Traitement du cancer du sein chez les adolescentes et jeunes adultes (AJA)

Le cancer du sein chez les adolescentes et jeunes adultes est rare, mais souvent agressif. Sa prise en charge doit être adptée à l’âge de la patiente, aux risques liés à la fertilité et aux enjeux psychologiques.

En France, les AJA sont définis comme les patients âgés de 15 à 25 ans, alors que la littérature internationale élargit souvent cette tranche d'âge jusqu’à 39 ans. L'étude "Spécificités de la prise en charge du cancer du sein chez les adolescents et jeunes adultes (AJA)"1 dresse un état des lieux des connaissances disponibles.

Chirurgie et reconstruction mammaire

La chirurgie conservatrice peut être proposée sans altérer le pronostic, mais la mastectomie totale se discute en présence d’un risque génétique avéré ou selon la préférence de la patiente et après information éclairée. L’augmentation des stratégies néoadjuvantes laisse le temps de disposer des résultats d’oncogénétique préopératoires et d’adapter en conséquence le geste local, y compris la décision d’une mastectomie prophylactique controlatérale lorsque cela est pertinent. La reconstruction est fréquemment immédiate et majoritairement réalisée par implants, éventuellement associée à du lipomodelage, tandis que des approches plus « naturelles » comme le lipomodelage exclusif gagnent en popularité. Les données chez les femmes très jeunes montrent un retentissement psychosexuel plus marqué après mastectomie, mais une amélioration des scores de qualité de vie lorsque la reconstruction est effectuée précocement.

Radiothérapie

La radiothérapie adjuvante demeure un pilier après chirurgie conservatrice, avec l’indication d’un boost sur le lit tumoral en raison du jeune âge. En cas de mutation constitutionnelle de TP53, la radiosensibilité conduit à privilégier une mastectomie pour éviter l’irradiation. L’irradiation partielle mammaire n’est pas recommandée faute de niveau de preuve suffisant dans cette population. Les techniques visant à minimiser la dose aux organes à risque, notamment la radiothérapie conformationnelle 3D et la protonthérapie, doivent être favorisées afin de réduire le risque tardif de toxicités et de cancers radio-induits. Le fractionnement hypofractionné modéré est considéré comme un standard y compris chez les moins de 40 ans, tandis que les schémas ultrahypofractionnés ne sont pas recommandés dans cette tranche d’âge.

Traitements systémiques

La chimiothérapie néoadjuvante est recommandée pour les sous-types HER2 positifs et triple négatifs à partir d’une taille tumorale d’environ 2 cm, et plus largement en cas d’atteinte ganglionnaire, ainsi que pour certaines tumeurs RH positives et HER2 négatives inaccessibles d’emblée à un traitement conservateur. Les recommandations récentes intègrent l’association du pembrolizumab aux schémas néoadjuvants pour les tumeurs triple négatives, et préconisent des schémas dose-denses pour les tumeurs RH positives et HER2 négatives en situation néoadjuvante ou adjuvante selon le risque. La vigilance doit être accrue vis-à-vis des toxicités tardives, notamment cardiaques avec les anthracyclines, neuropathiques avec les taxanes, et endocriniennes prolongées liées aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, avec des tableaux d’hypothyroïdie, d’insuffisance corticotrope ou de panhypophysite décrits.

L’hormonothérapie occupe une place centrale pour les tumeurs hormonosensibles. Chez les patientes non ménopausées à haut risque de récidive et en particulier après chimiothérapie, l’association d’un inhibiteur de l’aromatase à une suppression ovarienne par agoniste de la LH-RH constitue le schéma de référence, avec une durée recommandée de cinq ans. Une prolongation jusqu’à sept à dix ans peut être discutée en présence d’un risque persistant, tandis que le tamoxifène seul demeure une alternative lorsque le risque est plus faible ou en cas d’intolérance.

Les thérapies ciblées se sont étendues au contexte adjuvant. L’olaparib est indiqué chez les patientes porteuses d’une mutation germinale de BRCA1 ou BRCA2 présentant un cancer triple négatif ou RH positif et HER2 négatif à haut risque, afin de réduire le risque de rechute. L’abémaciclib s’adresse aux cancers RH positifs et HER2 négatifs à haut risque de récidive, en association à l’hormonothérapie. Ces approches s’intègrent dans une stratégie de désescalade sélective ou d’intensification raisonnée basée sur le risque.

Signatures génomiques et sélection de la chimiothérapie

Les signatures transcriptomiques telles qu’Oncotype DX, MammaPrint, Prosigna et EndoPredict ont pour objectif d’identifier les patientes pouvant éviter une chimiothérapie adjuvante. Les femmes de moins de 40 ans sont sous-représentées dans les essais pivots, ce qui limite l’extrapolation. Chez les femmes non ménopausées avec atteinte ganglionnaire, l’abstention de chimiothérapie n’est pas recommandée même en présence d’un score génomique bas. Chez les patientes sans envahissement ganglionnaire, une signature peut être envisagée pour confirmer un bas risque concordant entre clinique et génomique, avec la possibilité d’éviter la chimiothérapie dans des situations soigneusement sélectionnées.

Oncogénétique et implications thérapeutiques

L’évaluation génétique doit être initiée précocement, car elle influence la stratégie locale et systémique. Les recommandations internationales proposent un dépistage des altérations constitutionnelles de BRCA1 et BRCA2 jusqu’à 66 ans, tandis qu’en France une analyse du panel HBOC est recommandée avant 41 ans. Un circuit urgent peut être sollicité pour disposer des résultats avant la chirurgie afin d’orienter le type d’intervention et d’anticiper l’éligibilité à un inhibiteur de PARP en adjuvant. La mise en évidence d’une mutation de TP53 conduit à privilégier des options chirurgicales évitant la radiothérapie et à adapter la surveillance.

Préservation de la fertilité

L’information sur la gonadotoxicité potentielle et les options de préservation doit être systématique et adaptée à l’âge et au stade tumoral. Chez les femmes de moins de 40 ans, le risque d’aménorrhée avec les protocoles usuels est classé bas pour les anthracyclines et le cyclophosphamide et intermédiaire pour le docetaxel. Les données restent limitées concernant l’impact des thérapies ciblées et de l’immunothérapie sur la fertilité, ce qui justifie une prudence accrue. Les options incluent la stimulation ovarienne avec cryoconservation d’ovocytes ou d’embryons, la maturation ovocytaire in vitro dans des contextes spécifiques et l’utilisation d’agonistes de la LH-RH pendant la chimiothérapie à visée de protection ovarienne.

Suivi et après-cancer

Le suivi doit concilier la surveillance oncologique et la prévention des séquelles cardiovasculaires, osseuses, neurocognitives et sexuelles. Les pathologies cardiovasculaires contribuent de manière significative à la morbidité au long cours, ce qui impose une évaluation et une prise en charge cardiologique adaptées en particulier après exposition aux anthracyclines. La densité minérale osseuse doit être surveillée, car la perte osseuse est accrue sous suppression ovarienne associée à un inhibiteur de l’aromatase par rapport au tamoxifène seul. Les troubles cognitifs décrits chez les AJA peuvent persister au-delà de deux ans et affecter la poursuite d’études ou le maintien dans l’emploi, ce qui justifie un repérage et des interventions dédiées. Une grossesse après cancer du sein n’augmente pas le risque de récidive et peut être envisagée en général entre dix-huit mois et trois ans après la fin des traitements adjuvants, avec, le cas échéant, une interruption temporaire de l’hormonothérapie et un bilan pré-conceptionnel incluant une imagerie mammaire complète, une évaluation biologique, une imagerie corps entier adaptée au contexte et une échographie cardiaque en cas d’exposition antérieure aux anthracyclines.

Sources

  1. Spécificités de la prise en charge du cancer du sein chez les adolescents et jeunes adultes,  (AJA) ; Florence Coussy , Enora Laas , Kim Cao, Anne-Sophie Hamy, Delphine Loirat, Valerie Laurence ; Bulletin du Cancer ; ScienceDirect, juin 2025