Suisse : moins de monde aux Urgences pendant (et après) les grands matchs de tennis

En Suisse, l’attrait pour le tennis va au-delà de l’adoration d’une icône. Ce sport aurait même un effet inattendu : la diminution de l’affluence aux urgences pendant les grands matchs, sans que celle-ci soit reportée. Retour sur une étude qui intrigue.



De mai 2013 et août 2017, des chercheurs ont étudié l’impact des retransmissions de tournois de tennis du Grand Chelem et des Masters ATP sur la fréquentation des services d’urgences externes à Genève. Les études précédentes sur l’influence de tels événements sportifs sur les admissions aux urgences fournissaient des résultats contrastés. Les chercheurs ont cette-fois ci voulu évaluer les facteurs liés aux matchs (type de match,  joueur suisse ou non) et ceux liés à l’admission des patients (degré de triage, motif de la consultation, âge des patients). 

Une baisse moyenne de 10% du taux d’admissions aux urgences a été constatée lors d’événements tels que Roland Garros ou Wimbledon. Les résultats indiquent plus précisément une baisse de 15% lors des finales, contre 7% lors des demi-finales. 

40 matchs de tennis ont été inclus dans l'étude, pour une durée cumulée de 103 heures pendant lesquelles 413 patients ont été admis aux urgences externes des Hôpitaux uiversitaires de Genève (HUG) et 206 dans la clinique Hirslanden La Colline.

Contrairement à ce qui a pu être observé lors des matchs de football, l’analyse de l’affluence trois heures avant et trois heures après les rencontres de tennis montre qu’il n’y a pas de report des admissions après les matchs.


Méthodologie

Les données sur la fréquentation des urgences ont été recueillies auprès de deux services d'urgence ambulatoires, l'un public et l'autre privé, situés au centre de Genève. Il ont été choisis à dessein pour assurer une représentation égale de la population démographique et socio-économique de Genève.

Les deux unités utilisent le même processus de triage des patients selon l'échelle suisse de triage des urgences (SETS) :
degré 1 : doit être vu immédiatement
degré 2 : doit être vu en 20 minutes
degré 3 : doit être vu en 120 minutes
degré 4 : pas de spécification de temps.

Les taux d'admission aux urgences pendant les demi-finales et finales de 3 grands tournois de tennis ont été comparés à ceux de périodes de contrôle. Au total, 40 périodes “avec une partie de tennis” ont été comparées à 200 périodes “sans partie de tennis”. Les périodes comportant un autre évènement sportif majeur (football, etc.) ont été exclues.

Par exemple, la finale de Wimbledon en 2014 a eu lieu un dimanche (6 juillet) à 13h10 et s'est terminée à 15h10. Les périodes de contrôle ont été sélectionnées comme tous les dimanches de juillet et août aux mêmes heures que la finale. Les durées des matchs de tennis ont été enregistrées afin d'analyser les taux d'admission par heure. Seules les admissions entre le moment exact du début et de la fin des matchs ont été incluses. Les patients ont été répartis en trois catégories: 25 ans ou moins, 26 à 64 ans, 65 ans ou plus.


Pas de report des consultations

Une diminution statistiquement significative (- 10% - 95% CI -17 à - 2, p = 0,015) des taux d'admission dans les périodes avec un match de tennis par rapport aux périodes sans match de tennis a été observée. Elle et plus prononcée pendant les finales (- 15%) que pendant les demi-finales (- 7%).

Contrairement à ce qui a été montré dans des études précédentes :

À noter que cette baisse concerne moins les patients plus jeunes et les plus âgés, population probablement moins intéressée par le tennis. L'absence d'effet spécifique en cas de participation d'un joueur suisse est probablement liée au fait que les Suisses sont des fans de tennis en général. 


Les limites de l'étude

Cette diminution des taux d'admission reste un mystère. L’étude présente des limites. D’abord, l'impact des matchs de tennis pourrait être plus faible, voire nul, dans les pays où le tennis n'est pas aussi populaire. Ensuite, la période analysée (4 ans) est relativement courte. Enfin, seuls des centres d'urgence externes ont été inclus : les résultats pourraient ne pas être généralisables à de plus grandes urgences, comme les grands centres de traumatologie. L’impact de conditions environnementales (climatiques, etc.) sur la variation du nombre d'admissions est une hypohèse à étudier.

Roger Federer peut se concentrer tranquillement. Sa prestation à Melbourne ne devrait pas avoir de répercussion notable sur l’état de santé des Suisses. D'autant plus qu'un autre facteur entre en jeu : le décalage horaire. Raison pour laquelle l'Open d'Australie et l'US Open ont été exclus de l’étude.
 


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Source :
Admission rates in emergency departments in Geneva during tennis broadcasting: a retrospective study
Jorge César Correia, Olivia Braillard, Christophe Combescure, Eric Gerstel, Hervé Spechbach
https://doi.org/10.1186/s12873-018-0209-y