins que le virus original).

 



Caractéristiques des patients Omicron

Est-ce que les patients infectés par l’Omicron sont différents des patients des autres vagues (et donc infectés par les autres variants) ? C’est la question que se sont posés des chercheurs d’Afrique du Sud. Ils ont comparé les patients de quatre vagues de Covid-19, provenant du virus historique, du variant Béta, du Delta et enfin de l’Omicron (JAMA, 30 décembre 2021) .

Omicron paraît donc être associé à moins de morbidité et de mortalité. Pourvu que ce ne soit pas à cause de l’âge des patients, beaucoup plus jeunes !

 

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