Faudra-t-il être réactionnaire pour rétablir la qualité des soins?

Par le Docteur Bernard KRON Membre de l’Académie Nationale de Chirurgie. La Loi Santé de 2016 a pour objet “la modernisation du système de santé”… elle va au contraire accélerer sa descente aux enfers! Faudra-t-il revenir en arrière pour restaurer la qualité des soins “à la Française”?  Les suicides qui ont ré

Par le Docteur Bernard KRON
Membre de l’Académie Nationale de Chirurgie.

La Loi Santé de 2016 a pour objet “la modernisation du système de santé”… elle va au contraire accélerer sa descente aux enfers! Faudra-t-il revenir en arrière pour restaurer la qualité des soins “à la Française”?  Les suicides qui ont récemment défrayé la chronique devraient nous interpeller sur cette situation.

Retour vers le passé:

En Mai 1968 les externes qui étaient nommés par concours deviennent tous étudiants hospitaliers au prétexte d’un enseignement égalitaire, ce qui tirera en fait cette fonction vers le bas. Le mal sournois de l’égalitarisme vient de commencer!

En 1974 la création des 21 régions sanitaires favorise les CHU qui vont être au nombre de 29. Certains vont, hélas, se développer en cannibalisant les cliniques privées voisines pourtant très performantes.

Dans les années 90, le système de santé français était classé au premier rang mondial par l’OMS. Il faisait des envieux. Le déficit de la Sécu a servi de prétexte à l’État pour qu’il s’empare de tous les leviers au détriment de la qualité. Les « ordonnances Juppé » de 1995/96, les mises aux normes, les trente-cinq heures ont bouleversé l’organisation hospitalière. En 2002 l’Internat subit le même sort que l’Externat. Il a été remplacé par l’ECN qui reçoit 100% des étudiants en fin de cycle: même avec copie blanche on est reçu!

Ces concours favorisaient un élitisme nécessaire à la qualité pour une grande médecine française, mais celle-ci était trop rebelle et les politiques « en coupant les têtes » ont pesé lourdement sur cette qualité que les autres pays nous enviaient.

Les internes des hôpitaux:

Ils ont dépassé le nombre de 26 000, ils ont été classés de façon aléatoire par cette “Épreuve Classante Nationale” (ECN). Ils sont mis à contribution pour faire fonctionner les services, alors que les externes se limitent à s’occuper de la paperasse et du secrétariat administratif aux dépens de leur formation clinique. Ils sont pris en otage pour décrocher un poste de post internat: le Clinicat. Ils n’ont ni le temps ni parfois même les capacités pour les encadrer. Les internes revendiquent en conséquence le repos compensateur, la prise en compte des journées de formation dans leur temps de travail. Il a fallut qu’ils se mettent en grève pour que le ministère de la santé commence à les écouter.

Telle est la triste vérité.

L’anonymat, le caractère impersonnel des soins, la sélection d’accès aux soins en fonction de l’âge et de la gravité de la maladie sont la conséquence de ces mauvaises décisions. L’administration a étendu son emprise et tient en otage les praticiens qui veulent y faire carrière. Les autres sont partis vers des cieux qui semblaient plus cléments mais qui s’obscurcissent avec les pesanteurs administratives!

Le suicide de praticiens hospitaliers comme celle d’Internes devraient faire réfléchir le monde politique sur l’ineptie de décréter par la loi la qualité des soins qui demain ne sera plus au rendez-vous sans un retour en arrière.

Je développe ces idées dans le livre: “Chirurgie chronique d’une mort programmée.” Éditions L’Harmattan.

Texte : bk / esanum

Photo : yanin kongurai / Shutterstock

Kron
Le Dr. Bernard Kron est un ancien chirurgien de l’Assistance Publique de Paris, membre de l’Académie nationale de chirurgie, qui a opéré plus de 25 mille patients,  au cours de sa carrière. Aujourd’hui, il se base sur son expérience pour poser un regard critique sur la situation actuelle de la santé en France. Il est, par ailleurs, membre d’honneur de l’Union Français pour une Médecine Libre (UFML) et il le dit lui même, s’il se bat à l’heure actuelle, ce n’est pas pour lui, mais pour les générations futures.