Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet (N°28 - 17 novembre)

L’Intelligence Artificielle pour le diagnostic et un déconfinement ciblé pour plus d'efficacité. La course aux vaccins est lancée, et quelques pistes de traitements à confirmer (Bromhexine, Fluvoxamine, interféron en nébulisation). Fin de partie pour le tabac, qui n'a aucun effet protecteur. PCR positives chez des patients guéris : ce sont surtout des débris de virus. Enfin, il faut prévoir une surcharge des hôpitaux liée à la morbidité secondaire chez des patients considérés comme guéris de la Covid-19 (infections, problèmes cardiaques et digestifs...).


Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.

INDEX et liste des FAQ / Newsletters


NEWSLETTER N°28 (17 novembre 2020)


e34e11d6.jpeg
ÉPIDÉMIOLOGIE


Leçons pour le déconfinement (dur, dur…)

On sait que le confinement est efficace mais on ne connait pas le mécanisme exact. Un énorme travail de simulation et de calculs théoriques a été entrepris en modélisant les interactions sociales et la mobilité de la population des dix plus grandes villes des États-Unis en fonction du confinement (Nature, 10 novembre 2020).

En évaluant les mouvements de la population à partir de leurs quartiers urbains vers des centres d’intérêt sociaux (restaurants, bars, magasins, lieux de culte, salles de sport, commerces, etc.) grâce aux relevés des téléphones cellulaires, les auteurs ont pu découvrir comment se propageait le virus en fonction de mouvements de la population. Ils ont pu aussi définir les populations les plus à risque.

Bon, ben ce n’est pas demain que l’on va boire un verre au bar du coin !

[Merci au Dr Axel Ellrodt]


L’Intelligence Artificielle au secours du diagnostic !

On avait vu que les chiens renifleurs pouvaient faire le diagnostic de Covid-19 (cf. Newsletter n°14). Maintenant un enregistreur relié à un algorithme d’intelligence artificielle permet un diagnostic à coup sûr ! Des ingénieurs ont développé un système de reconnaissance vocale des sons produits lors des efforts de toux de patients Covid-19+ (IEEE Journal of Engineering in Medicine and Biology ; 29 septembre 2020).

a8ad704e.jpeg
VACCINS


La lutte des industriels commence !

Moderna®, un laboratoire qui expérimente un vaccin (le mRNA-1273 - cf. Newsletter n°11) concurrent du vaccin de BioNTech®, lui aussi à base d’ARN messager, dévoile les résultats d’une analyse intermédiaire après la survenue de 95 cas de Covid-19 acquis dont 90 dans le groupe placebo (efficacité du vaccin = 94,5%) dans une population de 30.000 volontaires de l’essai de phase 3 (Communiqué de Presse ; 16 novembre 2020).

Tous les cas de Covid-19 sévères sont survenus dans le groupe placebo (N=11). Dans cette cohorte, il y avait 12.000 patients avec des facteurs de risque pour la Covid-19 sévère (patients âgés ou jeunes mais avec des comorbidités). Les patients âgés représentaient 16% des 95 cas de Covid-19 acquis. La concurrence s’annonce rude !


2f6ca3bd.jpg
CLINIQUE


Que deviennent nos patients hospitalisés «guéris» ?

On sait que le post-Covid-19 entraine des séquelles sur le moyen terme (et peut être sur le long terme) qui se traduisent par des atteintes inflammatoires cardiaques, pulmonaires ou neurologiques. Des symptômes comme des douleurs thoraciques, des dyspnées d’effort, une asthénie chronique sont fréquents dans cette période.

Ces symptômes post-COVID entrainent de nouvelles hospitalisations et une véritable morbidité secondaire. Un travail épidémiologique a été publié visant à quantifier ce problème de santé publique (Morbidity and Mortality Weekly Report ; 9 novembre 2020).

Il y a de quoi empêcher la fermeture des hôpitaux Français !


C’est quoi ces PCR qui se positivent de nouveau ?

Il a été signalé des PCR qui se comportaient de manière un peu «étrange»… Certains patients (sortis de l’hôpital, plus de symptômes et PCR négative) se plaignent d’une PCR qui redevient positive quelques semaines ou quelques mois après qu'ils ont été considérés comme «guéris». Un travail a investigué ces fameuses PCR positives après des résultats antérieurs négatifs (JAMA Internal Medicine ; 12 novembre 2020).

Ainsi, la majorité des PCR qui redeviennent positives secondairement correspondent à l’élimination naturelle des débris de virus tandis que la seule PCR contenant du virus viable correspondrait à un virus toujours quiescent ou à une réinfection… Les patients PCR positives étaient pratiquement tous (31/32) séropositifs (IgG + IgA). Ces PCR nouvellement positives ne correspondent donc pas forcément à une réinfection…


Le tabac, c’est bon ou mauvais ?

Une méta-analyse met un terme aux multiples travaux contradictoires sur l’effet protecteur ou non du tabagisme actif sur la Covid-19. Ce travail a regroupé 47 études avec 32.849 patients hospitalisés pour Covid-19 (Journal of Medical Virology ; 4 aout 2020).

Les fumeurs actifs avaient un sur-risque (+98%) de développer un COVID-19 sévère (RR=1,98; IC95%[1,16-3,38]) et les anciens fumeurs avaient une surmortalité (+26%) par Covid-19 (RR= 1,26; IC95%[1,20- 1,32].

Hé bien le tabac et la COVID, c’est pas top !

[Merci au Dr Etienne André]



perfusion.jpg
TRAITEMENT


L’interféron en nébulisation

L’interféron est la molécule qui joue le rôle de chef d’orchestre dans la réponse immunitaire. Elle met en alerte et adapte la réponse immunitaire face à l’agression virale. Certaines études biologiques évoquent un déficit de cette molécule comme cause de l’emballement inflammatoire qui serait la cause des formes sévères de la maladie (cf.newsletter n°12). D’où l’idée de l’utiliser comme médicament. Les premiers résultats de son utilisation sous forme injectable ont été décevants (cf.newsletter n°24). Dans cette nouvelle étude (Lancet Respiratory Medicine ; 12 novembre 2020), les auteurs proposaient un nébulisation d‘interféron, afin que cette molécule soit directement au contact de l’épithélium pulmonaire, siège de l’agression virale.

Cette étude à haut niveau de preuve représente un essai qui se veut préliminaire et qui doit être confirmé par une étude de plus grande ampleur en prenant un critère d’évaluation plus robuste (comme la mortalité par exemple). Donc... À confirmer !


Bromhexine : encore un espoir exotique ?

Le bromhexine (Bisolvon®) est un médicament mucolytique dont l’efficacité n’est pas réellement démontrée dans cette indication. Sauvera-t-il le monde de la pandémie SARS- CoV-2 ? Cette molécule aurait le pouvoir de bloquer une protéine transmembranaire (sérine protéase ou TMPRSS2) nécessaire à l’accrochage du virus sur le récepteur ACE2 et ainsi empêcher la diffusion du virus dans l’organisme.

Un petit essai monocentrique (Bioimpacts ; 19 juillet 2020), randomisé et en ouvert (sans placebo) annonce des résultats prometteurs en réduisant significativement la mortalité dans le groupe traité (5/39 vs. 0/39).

Encore un espoir à confirmer car cet essai est de très petite taille et issu d’une seule équipe. Un peu trop spectaculaire à mon humble avis… Plusieurs études seraient en cours...

[Merci au Dr Patrick Miroux]


Fluvoxamine : on aura vraiment tout essayé !

La fluvoxamine est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine utilisée comme antidépresseur. La molécule aurait un pouvoir de modulation de la réponse immunitaire en se liant à un récepteur σ-1 (S1R) situé dans le réticulum endoplasmique. Cette protéine possède une fonction dans la régulation de la production des cytokines. Cette approche thérapeutique s’inscrit dans le contrôle de l’orage cytokinique associé à la Covid-19 sévère. Un essai randomisé, en double aveugle contre placebo, a inclus 152 patients non hospitalisés et Covid-19+ sans besoin d’oxygène (JAMA ; 12 novembre 2020).

Bon, encore une étude bien faite, associée à un haut degré de preuve mais qui doit être confirmée avec de plus grands effectifs et en prenant un critère d’évaluation plus pertinent comme la mortalité.

[Merci au Dr Alexis Lepetit]



Vous êtes médecin ?
Pour recevoir une sélection de nos articles ou les commenter, il vous suffit de vous inscrire.