Numerus clausus, PACES : quelques révisions s’imposent !

Aujourd’hui, une étudiante en médecine nous raconte la PACES. Une barrière infranchissable pour certains, la pire année de leur vie pour d’autres … La PACES (première année commune aux études de santé) n’est jamais un très bon souvenir pour les étudiants

Aujourd’hui, une étudiante en médecine nous raconte la PACES.

Une barrière infranchissable pour certains, la pire année de leur vie pour d’autres … La PACES (première année commune aux études de santé) n’est jamais un très bon souvenir pour les étudiants qui tentent leur chance, elle est même souvent vécue comme un traumatisme…

Comment se déroule une PACES actuellement ?

Elle se divise en deux quadrimestres, qui sont chacun clos par un concours. Le premier est composé de quatre unités d’enseignement (UE) du « tronc commun ». Le second comporte aussi quatre UE du tronc commun et des UE spécifiques à chaque filière.

Depuis la loi du 7 juillet 2009, appliquée à la rentrée 2010, le concours en fin de PACES permet d’accéder à une carrière en médecine, en dentaire, en pharmacie et en maïeutique (et éventuellement selon les facultés en kinésithérapie ou en ergothérapie). Selon les UE spécifiques choisies et les résultats obtenus aux deux concours, des classements par filière sont élaborés. C’est à ce moment qu’intervient le fameux numerus clausus : la limite de places attribuées pour chaque filière (soit l’obsession des étudiants ! )

Quels sont les effets du regroupement de quatre concours en un ?

Avoir un tronc commun pour plusieurs filières a l’avantage de fournir les mêmes bases à plusieurs corps de métier qui seront amenés à travailler ensemble plus tard. Cela favorise la cohésion dans un univers médical parfois divisé. Néanmoins, lors de la PACES, la concurrence est rude et l’angoisse d’étudier intensivement pendant une ou deux année(s) sans rien obtenir à la fin, pousse les étudiants à élaborer des stratégies. Ainsi, de nombreux doublants, passent des concours dans plusieurs filières pour s’assurer une place dans l’une d’elles. Une hiérarchisation des professions médicales est donc apparue en fonction de la « facilité » à obtenir certaines filières. La filière pharmacie, en particulier, est devenue un choix « par défaut » pour de nombreux candidats. En 2013, 37% des étudiants en deuxième année de pharmacie ne l’avaient pas mis en premier choix, parmi eux 76% n’avaient pas été admis en médecine.

Il existe, par ailleurs, une passerelle (même si elle est encore une fois très sélective) entre les études de pharmacie et les études de médecine, que les étudiants pourront essayer de prendre dans les années supérieures. Cela n’a pas forcément motivé les étudiants à se surpasser car avec ce genre de stratégies, il est presque toujours possible de trouver une « issue de secours » en cas d’échec pour son premier choix.

Doit-­on remettre en cause le numerus clausus ?

Le numerus est assez controversé depuis que le système universitaire français est entré dans le système européen, permettant la reconnaissance de diplômes étrangers en France. Ainsi, des places supplémentaires non comprises dans le numerus donnent la possibilité à des étudiants étrangers d’étudier la médecine en France sans passer par la PACES. Il est censé réguler le nombre national de médecins, mais sa vitesse d’adaptation est très lente notamment à cause de la durée des études et de la carrière d’un médecin. De plus, il est inefficace géographiquement et ne remédie pas aux déserts médicaux, puisque c’est au moment des Épreuves Nationales Classantes en sixième année que la répartition territoriale s’effectue.

Devrait­-on pour autant le supprimer ? Son rôle reste tout de même central : il permet de contrôler le nombre de prescripteurs responsables des dépenses de santé, c’est donc une mesure également économique. Par ailleurs, les capacités d’accueil des étudiants à l’hôpital pour les nombreux stages de la formation ne sont pas illimitées. Enfin le numerus garantit la sécurité de l’emploi et une rémunération satisfaisante des médecins.

Pourquoi la PACES est­-elle une année si difficile ?

Premièrement, le nombre de candidats est démesuré par rapport aux places disponibles. En septembre 2014, il y avait 58 733 inscrits pour un numerus clausus national toutes filières confondues de 12 807 places : soit 21% d’étudiants passant dans l’année supérieure. Le taux de réussite moyen dans la filière « médecine » en France est environ de 19%. Pour réussir, les étudiants les plus déterminés pourront retenter leur chance une deuxième et dernière fois. Dans les promotions de deuxième année de médecine on retrouve 60% de doublants.

Deuxièmement, c’est une année très théorique : l’essentiel de l’apprentissage se fait par cœur car les concours sont passés sur grille optique. Il faut pouvoir cocher « vrai » ou « faux » très rapidement à de nombreuses questions à choix multiples (QCM). Pour donner un exemple, lors d’une épreuve d’une heure, le nombre de QCM peut largement dépasser 70 (sachant qu’il y a cinq items par QCM)… Pour atteindre une telle vitesse de remplissage, des stylos dont la mine remplit exactement les cases de la grille sont allègrement vendus dans toute faculté de médecine qui se respecte !

Le nombre d’inscriptions ne cessant d’augmenter le système éducatif a dû s’adapter parfois de manière extrême. Les concours se déroulent dans des locaux immenses (parc d’expositions, salle de concerts …) : les doigts bleus de froid ne sont pas rares lors du premier examen hivernal ! Les cours magistraux sont souvent effectués et filmés dans un amphithéâtre le matin, simultanément retransmis dans d’autres amphithéâtres et rediffusés l’après-­midi dans ces mêmes amphithéâtres. De cette manière, tous les étudiants inscrits en PACES dans une faculté suivent un enseignement en tout point équivalent. Les vidéos sont parfois mises en ligne par la suite sur le principe du « streaming ». A Grenoble, tous les cours sont disponibles sur DVD et il n’y a donc même plus besoin de se déplacer jusqu’à l’amphithéâtre… Pour les étudiants cette méthode permet certes d’éviter des conditions de prise de notes parfois difficiles, mais génère une grande solitude. En effet en PACES, il n’est pas rare que la seule sortie que s’accordent les candidats soit d’aller en cours pour y retrouver leurs camarades … En restant chez lui, il devient compliqué pour l’étudiant de faire des connaissances et de conserver une vie « sociale ».

La sélection n’est­-elle pas biaisée par les catégories sociales ?

Le rythme qui est imposé durant les cours magistraux pour prendre des notes n’est souvent humainement pas atteignable, c’est pourquoi le parfait étudiant en première année de médecine doit s’armer d’un attirail de gadgets pour augmenter sa performance. Ordinateur portable, appareil photo, dictaphone, tablette, imprimante … sont souvent bien utiles. Mais alors, est-­ce que les catégories sociales qui peuvent se permettre de tels achats n’auraient pas un léger avantage sur les moins riches ? Quand certains rentrent chez eux et n’ont plus qu’à imprimer le cours qu’ils ont tapé sur leur clavier, d’autres doivent compléter les multiples trous sur leur feuille de papier. Car en PACES, la prise de notes est utile mais chaque détail, chaque mot, chaque petit acronyme peut tomber dans une question le jour du concours ! Il n’est donc pas question de se satisfaire des principes généraux.

De plus, de nombreuses entreprises tirent profit de ce concours : les « prépas privées ». 75% des inscrits en PACES payent pour ces cours supplémentaires donnés par des enseignants en dehors de la faculté. La formation peut commencer avant même la rentrée et se poursuit en parallèle des cours officiels. Le prix pour un stage de « pré­rentrée » de 82h s’élève à 1170€ à Paris. A Nice on peut payer jusqu’à près de 9000€ pour une année de préparation. Ce système génère encore une fois des injustices sociales, même si la faculté s’efforce de fournir le même contenu à chacun, les étudiants les plus aisés ont accès à diverses aides que les autres n’ont pas.

Un enseignement et une sélection aussi théorique amènent à se demander si l’on forme les bons candidats à devenir médecin ? Certes, il faut pouvoir absorber efficacement des quantités de données gigantesques pour être un médecin qualifié. Mais comment se fait-­il que 10% des étudiants en deuxième année de médecine démissionnent après leur premier contact avec les patients ? Peut­-être sont-­ils surpris que les patients ne communiquent pas sous forme de questions à choix multiples? Peut­-être ne s’étaient-­ils pas imaginé que les patients ne se résument pas à une maladie ? La médecine est avant tout une discipline humaine, il serait judicieux que les futurs médecins soient conscients de cela et y soient mieux préparés.

Il est aussi regrettable qu’à force d’emmagasiner une montagne de détails, après un été la tête en friche, il ne reste souvent plus beaucoup de souvenirs à la rentrée suivante. La pédagogie est insuffisante et l’enseignement en petit groupe est très rare. Les occasions de poser des questions de manières interactives n’existent quasiment pas, ce n’est souvent que possible par e­mail. La lourdeur des programmes ne favorise pas l’assimilation sur le long terme, or il ne faut pas oublier qu’avant d’être une année de sélection, la PACES est une année de formation.

Comment pourrait­-on améliorer la qualité de l’enseignement ?

Diminuer le nombre de candidats pourrait dans un premier temps permettre de rendre la sélection moins difficile et de limiter le « gâchis humain ». En Allemagne, les bacheliers doivent obtenir une très bonne moyenne en terminale pour accéder aux études médicales, on pourrait faire de même en France. Non seulement moins d’étudiants perdraient une voire deux année(s) sans réussir, mais ceux qui accéderaient à la PACES pourraient bénéficier de meilleures conditions de travail. Ainsi, il serait possible de sélectionner les étudiants sur d’autres modes complémentaires aux QCM. Des épreuves plus pratiques, plus humaines pourraient être envisagées (pratiques, orales ou rédactionnelles).

Pour réduire les écarts entre ceux qui peuvent se permettre d’avoir une prépa et les autres, les facultés pourraient fournir plus de moyens aux « tutorats ». Ce sont des associations d’étudiants bénévoles qui soutiennent psychologiquement et pédagogiquement les candidats en PACES. Ils organisent souvent des cours sur les points qui posent problème, fournissent les annales des concours, organisent des examens blancs … mais pour cela des moyens financiers et matériels sont nécessaires.

En 2012, le gouvernement a officiellement reconnu l’échec de la PACES. C’est pourquoi il tente de la réformer en particulier avec la loi Fioraso relative à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche (juillet 2013) préconisant des réorientations précoces des étudiants, qui ne pensent pas réussir. Elle prévoit aussi des passerelles d’entrée en deuxième et troisième année de médecine après l’acquisition d’une licence. Dans cette optique, ces étudiants pourraient parallèlement à leur licence suivre des modules médicaux en e­learning et effectuer des stages à l’hôpital. Des équivalences sont aussi disponibles lorsque l’étudiant obtient la moyenne au concours sans entrer dans le numerus pour intégrer une promotion de deuxième année dans un autre type de faculté.

En 2015, à Angers un nouveau parcours de formation va être mis en place : PluriPASS et il remplacera la PACES. Il durera quatre semestres au cours desquels il y aura deux occasions d’intégrer un cursus en santé, toujours soumis à un numerus clausus. Chaque semestre validé sera conservé et il donne accès à 15 autres cursus universitaires ainsi qu’ à la candidature en école d’ingénieurs en cas d’échec pour entrer dans une filière médicale.