Contexte de l’étude
Si 2 à 3 milliards de personnes sont porteuses de kystes cérébraux, les conséquences en sont méconnues. Des anomalies neuro-comportementales et des variations de taux sanguin de cytokines/chemokines/facteurs de croissance sont toutefois associées à la séropositivité à T. gondii. Les bradyzoïtes enkystés persistent toute la vie et sont à l’origine de recrudescences (infection active par le stade parasitaire Tachyzoïte). Chez les immuno-déprimés et dans le cas des infections congénitales, une infection active peut être très néfaste. Les traitements disponibles contre la forme active Tachyzoïte présentent des effets indésirables limitant leur utilisation. Le stade bradyzoiẗe n’est actuellement sensible à aucun traitement. Le développement de nouvelles thérapies souffre d’un manque de méthode de culture in vitro des kystes parasitaires et de modèles animaux adaptés au criblage de composés thérapeutiques.
Dans un article du journal Scientific Reports (DOI: 10.1038/srep29179), une équipe internationale décrit la caractérisation d’une souche de T. gondii adaptée aux études in vitro et présente de nouveaux composés à fort potentiel thérapeutique.
Résultats de l’étude
L’intérêt de la souche EGS a été isolée en 1994 dans un cas d’infection congénitale au Brésil. Une analyse phylogénétique la montre proche d’autres souches brésiliennes. Cependant elle se différencie par un polymorphisme particulier dans le gène Apetala 2, codant un facteur de transcription (AP2) spécifique aux parasites Apicomplexa, réprimant la conversion parasitaire bradyzoïte vers tachyzoïte.
L’intérêt d’EGS est qu’elle adopte un phénotype bradyzoïte en culture in vitro sur fibroblastes humains (HFF). En outre, elle induit la production d’oocystes dans les selles de chats infectés. La contamination orale de souris par des oocystes EGS induit un phénotype pathologique très virulent (nécrose de l’ileum terminal, pneumonie, parasites cérébraux et mortalité dose-dépendante) identique aux autres souches virulentes brésiliennes. Des analyses transcriptomiques de cellules HFF, MM6 (lignée humaine de monocytes) et NSC (cellules souches neuronales humaines), relevantes d’une infection à T. gondii, ont révélé une modulation de transcription de la cellule hôte par EGS de gènes impliqués entre autre dans le stress du réticulum endoplasmique, la neurodégénération ou le cycle cellulaire. En particulier, le transcrit de miR-708-5p, à l’origine de l’apoptose des cellules neuronales et rétiniennes, apparaît très sous-régulé par EGS, suggérant le maintien de niches favorisant la persistance de la forme enkystée. Les transcrits les plus sur-régulés par EGS concernent notamment plusieurs cytochromes et facteurs de transcriptions AP2.
La quinolone ELQ271 est connue pour inhiber le cytochrome cb1 de T. gondii et de réduire le nombre de kystes cérébraux chez la souris. Un effet similaire est ici observé sur les kystes induits par EGS. Cependant, cet inhibiteur souffre d’une faible solubilité et présente une toxicité envers les fibroblastes humains. Les auteurs ont ainsi testé des variants conformationnels. La tétrahydroquinolone MJM170 est particulièrement intéressante de part son effet équivalent sur EGS (bradyzoïte) et sa solubilité améliorée >10 fois en milieu aqueux (tampon phosphate salin pH 7.4) et 3 fois en milieu bio-relevant (FaSSIF pH 6.5). Sur d’autres souches, MJM170 a montré une forte efficacité envers la forme tachyzoïte, et un effet modéré sur la forme bradyzoïte. L’analyse structurelle révèle une liaison de MJM170 dans le site Qi du cytochrome bc1. Enfin, des tests supplémentaires ont montré un grand effet de MJM170 sur Plasmodium falciparum, responsable du paludisme, y compris sur des souches résistantes aux antibiotiques disponibles.
Conclusions de l’étude
Par la caractérisation de la souche EGS, les auteurs ont développé des nouveaux modèles animaux pertinents pour la recherche de nouvelles thérapies contre le toxoplasme. Dans cette souche, une mutation a été détectée dans le gène codant AP2, un répresseur du stade bradyzoïte. Il serait intéressant de caractériser le produit de cette mutation, pouvant expliquer le phénotype bradyzoïte d’EGS. Les différences d’expression engendrées par l’infection par EGS a mis en avant des cibles thérapeutiques potentielles, notamment le cytochrome bc1. Un nouveau composé plus performant que ceux existant, le MJM170 a ainsi montré des effets très positifs qu’il conviendra de valider dans de futures études. C’est un nouvel espoir pour les patients de cette infection parasitaire aujourd’hui non guérissable.
Texte : esanum / pg
Photo :fotovapl / Shutterstock
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