Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet<br>(N°55 - 09 juillet)

Mauvaises nouvelles : L’espérance de vie qui chute au Brésil et le variant «Delta plus» qui s'annonce encore plus transmissible... Côté vaccins : quel positionnement des soignants français ? Les vaccins ARNm efficaces contre l’infection «dans le monde réel». Immunisation «naturelle» ou post-vaccinale, quel effet sur le variant Delta ? Et si on prévoyait d'ores et déjà un double vaccin Covid-19/grippe ? Personnes exposées et jamais malades : le retour de la théorie de l’immunité croisée protectrice. Finissons par la bonne nouvelle... Enfin un antiviral qui pourrait marcher !


Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.


INDEX et liste des FAQ / Newsletters


NEWSLETTER N°55 (09 juillet 2021)

 

Chers lecteurs, les vacances, enfin !
Je vais interrompre cette newsletter quelques temps.
Retour probable début août…



 


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ÉPIDÉMIOLOGIE



L’espérance de vie chute au Brésil !

Nous savons que la Covid-19 a entraîné une diminution de l’espérance de vie des pays les plus impactés comme la France ou les USA (cf. newsletters n°37 et n°40). Hé bien... c’est pire au Brésil !

  

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A/ Diminution de l’espérance de vie à la naissance et à plus de 65 ans dans les régions du Brésil.
B/ Nombre de décès Covid-19 pour 100.000 habitants au Brésil
(AC = Acre, AP = Amapá, AM = Amazonas, PA = Pará, RO = Rondônia, RR = Roraima and TO = Tocantins; Northeast: AL = Alagoas, BA = Bahia, CE = Ceará, MA = Maranhão, PB = Paraíba, PE = Pernambuco, PI = Piauí, RN = Rio Grande do Norte and SE = Sergipe; Center-West: DF = Distrito Federal, GO = Goiás, MT = Mato Grosso and MS = Mato Grosso do Sul; Southeast: ES = Espírito Santo, MG = Minas Gerais, RJ = Rio de Janeiro and SP = São Paulo; South: PR = Paraná, RS = Rio Grande do Sul and SC = Santa Catarina). 



Et voilà le «Delta plus» !

Nous savons que le variant Delta (B.1.617.2) se caractérise par une plus grande transmissibilité et qu’il devient rapidement majoritaire (cf. newsletter n°54). Un variant de ce variant, nommé «Delta plus» (B.1.617.2.1), possède une mutation supplémentaire K417N qui lui conférerait une plus grande transmissibilité ! 

Cette mutation implique le site d’accrochage de la protéine S à son récepteur cellulaire ACE2, porte d’entrée de ce virus dans notre organisme. De plus, cette mutation – déjà observée chez le variant sud-africain (B.1.351 ou Béta) – serait associée à une résistance plus importante aux vaccins (cf. newsletters n°35 et n°38).

Bon, nous ne sommes pas sortis de l’auberge !




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VACCINS



Les soignants non vaccinés : qui sont-ils ?

Le débat fait rage pour l’éventuelle obligation de la vaccination chez les soignants. Mais qui sont-ils ? Un article très intéressant a été publié dans la revue Vaccines. Il porte sur une enquête française multicentrique reposant sur un envoi de questionnaires aux soignants (Vaccines, 22 mai 2021). 

Bon, le message positif réside dans le fait que la grande majorité des soignants sont plutôt hésitants et donc accessibles à une bonne information.



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Évolution des réponses au questionnaire sur la volonté d’être vacciné dans une population de soignants
(vert : «oui sans hésitation» ; orange : «hésitants mais globalement en faveur» ; violet : «sans opinion» ; bleu : «hésitants plutôt défavorables» ; violet : «réfractaires définitifs»).
On observe une augmentation au cours du temps des opinions favorables.



Efficacité des vaccins ARNm contre l’infection dans le monde réel

Nous savons que lors des phases III les vaccins ARNm (Pfizer-BioNTech® et Moderna®) étaient efficaces à plus de 90% (cf. newsletters n°32 et n°33). Qu’en est-il dans la vraie vie ? Des chercheurs ont suivi pendant cinq mois une cohorte de 3.975 soignants, en réalisant des PCR régulièrement. Ils ont comparé les résultats en fonction du statut vaccinal (NEJM, 30 juin 2021). 



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Efficacité des vaccins ARNM Moderna® et Pfizer-BioNTech® dans la vraie vie pour la survenue de la Covid-19.
L’ajustement tient compte de la circulation virale, du site d’inclusion et de la profession du soignant.


 



Vaccins et immunisation contre le variant Delta

Des chercheurs ont déterminé l’efficacité contre l’infection – ou nouvelle infection – par le SARS-CoV-2 : 
- des vaccins Moderna® et Pfizer-BioNTech®,
- de l’immunisation naturelle après avoir contracté la Covid-19.

Donc... les vaccins sont efficaces, mais un peu moins !



Une piqûre, deux vaccins !

La gestion de la Covid-19 risque de nous entraîner vers un scénario de type «grippal» où la vaccination devra sans arrêt s’adapter à l’apparition de nouveaux variants. Il faudrait donc prévoir une vaccination régulière pour se protéger de ce satané SARS-CoV-2. Ceci est d‘autant plus probable que l’immunité contre les coronavirus en général est, le plus souvent, transitoire.

Des chercheurs, prévoyants, ont testé un vaccin qui est constitué d’un mélange de deux vaccins :  un contre la grippe classique et le vaccin NVX-CoV2373 (Novavax®) contre la Covid-19 (cf. newsletter n°51). Ils ont testé de manière randomisée la tolérance et l’efficacité de cette combinaison en comparant (medRxiv non encore reviewé, 13 juin 2021) :

Résultats : 

Si la Covid-19 continue... on aura une grosse piqûre !

Merci au Dr Axel Ellrodt

 

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CLINIQUE



Patients exposés et jamais malades : l’explication

Nous nous sommes toujours étonnés de la résistance de certaines personnes face à l’infection par le SARS-CoV-2. En effet, à exposition égale (soignants, réunions de famille, tablées dans un restaurant, etc.), il existe des personnes qui non seulement ne développent pas la maladie mais de plus restent toujours séronégatives, comme s’il existait un mécanisme pour ne pas se faire infecter. Qu’en est-il exactement ?

Des chercheurs ont investigué 53 cas de soignants exposés au SARS-CoV-2 et qui sont restés séronégatifs et asymptomatiques avec une PCR toujours négative (medRxiv, non encore reviewé, 1er juillet 2021). En isolant leurs lymphocytes T, les chercheurs se sont aperçus que ces cellules avaient «en mémoire» un épitope commun et précoce à tous les coronavirus : le complexe RTC (Replication and Transcription Complex protein). Cette RTC est une partie de la RNA polymérase virale qui est commune à tous les coronavirus et d’une grande stabilité parmi les variants du SARS-CoV-2.



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Réactivité des lymphocytes T contre les protéines structurales du SARS-CoV-2. On constate que les lymphocytes T des sujets exposés et séronégatifs (vert) ont conservé une très haute réactivité contre la région RTC de l’ARN polymérase virale du SARS -CoV-2, du même ordre de grandeur que les patients infectés Covid-19+ ( gris).
Il y a donc probablement eu chez ces patients une rencontre avec le SARS-CoV-2, provoquant sa destruction rapide grâce à cette sensibilisation anti-RCT.

En fait, ces lymphocytes T ont été sensibilisés par des infections bénignes aux coronavirus en période pré-pandémique et réagissent très rapidement lors d’une exposition au SARS-CoV-2. Ceci provoque leurs destructions avant même la montée en charge de la réponse inflammatoire, ne laissant ainsi aucune signature de l’infection (schéma). 

Voilà donc la théorie de l’immunité croisée protectrice relancée ! Les auteurs proposent au final de développer de nouveaux vaccins ciblant cette région RTC plutôt que la protéine S. Il est vrai que, si c’est faisable et efficace, nous serions ainsi protégés des variants ! 

Merci au Dr Axel Ellrodt

 




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TRAITEMENTS



Enfin un antiviral qui pourrait marcher ?

Pour la prévention ou le traitement de la Covid-19, tous les essais avec des molécules directement antivirales se sont soldés par de cuisants échecs. Les laboratoires Merck® ont développé une molécule originale, initialement prévue pour détruire le virus de la grippe mais qui semble avoir une activité in vitro et in vivo sur le SARS-CoV- 2.

Il s’agit du molnupiravir, un inhibiteur compétitif de la RNA-polymérase. Cette molécule s’oppose donc à la réplication virale. Sur modèle animal (souris, furets), cette molécule a montré une activité antivirale documentée contre les coronavirus et en particulier le SARS-CoV-2. La première étude clinique de phase 2/3 vient d’être publiée (medRxiv non encore reviewé, 17 juin 2021). 



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Décroissance de la charge virale chez des patients Covid-19+ symptomatiques de moins de 7 jours (noir : placebo ; rouge : molnupiravir 200 mg/j ; bleu : 400 mg/j ; vert ; 800mg/j).
La décroissance est significativement plus rapide par rapport au placebo pour la posologie de 800 mg/j.



 

Encore un espoir ? Une étude clinique de grande envergure est en cours.



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