Risques cardiovasculaires chez les joueurs de rugby amateurs (Au cœur du stade 1/2)

France-Angleterre... Côté ballon ovale, une étude française s'est intéressée aux facteurs de risques cardiovasculaires chez les joueurs de rugby amateurs. Un risque accru en raison de comportements à bannir des terrains... et des vestiaires.

La prévention du risque cardiovasculaire chez les rugby(wo)men amateurs 

Les sportifs… Des personnes en bonne santé avec un mode de vie sain ? Pas si sûr, d’après une étude française publiée récemment qui montre que des sportifs réguliers peuvent avoir des comportements à risque cardiovasculaire.  

La plupart des arrêts cardiaques soudains (ACSD) ou de mort subite (MS) chez les jeunes athlètes sont attribués à des maladies cardiaques héréditaires et congénitales - cardiomyopathie hypertrophique, cardiomyopathie arythmique, artère coronaire anormale - qui déclenchent une arythmie ventriculaire. Une myocardite peut également déclencher une telle arythmie.

La consommation de certaines substances (tabac, alcool, boissons hautement caféinées, etc.) peut aussi altérer les propriétés électrophysiologiques myocardiques et provoquer une arythmie au cours de l’activité sportive. Or, si les sportifs professionnels limitent leur consommation avant un match par crainte d’un impact sur leur performance, force est de constater que les rugbymen amateurs par exemple présentent la même proportion de fumeurs que dans leur tranche d’âge de la population globale. Fumer avant ou après un match… Une pratique répandue - la fameuse « 3e mi-temps » -  mais risquée, en raison de la forte sollicitation de leur système cardiovasculaire pendant l’effort.

Dépistage et prévention

Chez les sportifs, le dépistage des personnes à haut risque cardiovasculaire est préconisé par les sociétés de cardiologie et les instances sportives. Le coût de ce dépistage, incluant l'ECG et la prise en charge d’une éventuelle pathologie se situe entre 67 000 et 90 000 euros par année de vie sauvée. Chez les plus jeunes (âgés de 12 à 18 ans), ce cout a été estimé à 45 500 euros par année de vie sauvée.

La prévention de l'ACS/MS passe aussi par la limitation de la consommation des substances précitées et le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires : tension artérielle, lipides, diabète, IMC. Enfin, un épisode fébrile devrait systématiquement entrainer l’arrêt temporaire de l’activité sportive.

Les facteurs de risque à la loupe

Une étude pilotée par le Dr Frédéric Chagué, cardiologue au CHU de Dijon, ancien rugbyman et président de la commission médicale de la Ligue de Bourgogne-Franche-Comté, s'est intéressée de près à l'hygiène de vie d’une large population de joueurs de rugby amateurs français. Un questionnaire anonyme a été adressé aux 5140 joueurs de la région Bourgogne, âgés de plus de 12 ans et inscrits au championnat de France de rugby amateur en 2014-2015.

Les questions portaient sur la prévention du risque cardiovasculaire : consommation de tabac, d'alcool et de boissons hautement caféinées et sur l’évitement de la pratique pendant les épisodes de infectieux. L'étude portait aussi sur le respect des directives en matière de dépistage et la formation aux manœuvres de réanimation cardio-pulmonaire (RCP).

Résultats

90 % des 640 répondants étaient des hommes et 80 % d’entre eux avaient moins de 35 ans. 35 % des répondants ont déclaré fumer, pour la plupart moins de deux heures avant ou après une séance. 69 % des répondants ont affirmé boire de l’alcool, dont la plupart (79 %) moins de deux heures avant ou après un match.

La consommation de boissons hautement caféinées est rapportée chez 34 % des répondants, surtout chez les jeunes joueurs (39 %). Dans la moitié des cas, c’est même à l'occasion d'une séance de rugby que ces boissons sont consommées. Pour 34 % des répondants, elle est principalement motivée par l'amélioration des performances. À noter que cette pratique est encore plus répandue chez les femmes.

La pratique du rugby au cours d’un épisode de fièvre a été couramment rapportée (44 % des répondants) et plus fréquemment chez les jeunes femmes (pour 55 % d’entre elles). 37 % des répondants ont eu un ECG avant d'obtenir leur licence, et seuls 17 % d’entre eux - de manière homogène entre les différents groupes d'âge - avaient entendu parler d’une campagne de prévention des risques cardiovasculaires. Enfin, 42 % des répondants déclarent avoir reçu une formation de base à la réanimation cardiopulmonaire.

Prévention : il n'est jamais trop tôt

Pour prévenir les événements cardiaques liés à l'exercice, l’activité sportive régulière seule ne suffit pas. La consommation de substances responsables de morbidité et mortalité cardiovasculaires devrait être davantage découragée. Un message à faire passer par les cardiologues et médecins du sport, mais aussi dès l’école primaire puis dans les clubs amateurs ou au cours du processus de sélection des jeunes athlètes. Les éducateurs sportifs et entraineurs se doivent aussi d’être exemplaires, notamment en s’abstenant de fumer sur les terrains, et en dehors.    

Source :
Cardiovascular prevention and at-risk behaviours in a large population of amateur rugby players
Article in European Journal of Preventive Cardiology  · March 2019 - DOI: 10.1177/2047487319837066