Le staff médical et la médecine occidentalisée à l’épreuve des traditions

Alors que je vous parlais des difficultés d’accès aux soins liée à la pauvreté, j’aimerais aujourd’hui m’attarder sur les difficultés rencontrées par le staff médical et aux opportunités d’amélioration de la qualité des soins dans le service de chirurgie. Aux urgences, j’ai remarqué que la plupart des patients viennent consulter dans des stades

Alors que je vous parlais des difficultés d’accès aux soins liée à la pauvreté, j’aimerais aujourd’hui m’attarder sur les difficultés rencontrées par le staff médical et aux opportunités d’amélioration de la qualité des soins dans le service de chirurgie.

Aux urgences, j’ai remarqué que la plupart des patients viennent consulter dans des stades très avancés de leurs maladies. À cela, plusieurs explications :

– la pauvreté,  la majorité de la population travaille dans le secteur agricole et une journée de congé signifie une journée non payée.

– la tradition, en effet, un nombre remarquable de patients préfèrent aller voir le guérisseur du village, car la structure de l’hôpital et le comportement des médecins très occidentalisés ne reflètent pas la culture locale. Bien que ce phénomène soit fréquent, il n’est pas vraiment pris au sérieux et nécessite des études sérieuses et beaucoup d’investissement dans l’éducation sanitaire pour y remédier.

Malgré toutes ces difficultés, je fus émerveillé par la compétence du staff médical du Centre Hospitalier Universitaire de Butare, par son éthique de travail, et surtout sa volonté de faire mieux. Certes, la rigueur et la discipline établies par le chef de Service, Dr. Robinson, se font sentir. Le quinquagénaire ougandais est un homme charismatique, drôle et ferme à la fois, qui maitrise l’art du leadership. L’homme fort a acquis une grande expérience chirurgicale en Uganda, en Afrique du Sud et aux Etats Unis, il est à la tête du service de chirurgie depuis six ans. En parlant avec lui, il m’avait expliqué que sa mission été d’assurer la meilleure qualité des soins avec les moyens de bord. « Mais il faut être optimiste pour l’avenir, continua-t-il, le Rwanda arrive de très loin, et a été l’un des rares pays africains à achever la majorité des objectives du millénaire pour le développement (MDG). Aujourd’hui, 95% de la population est couverte par la mutuelle, et la qualité de soins ne cesse de s’améliorer grâce à nos partenaires académiques internationaux qui nous aident pour la formation des médecins.  »

Les médecins au Rwanda mènent un double combat, contre la maladie et contre la pauvreté. Mais malgré les défaillances, le staff médical est déterminé à améliorer la qualité des soins, et il existe au-delà de l’hôpital une volonté politique claire accompagnée d’un vrai projet de développement humain et social.

Texte : esanum / ab
Photo : ab

Aymen est un étudiant en médecine activement engagé pour le droit à la santé. Durant son cursus universitaire il a fait des stages en Europe, en Amérique centrale et en Afrique, et participé à de nombreux projets pour promouvoir l’accès global aux médicaments. En 2014 il a fondé Young Leaders for Health, qui a pour objectif de former les jeunes sur les questions de la santé mondiale. Dans cette colonne, il partagera ses expériences en tant qu’interne en chirurgie au Rwanda.
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