Covid-19 : la newsletter du Pr Adnet<br>(N°54 - 23 juin)

Variant «Delta» : quel impact sur l'évolution de l'épidémie ? Vaccin : quel impact sur la production et la qualité du sperme ? Covid-long, la piste d'une persistance de la dysfonction inflammatoire est à prendre au sérieux. Côté traitements... CPAP vs VNI, très léger avantage à la première, mais résultat global très mitigé. Anti-JAk, des résultats favorables, à confirmer. Anticoagulation préventive vs curative : pas de différence significative et surtout pas de miracle. Quant au Regeneron®, les résultats annoncés par RECOVERY interrogent.


Frédéric Adnet est professeur agrégé de Médecine d'Urgence et chef des Urgences de l’Hôpital Avicenne et du SAMU 93. À la fois chercheur et médecin, il fait régulièrement le point sur la Covid-19. Après 46 numéros d'une Foire Aux Questions (FAQ) quotidienne, il publie désormais une newsletter hebdomadaire. Nous la reproduisons ici avec son aimable autorisation. 

Sa FAQ a connu un succès phénoménal. À l'origine destinée aux professionnels de son service, elle est maintenant traduite en plusieurs langues. Dans son interview, Frédéric Adnet revient sur ce succès et explique son attachement à l'Evidence-based medicine. 

Frédéric Adnet est également l'auteur de l'ouvrage Les Fantassins de la République - Urgence COVID, un printemps en enfer, paru en octobre 2020.


INDEX et liste des FAQ / Newsletters


NEWSLETTER N°54 (23 juin 2021)


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ÉPIDÉMIOLOGIE



Variant Delta : le point épidémiologique

Nous commençons tous à nous inquiéter du variant «indien» (B.1.617.2 ou encore variant «Delta»).Il est apparu en Inde et a progressivement envahi l’Angleterre, la Finlande, le Portugal et la Russie. En bref, ce variant entame son travail de remplacement de l’ancienne souche anglaise (B.1.1.7 ou Alpha) grâce à sa plus grande transmissibilité. Il possède une mutation sur la protéine S qui expliquerait qu’il est plus enclin à nous infecter (L452R). Les premiers résultats sur l’efficacité du vaccin sont plutôt rassurants (cf. newsletters n°48, n°50 et n°52). 

Les premiers résultats épidémiologiques réalisés en Angleterre (étude REACT-1 du 20 mai au 7 juin 2021) dévoilent que ce variant est responsable d’une remontée exponentielle du taux d’incidence depuis fin mai 2021, passant de 0,1% (IC95%[0,08-0,13]) à 0,15%(IC95%[0,12-0,18]) en moins d’un mois (Imperial College London, preprint non encore reviewé, 18 juin 2021). 

[Merci au Dr Axel Ellrodt]



Variant Delta : le point virologique

Un article du British Medical Journal fait un point sur le variant Delta, en répondant à une série de questions d’actualité (BMJ, 15 Juin 2021). 

D’un point de vue virologique, la souche «historique» G614 (mutation D614G de la souche D614 de Wuhan) était peut-être sous-optimale dans son pourvoir d’infestation. Une première mutation (N501Y) a conduit à une souche plus virulente (B.1.1.7). Le variant B.1.617.2 («Delta»), qui possède plusieurs mutations sur les sites d’accrochage de la protéine S, doit être considéré comme une optimisation de l’ancienne souche dans son pouvoir de transmissibilité. 

Et en France ? L’incidence est actuellement entre 2-5%, mais les données du 18 juin montrent 418 PCR positives au L452R (majoritairement correspondant au variant Delta) sur un total de 2.184 séquençages, soit un pourcentage de 6,6%... 

On ne voit pas comment on pourra empêcher ce variant de devenir dominant. Nous sommes donc dans une course contre la montre entre la vitesse de la couverture vaccinale (notamment chez les jeunes) et la cinétique de progression de ce variant. 

Je ne vois aucun argument sérieux qui pourrait démontrer l’absence d’un futur rebond épidémique dû à ce variant en France. Seule l’efficacité des vaccins sur les formes graves pourrait nous permettre de ne pas revivre un cauchemar sanitaire en termes de morbi-mortalité….


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VACCINS



Vaccin : et le sperme ?

Parmi les raisons de la réticence aux vaccins et figurant en bonne place dans les arguments des «antivax», un éventuel effet secondaire concernerait le danger d’infertilité à la suite de l’injection du vaccin ARNm. Des auteurs ont voulu vérifier si cet argument pouvait avoir un support «scientifique». Ils ont analysé la quantité de sperme et la qualité des spermatozoïdes avant et 70 jours après la vaccination chez 45 volontaires sains (JAMA, 17 juin 2021). 

On s’y attendait : aucune diminution des caractères quantitatifs ou qualitatifs du sperme après la vaccination ! Au contraire, les auteurs remarquèrent une augmentation de volume qui passait en moyenne de 2,2 mL à 2,7 mL, une augmentation de la concentration des spermatozoïdes : 26 millions/mL pour atteindre 30 millions/mL après vaccination et une augmentation du pourcentage de mobilité : 65% vs. 58%! 

Le vaccin , c’est bon pour faire des bébés !

 

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CLINIQUE



Covid long : la piste inflammatoire ?

On sait que la Covid-19 entraîne une morbidité à long terme incluant la persistance de symptômes, des hospitalisations et l’apparition de nouveaux signes en particulier neurologiques (cf. newsletters n°34, n°35, n°44, n°46 et n°47). On suppose que ces symptômes sont en lien avec la persistance d’une dysfonction inflammatoire au long terme. Une équipe s’est penchée sur cette problématique en étudiant la fonction immunitaire de 147 patients Covid-19+ à 5 et à 8 mois après l’épisode aigu (medRxiv non encore reviewé, 3 juin 2021). 

La piste d’une persistance de la dysfonction inflammatoire est donc à prendre au sérieux pour ces malades.

[Merci au Dr Axel Ellrodt]

 




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TRAITEMENTS



CPAP ou VNI ?

(NDLR : à ce sujet, lire aussi dans notre blog «Urgences» Ventilation non invasive et Covid-19 : Magnéto vs Batman... et Aquaman).

Lors de la prise en charge des détresses respiratoires des patients Covid-19+, les techniques de ventilation non invasive (VNI) ont pris de l’ampleur. Parmi ces techniques, deux modalités peuvent être proposées :

Un article de revue a essayé de déterminer quelle était la technique la plus efficace (J Crit Care, 15 juin 2021). L’analyse a porté sur 23 articles rassemblant 4.776 patients : 2.192 ont pu être inclus dans l’analyse avec 1.061 traités par CPAP et 1.011 par la VNI.

Bon, ce résultat serait à confirmer par un essai prospectif et comparatif, mais cela est-il nécessaire ?


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Pourcentage de succès (vert), de décès d’intubations (bleu) dans une population de patients ventilés par VNI ou CPAP.
La CPAP semble associée à une morbidité moins élevée.



Anti-JAK : ça marche ?

Les anti-JAK sont des molécules inhibant les Janus-Kinases, enzymes responsables de l’activation d’un facteur de transcription (STAT) qui lui-même active un gène responsable de l’activation de l’inflammation et la production de cytokines. Elles sont employées, entre autres, dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. On l’aura compris, l’utilisation de ces molécules vise à contrer l’orage cytokinique associé aux formes graves de la Covid-19. 

Le New England Journal of Medicine publie les résultats d’un essai randomisé, contrôlé contre placebo en testant le tofacitinib (un anti-JAK) chez des patients Covid-19+ hospitalisés avec une pneumopathie (NEJM, 16 juin 2021). 

Résultat intéressant mais à confirmer et notamment sur la mortalité.



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Évolution de l’incidence cumulée de décès ou de détresses respiratoires chez des patients Covid-19+ avec pneumopathie traités par tofacitinib (trait noir) ou placebo (trait rouge). On constate une diminution significative de ce critère dans le groupe traité.



Anticoagulation : préventif ou curatif ?

Les indications de l’anticoagulation au cours de la Covid-19 ne sont pas claires et les derniers résultats ne parviennent pas à trouver un bénéfice clair avec une stratégie d’anticoagulation spécifique (cf. newsletters n°50 et n°53). Ce n’est pas cette nouvelle étude qui va rendre les choses plus faciles ! 

Les auteurs ont comparé deux stratégies d’anticoagulation (curatif vs préventif) chez des patients Covid-19+ hospitalisés avec un dosage de D-dimères élevé défini comme une valeur plus élevée que la limite supérieure de la norme du laboratoire local (Lancet, 4 juin 2021). 

Résultats

Bon, l’anticoagulation ne fait pas de miracle, on va décidément revenir à des indications plus classiques pour ce médicament dans le cadre de la Covid-19 !



Association casirivimab/imdevimab (Regeneron®) : ça marche ?

L’équipe de l’essai international RECOVERY dévoile, dans un communiqué de presse, les premiers résultats de cette combinaison d’anticorps monoclonaux anti-protéines S du SARS-CoV-2. Nous avions vu, dans un précédent communiqué de presse, des résultats encourageants chez des patients non hospitalisés (cf. newsletter n°48). 

Hum, hum, il faudra bien lire la publication «officielle»…



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