Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°51 - 11 mai)

Qatar, Israël : deux campagnes vaccinales qui montrent encore l'efficacité des vaccins à ARNm. Novavax® : un vaccin en phase II/III prometteur sur l'animal qui se révèle décevant. Au passage, on découvre un manque d’efficacité des anticorps de la souche «historique» contre le variant sud-africain. Pourquoi la Covid-19 évolue-t-elle vers sa forme grave ? Les anticorps seraient... en retard. Côté traitements : la télésurveillance des patients à domicile, ça marche, les AINS en bonne voie de réhabilitation, et Sainte Rita – patronne des causes perdues – remporte la palme catégorie «demande d'intervention divine».


Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.


INDEX et liste des FAQ / Newsletters


NEWSLETTER N°51 (11 mai 2021)

 


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VACCINS



Efficacité du vaccin Pfizer-BioNTech® sur les variants

Décidément, les preuves de l’efficacité des vaccins ARNm s’accumulent. Deux études viennent nous conforter dans la stratégie vaccinale. La première étude s’est intéressée aux résultats de la campagne vaccinale au Qatar, pays qui a vacciné sa population avec ce type de vaccin (NEJM, 5 mai 2021). 

Au 31 mars 2021, 385.853 personnes avaient reçu au moins une dose et 265.410 avaient bénéficié de la vaccination complète. Les souches qui ont envahi ce pays se divisaient en variant anglais (B.1.1.7) et en variant d’Afrique du Sud (B.1.351) avec respectivement une incidence de 44,5% et de 50%.

Le deuxième article a évalué les performances de ce vaccin dans la campagne de vaccination en Israël, principalement impacté par le variant anglais (94,5%). Il y avait au moment de l’analyse 4.714.932 citoyens vaccinés pour une population de 6.538.911 israéliens.

En utilisant les données hospitalières et l’incidence de la Covid-19 (232.268 infections), les auteurs ont pu calculer l’efficacité (mesurée à partir du 7e jour après la deuxième dose) du vaccin Pfizer-BioNTech® dans ce pays (Lancet, 5 mai 2021). 

Enfin de bonnes nouvelles !

[Merci au Dr Alexis Lepetit]



Le vaccin nouveau est arrivé !

Les premiers résultats (phases II/III) d’un nouveau vaccin, le NVX-CoV2373 (Novavax®) viennent d’être publiés dans le New England Journal of Medicine (NEJM, 5 mai 2021). Ce vaccin est composé de la protéine S du SARS-CoV-2 souche «historique» (contenant la mutation D614G). 

La protéine virale est «plantée» dans des nanoparticules lipidiques de type «nanotubule». Cet assemblage moléculaire est dilué dans un solvant comportant un adjuvant original, la Matrix-M (dérivée de la saponine qui est une molécule d’origine végétale). Celle-ci serait un booster très efficace de l’immunité. Ce vaccin peut être conservé entre 2°C et 8°C. 

Des résultats initiaux très encourageants ont été obtenus sur des macaques infectés avec une stérilisation complète des sécrétions bronchiques. Dans l’essai randomisé présenté ici, les auteurs ont inclus deux cohortes en Afrique du Sud de patients HIV+ et HIV- en leur proposant un schéma de vaccination de deux doses contenant 5 µg de protéine S et 50 µg de Matrix-M (groupe expérimental, N=2.199) ou le placebo : sérum physiologique (groupe contrôle, N=2.188). 

Détail intéressant : l’incidence de nouvelles contaminations au variant sud-africain était la même (2,2% vs. 2,5%) dans le groupe placebo entre les patients séropositifs d’une contamination ancienne au SARS-CoV-2 (souche «historique») et les patients séronégatifs. Ceci suggère un manque d’efficacité des anticorps de la souche «historique» contre le variant sud-africain. 

Bon, résultats un peu décevants au regard de l’espoir engendré par l’expérimentation animale. Par contre, nous sommes inquiets face à l’absence d’efficacité de l’immunité naturelle ancienne contre le variant sud-africain.

 

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CLINIQUE

 

Covid-19 grave : et si les anticorps étaient en retard ?

Une étude intéressante a proposé une nouvelle hypothèse pour expliquer l’évolution de la Covid-19 vers sa forme grave voire mortelle : les anticorps sont tout bonnement en retard !

En analysant la cinétique d’apparition du pic des anticorps IgG anti-S, anti-RBD et des anticorps neutralisants (NAb) de 185 patients Covid-19+ hospitalisés et de 44 patients Covid-19+ non hospitalisés (formes mineures), les auteurs ont mis en évidence une association entre la cinétique d’apparition de la réponse immunitaire et le pronostic (Nature Med, 5 mai 2021).

Bon, les auteurs mettent en évidence une fenêtre temporelle précoce où les anticorps seraient les plus efficaces, mais il reste à savoir pourquoi la réponse immunitaire est retardée dans certain cas… Autre question : pourquoi la sérothérapie précoce n’arrive-t-elle pas à s’imposer ?





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TRAITEMENTS



À quels Saints se vouer ?

Amusons nous !
L’absence de traitement curatif contre la Covid-19 est désespérant (cf. newsletters 1 à... 50) ! Le vaccin semble prometteur mais en attendant les morts s’accumulent… Il reste une solution : l’intervention divine !

C’est ce qu’ont voulu vérifier des chercheurs italiens en interrogeant via les réseaux sociaux Facebook® et Twitter® une cohorte de «followers» (Ethics, Medicine and Public Health, 14 avril 2021). La question envoyée à 15.840 followers était : «Quel Saint voudriez-vous prier pour combattre la Covid-19 ? ». 

D’autres noms de saints font allusion au nom de l'agent infectieux (Sainte Corona pour Coronaviridae sp.) ou au lieu d'émergence de la souche virale (Saint Jean-Gabriel Perboyre, un lazariste martyrisé à Wuhan, où le virus a été décrit pour la première fois),.

Enfin, notons la possibilité d'un ultime et divin plaisir avant une issue fatale : Saint Emilion ! Notons que ce dernier Saint a obtenu deux fois plus de voix que Saint Raoul : tout n’est donc pas perdu !

[Merci au Pr Bruno Riou et au Pr Benoît Plaud]



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À gauche : Sainte Rita (1381-1457).
À droite : dénombrement des réponses au questionnaire.



Télésurveillance à domicile pour les patients Covid-19+ : ça marche ?

On hésite toujours à laisser des patients Covid à domicile compte tenu d’une possibilité d’aggravation rapide de la maladie. La France a mis au point un système de télésurveillance des patients à domicile (Covidom) qui permet de suivre ces patients et d’assurer une certaine qualité de prise en charge médicale. Les auteurs publient les premiers résultats de cette cohorte (Clin Microbiol Infect, 27 avril 2021).

Covidom : ça marche !

[Merci au Dr Youri Yordanov]



Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS) : peut-on les prescrire ?

Au début de la pandémie, les médicaments anti-inflammatoires n’avaient pas la cote en France car ils pouvaient théoriquement favoriser la dissémination virale lors de la Covid-19.

À ce titre, l’ANSM avait contre-indiqué l’utilisation des AINS lors d’une infection par le SARS-CoV-2. Cette recommandation n’avait pas été suivie par les autorités sanitaires britanniques (NIH) et américaines (FDA) qui, au contraire, n’interdisaient pas le traitement par AINS lors de la Covid-19. 

Les choses semblent plus claires et rassurantes. Les AINS, et en particulier le naproxène, semblent posséder une activité antivirale spécifique contre le SARS-CoV-2, ce qui a été démontré in vitro dans une étude récente (Molecules, 29 avril 2021). 

De plus, un autre travail a comparé une cohorte de patients sous AINS (N=13.202) avec une cohorte témoin de patients sous traitement par des antalgiques non-AINS (N=12.547). Ce travail a cherché à déterminer, après un ajustement par score de propension, s’il y avait une différence en terme d’incidence de la Covid-19 et de morbi-mortalité entre ces deux cohortes (Arthritis Rheumatol, 4 mai 2021).

Les résultats n’ont montré aucune différence entre les deux groupes : l’incidence de la Covid-19 (suspectée ou confirmée) était de 15,4 pour 1.000 personne.années dans le groupe AINS et de 19,9 pour 1.000 personne.années dans le groupe contrôle (aHR=0,79 ; IC95%[0,57-1,11]). 

Concernant la mortalité, il y a eu 92 décès dans le groupe AINS et 213 dans le groupe contrôle. Cette différence n’était pas significative après ajustement (aHR=0,85 ; IC95%[0,61-1,20]). 

Ce résultat semble confirmer que la prescription d’AINS n’augmente pas la susceptibilité à la maladie Covid-19 et n’affecte pas la mortalité. Les recommandations anglo-saxonnes semblent ainsi plutôt mieux adaptées !

[Merci au Dr Axel Ellrodt et à la Dre Anny Slama-Schwock)

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