Tuberculose : nouveaux traitements, nouveaux défis

La lutte contre la tuberculose multirésistante s'enrichit d'un nouvel arsenal. Mais les migrations internationales – dont l'afflux de réfugiés en provenance d'Ukraine – posent de nouveaux défis.



En 2019, 1,4 million de personnes sont décédées de la tuberculose. Devenue en 2015 la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde, devant le VIH, cette maladie figure parmi les dix premières causes de mortalité dans le monde. Chaque année, environ 10 millions de personnes développent une forme active de tuberculose. Plus d’un tiers de ces personnes ne seraient pas diagnostiquées ou traitées. 

Les formes de tuberculoses multi-résistantes (TB-MR) se développent et concernent jusqu’à 10% des cas dans certains pays. Les traitements couramment utilisés, longs, lourds et parfois toxiques pour le patient, sont un réel défi quant à l’observance. Ils s’étalent parfois sur deux ans, le patient devant ingérer jusqu’à 20 comprimés par jour. Ces traitements reposent aussi sur des injections particulièrement douloureuses. Les effets secondaires observés peuvent être graves (surdité, psychose). 


Un nouveau traitement contre la tuberculose multirésistante

La bédaquiline et le délamanide, enregistrés par l’Agence européenne du médicament en 2014, sont les premiers traitements antituberculeux développés depuis 50 ans. Restait à trouver la manière manière de les intégrer aux traitements déjà existants contre la TB-MR.

Le consortium endTB, qui inclut Médecins Sans Frontières (MSF), mène depuis 2017 un essai contrôlé randomisé de phase III. Le but est de trouver un traitement court, efficace et sûr contre la TB-MR. Cinq nouveaux schémas thérapeutiques sont testés, combinant la bédaquiline et le delamanid à d'autres antituberculeux oraux existants.

Les résultats définitifs seront connus en 2023, mais l’efficacité atteindrait 85% au cours des six premiers mois de traitement, versus 56% pour le protocole classique. Peu d’effets secondaires ont été observés.  

Autre point remarquable, la population étudiée. Elle comprenait notamment des femmes, des adolescents et des personnes avec des comorbidités (VIH, hépatite C, diabète). Bien que souvent concernées par la tuberculose, ces dernières participent rarement à de tels essais. 


La situation en Ukraine

En 2018, l'Ukraine enregistrait 36.000 cas de tuberculose, dont plus d'un tiers de TB-MR. C’est l’un des 30 pays les plus touchés dans le monde. La population carcérale étant particulièrement expoée, Médecins Sans Frontières conduit depuis 2011 des actions de lutte contre la TB-MR dans des centres de détention à Marioupol et à Bakhmout, ainsi que dans la colonie pénitentiaire de Dnipro. 

Un programme de soins était aussi proposé depuis 2018 à l’hôpital de Jytomir (nord-ouest de l’Ukraine). Outre les nouveaux traitements testés dans le cadre de endTB, MSF proposait des séances d'éducation thérapeutique afin d'améliorer l'observance. Par ailleurs, la construction d’un laboratoire à haut niveau de biosécurité était en cours dans le dispensaire antituberculeux. Toutes ces actions ont été suspendues dès le début de l’invasion russe. 


Le difficile suivi des personnes migrantes

Le grand nombre de réfugiés ukrainiens qui sont et seront accueillis dans les pays européens appelle une vigilance accrue de la part des professionnels de santé européens. Dans les pays à faible incidence de tuberculose, les migrants internationaux représentent en effet la population la plus touchée (en 2016, 74% des cas au Royaume-Uni et 90% en Suède). 

Ceci s’explique par l’incidence dans les pays d’origine mais également par les conditions de vie des migrants, pendant et après le voyage. Elles majorent le risque d’infection (exposition à des personnes infectées, surpopulation dans les lieux d’hébergement transitoire), retardent le diagnostic et peuvent interrompre un traitement préalablement mis en place. L’accès aux soins dans le pays d’accueil se heurte ensuite aux différences linguistiques, culturelles et la question de la prise en charge financière. 

Ces conditions particulières sont autant d’obstacles à la stratégie habituelle de lutte contre la tuberculose, qui repose sur l’identification rapide des personnes contagieuses afin de casser la chaîne de transmission. 


Que faire en présence d'un patient arrivant d'Ukraine ?

Dans sa newsletter «Spéciale Ukraine» du 18 mars, la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et Infovac rappellent que l’Ukraine est un pays très touché par les maladies infectieuses chroniques. La couverture vaccinale y est faible.   

Afin d'aider les médecins amenés à recevoir en consultation des patients arrivant d'Ukraine, la SPILF et Infovac fournissent également le calendrier vaccinal ukrainien 2018 et une traduction du carnet de vaccination. En attendant les recommandations du Haut Conseil de la Santé publique, la marche à suivre concernant la vaccination, le dépistage des infections virales et de la tuberculose est aussi détaillée. 


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Références :

- Expand new drug markets for TB (endTB)
- Evaluating Newly Approved Drugs for Multidrug-resistant TB (endTB)
- Evaluating newly approved drugs for multidrug-resistant tuberculosis (endTB): study protocol for an adaptive, multi-country randomized controlled trial
- MSF – «Tuberculose multirésistante : 750 patients recrutés à l’échelle mondiale pour un essai clinique inédit»
- «Tuberculose et migrants» – La Lettre du Pneumologue (décembre 2018)