Syndrome coronarien aigu sans élévation du ST : les nouvelles recommandations

Le congrès annuel (et virtuel) de la société européenne de cardiologie fut l'occasion de présenter de nouvelles recommandations concernant la prise en charge des syndromes coronariens aigus sans élévation du segment ST. Focus sur les nouveautés et les points clés.

Pour la première fois le congrès annuel de l'ESC s'est tenu en mode virtuel. Cela n’a pas refroidi l'enthousiasme des participants : le record d’affluence a été battu avec notamment plus de 100.000 personnes le premier jour. Ce congrès fut donc un formidable virage numérique pour l'apprentissage et le partage des connaissances cardiovasculaires. Plus de 4.000 résumés cliniques ont été présentés. Quatre recommandations furent également publiées ou actualisées, dont l’une concernant la pris en charge des syndromes coronariens aigus sans élévation du segment ST.

En 2020, hors COVID-19, les maladies cardiovasculaires et en particulier les cardiopathies ischémiques demeurent la première cause de mortalité dans le monde. La majorité des patients atteints de cardiopathie ischémique présentent un syndrome coronarien aigu sans élévation du ST (NSTE-ACS - Non-ST elevation acute coronary syndrome). 5 ans après les dernières recommandations de l'ESC, focus sur les nouveautés et les points clés.

Tout d'abord, ces recommandations introduisent de nouvelles sections sur les sujets suivants :

Les nouvelles recommandations du CES 2020 contiennent également des nouveautés ou actualisations sur :


La clinique avant tout

La pandémie de COVID-19 a entraîné dans le monde entier une réduction de moitié des hospitalisations pour infarctus du myocarde, probablement par crainte d'une contamination à l'hôpital. Le NSTE-ACS mettan en jeu le pronotic vital, les nouvelles recommandations de l'ESC ont rappelé l'importance de l’examen clinique et proposent la description suivante : «La douleur thoracique typique est caractérisée par une sensation rétrosternale de douleur, de pression ou de lourdeur irradiant vers le bras gauche, les deux bras ou le bras droit, le cou ou la mâchoire, qui peut être intermittente (généralement plusieurs minutes) ou persistante.

Des symptômes supplémentaires tels que transpiration, nausées, douleurs épigastriques, dyspnée et syncope peuvent être présents. Les présentations atypiques comprennent des douleurs épigastriques isolées, des symptômes semblables à ceux de l'indigestion et une dyspnée ou une fatigue isolée. Les troubles atypiques sont le plus souvent observés chez les personnes âgées, les femmes et les patients atteints de diabète, de maladie rénale chronique ou de démence. L'exacerbation des symptômes à l'effort et leur diminution au repos augmentent la probabilité d'une ischémie myocardique.»


15 points clés des nouvelles recommandations

  1. Le corrélat pathologique du SCA chez les patients qui ne présentent pas d'élévation persistante du segment ST (NSTE-ACS) au niveau du myocarde est la nécrose cardiomyocytaire, mesurée par les niveaux de troponine, ou, plus rarement, l'ischémie myocardique sans dommage cellulaire (angor instable). En général, les personnes souffrant d'angine instable ont un risque de décès nettement plus faible et ont moins besoin d'un traitement médicamenteux agressive et de procédures invasives.
  2. La mesure du dosage de la troponine à haute sensibilité (hs-cTn) est davantage recommandée que le dosage moins sensible, car elle permet d'obtenir une plus grande précision de diagnostic pour un coût identique. En fait, de nombreuses affections cardiaques autres que l'infarctus du myocarde provoquent également des lésions cardiomyocytaires et, par conséquent, une augmentation des troponines cardiaques (cTn).
  3. D'autres biomarqueurs peuvent avoir une pertinence clinique dans des contextes spécifiques lorsqu'ils sont utilisés en combinaison avec des troponines cardiaques (TnIc) non hautement sensibles.
    Les niveaux de CK-MB diminuent rapidement après une crise cardiaque, de sorte que leur mesure peut apporter une valeur ajoutée pour la détection d'un nouvel événement.

    Le dosage systématique de la copeptine pour exclure précocement une crise cardiaque est recommandé dans les rares cas où il n'est pas possible de doser la hs-cTn.
  4. L'intervalle de temps entre la première et la deuxième évaluation de la troponine peut être réduit avec l'utilisation de la hs-cTn en raison de la sensibilité accrue et de la précision du diagnostic pour la détection de l'infarctus du myocarde.
    Il est recommandé d'utiliser l'algorithme 0 h/1 h (meilleure option, prélèvement sanguin à 0h et 1h) ou l'algorithme  h/2h (deuxième option, prélèvement sanguin à 0h et 2h).

    Utilisé en combinaison avec les résultats cliniques et de l’ECG, l'algorithme 0 h/1 h et 0 h/2 h permet d'identifier les candidats appropriés pour une sortie précoce et une prise en charge ambulatoire.
  5. Quatre variables cliniques influencent significativement les concentrations de hs-cTn, à savoir l'âge (différences entre les individus très jeunes et les individus très âgés «en bonne santé» jusqu'à 300%), le dysfonctionnement rénal (différences entre un DFGe très élevé et très faible jusqu'à 300%), l'apparition de douleurs thoraciques (>300%) et le sexe (environ 40%).
  6. Les niveaux initiaux de troponine ajoutent aux variables cliniques et à l'ECG des informations pronostiques en termes de mortalité à court et à long terme.
    Plus les niveaux de hs-cTn sont élevés, plus le risque de décès est important.

    La créatinine sérique et le DFGe doivent également être mesurés chez tous les patients atteints de NSTE-ACS car ils influencent le pronostic et sont des éléments clés du score de risque GRACE, dont le résultat est plus fiable que l'évaluation (subjective) du médecin. En outre, les peptides natriurétiques peuvent fournir des informations pronostiques supplémentaires.
  7. L'utilisation des critères du ARC-HBR (Academic Research Consortium for High Bleeding Risk) est une approche pragmatique pour évaluer le risque hémorragique. Ce document comprend les études les plus récentes menées chez des patients à haut risque d'hémorragie.
    Le score PRECISE-DAPT peut être utilisé pour définir la durée du DAPT (Dual antiplatelet therapy) avec une valeur prédictive modeste pour les hémorragies majeures (cependant, le bénéfice pour les résultats des patients reste incertain).
  8. L'évaluation clinique peut orienter vers des examens d'imagerie non invasifs ou invasifs même après exclusion de l'infarctus du myocarde.
    L'angiographie coronaire (CCTA - Coronary computed tomography angiography) peut être une option chez les patients dont la probabilité clinique d'angine instable est faible ou modeste, car un résultat normal exclut une pathologie coronarienne (CAD - Coronary artery disease).

    La CCTA a une valeur prédictive négative élevée pour exclure les SCA (à l'exception des maladies coronariennes) et prédit un excellent résultat chez les patients se présentant aux urgences avec une probabilité faible ou modeste de SCA et une CCCTA normale.

    L’IRM cardiaque avec test de stress, l’échocardiographie ou le PET Scan sont d’autres options pour l’évaluation du risque.
  9. Une approche invasive précoce systématique dans les 24 heures suivant l'admission est recommandée pour le NSTEMI sur la base de mesures hs-cTn, d'un score de risque GRACE >140 et de modifications dynamiques du segment ST, car elle a un effet bénéfique sur les principaux événements cardiaques indésirables et éventuellement la survie précoce.
    Une angiographie invasive immédiate est nécessaire chez les patients très instables en raison de leur état hémodynamique, d'arythmies, d'une insuffisance cardiaque aiguë ou de douleurs thoraciques persistantes. Dans toutes les autres présentations cliniques, une approche invasive sélective peut être effectuée en fonction des résultats de tests non invasifs ou de l'évaluation des risques cliniques.
  10. Les principaux aspects techniques d’une angioplastie coronarienne percutanée (PCI - Percutaneous coronary intervention) chez les patients atteints de NSTE-ACS ne diffèrent pas des stratégies de procédure invasive et de revascularisation des autres présentations de CAD.
    L'accès radial est recommandé chez les patients atteints de NSTE-ACS qui subissent une procédure invasive avec ou sans PCI.
    Comme les patients atteints de NSTE-ACS sont souvent atteints de maladies multivasculaires, le moment et l'ampleur de la revascularisation doivent être décidés en fonction de la pertinence fonctionnelle de toutes les sténoses, de l'âge, de l'état général du patient, des comorbidités et de la fonction ventriculaire gauche.
  11. L'infarctus du myocarde en l'absence d'obstruction coronaire (MINOCA) regroupe un groupe hétérogène de causes sous-jacentes qui peuvent impliquer des pathologies coronariennes et non coronariennes, y compris des troubles cardiaques et extracardiaques.
    La myocardite et le syndrome de Takotsubo sont exclus par consensus.

    La CMR (Cardiovascular magnetic resonance) est l'un des principaux outils de diagnostic, car elle permet d'identifier la cause sous-jacente chez plus de 85 % des patients, et le traitement ultérieur approprié.
  12. La SCAD est un décollement sans étiologie athérosclérotique, traumatique ou iatrogène des artères coronaires, secondaire à une hémorragie vasculaire ou à un déchirement de l’intima. Elle représente jusqu'à 4 % de l'ensemble des syndromes coronariens aigus , mais l'incidence est beaucoup plus élevée (22 à 35 % des SCA) chez les femmes de moins de 60 ans.
    L'imagerie intra-coronaire est très utile pour le diagnostic et la stratégie thérapeutique. Le traitement médical n'est pas encore bien défini.
  13. Le prétraitement de routine avec des inhibiteurs des récepteurs plaquettaires P2Y12 (ticlopidine, clopidogrel, prasugrel et ticagrelor) n'est pas indiqué chez les patients atteints de NSTE-ACS dont l'anatomie coronarienne est inconnue et pour lesquels est prévue une prise en charge invasive précoce (en raison de l'absence d’un bénéfice certain). Toutefois, il peut être envisagée dans certains cas et en fonction du risque d'hémorragie du patient.
  14. La thérapie DAPT (Dual antiplatelet therapy), qui intègre un inhibiteur du récepteur P2Y12 en plus de l'aspirine, est généralement recommandée pendant 12 mois, quel que soit le type de stent (sauf contre-indication).
    Toutefois, de nouveaux scénarios ont été proposés. La durée de la DAPT peut être raccourcie (<12 mois), prolongée (>12 mois) ou modifiée, en fonction d'une évaluation clinique individuelle intégrant le risque ischémique et hémorragique du patient, la survenue d'événements indésirables, les comorbidités, les autres traitements en cours et la disponibilité des médicaments.
  15. Chez au moins 6 à 8% des patients bénéficiant d’une PCI, un traitement anticoagulant oral à long terme est indiqué. Si l’état de santé des patients le permet, les nouveaux anticoagulants oraux (NOAC - New oral anticoagulants) sont préférables aux AVK en termes de sécurité.

Une double thérapie antithrombotique avec :

est recommandée comme stratégie par défaut sur une durée allant jusqu'à 12 mois, après une courte période (maximum 1 semaine) d’une triple thérapie antithrombotique associant NOAC et DAPT.
Cette TAT (Triple antithrombotic therapy) peut être prolongée jusqu'à 1 mois si le risque ischémique dépasse le risque hémorragique.


Vous êtes médecin ?
Pour recevoir une sélection de nos articles ou les commenter, il vous suffit de vous inscrire.


Sources :
- 2020 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation: The Task Force for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation of the European Society of Cardiology (ESC)
European Heart Journal, ESC Scientific Document Group
Jean-Philippe Collet, Holger Thiele, Emanuele Barbato, Olivier Barthélémy, Johann Bauersachs, Deepak L Bhatt, Paul Dendale, Maria Dorobantu, Thor Edvardsen, Thierry Folliguet, Chris P Gale, Martine Gilard, Alexander Jobs, Peter Jüni, Ekaterini Lambrinou, Basil S Lewis, Julinda Mehilli, Emanuele Meliga, Béla Merkely, Christian Mueller, Marco Roffi, Frans H Rutten, Dirk Sibbing, George C M Siontis
-2020 ESC NSTE-ACS Guidelines: Key Points
Mukherjee D. , American College of Cardiology Foundation. Aug 29, 2020
- What’s new in the 2020 ESC Clinical Practice Guideline on the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation (NSTE-ACS) ?
Kunadian V. , PCR Online. 29 Aug 2020