Psilos, LSD, MDMA : psychédéliques et thérapeutiques ?

Psilos, LSD, MDMA, etc. Popularisés par la contre-culture américaine des années 1960 puis prohibés en tant que substances stupéfiantes, ces produits font l’objet depuis peu d’un regain d’intérêt de la part des chercheurs qui s’intéressent à leurs effets physiologiques et thérapeutiques

La MDMA et le LSD ont fait leur entrée dans la pratique thérapeutique il y a plusieurs décennies, montrant leur potentiel dans le traitement des maladies psychiatriques. Bien avant, l'ayahuasca a été utilisée par les chamans et les guérisseurs de tribus amazoniennes pendant des milliers d'années. Popularisés par la contre-culture américaine des années 1960 puis prohibés en tant que substances stupéfiantes, ces produits font l’objet depuis peu d’un regain d’intérêt de la part des chercheurs qui s’intéressent à leurs effets physiologiques et thérapeutiques. Les résultats préliminaires de certaines études semblent prometteurs.

Méthodes scientifiques transdisciplinaires et intégratives

Le thème « Intégrer la science et la pratique des états psychédéliques » était au cœur de la conférence INSIGHT 2019 qui s’est tenue à Berlin du 5 au 7 septembre. Il s'agissait du premier congrès organisé par la Fondation MIND consacrée exclusivement à la recherche sur les expériences psychédéliques et leurs bénéfices thérapeutiques potentiels.

L'objectif de ce congrès international et transdisciplinaire était de confronter de multiples perspectives scientifiques autour de quatre axes : la recherche, la thérapie, la philosophie la santé publique. Des médecins, neurobiologistes et psychologues cliniciens ont abordé les effets thérapeutiques de ces substances psychotropes.   

Vers un changement de paradigme ?

Le professeur Gerhard Gründer, de l'Institut de santé mentale de Mannheim (Allemagne) a par exemple expliqué que concernant ces substances le paradigme qui prévaut pour la psychiatrie et la psychopharmacologie est trop étroit et trompeur. On présume toujours qu'un certain trouble psychiatrique est causé par une anomalie moléculaire spécifique, qui peut et doit être traitée en permanence par des médicaments comme le serait un diabète.

Pour lui, cela ne tient pas compte du fait qu'un nombre considérable de patients ne répondent pas ou pas suffisamment aux médicaments utilisés, et qu'un nombre encore plus important ne parvient jamais à une rémission complète, dans le sens d'un bien-être durable et de l'absence de symptômes. De nombreux troubles psychiatriques sont traités au long cours, alors que les symptômes de ces patients ne sont pas contrôlés de manière satisfaisante, qu’ils continuent à souffrir et qu’ils subissent des effets secondaires invalidants notamment lors du traitement d’épisodes aigus.

Par ailleurs, le Pr Gründer souligne qu’il est de plus en plus évident que la pharmacothérapie elle-même peut entraîner l'apparition d'une résistance. Des études montrent que les groupes témoins sous placebo ont même obtenu un meilleur effet thérapeutique que les groupes ayant reçu un traitement devenu inefficace. Selon Gründer, le traitement par placebo aurait été meilleur pour ces personnes qu'un médicament ordinaire.

Psilocybine contre la dépression

Le Dr Matthew Johnson, de la Johns Hopkins University School of Medicine (Baltimore), a pour sa part présenté ses observations relatives à l'administration de psilocybine - substance consommée à des fins récréatives sous la forme de champignons « psilos » - et de LSD.

Chez les patients souffrant de dépression, une seule dose élevée de psilocybine semble entraîner une amélioration significative et durable. 5 patients sur 12 souffrant de dépression modérée à sévère étaient encore en rémission trois mois après l'administration d'une dose unique de psilocybine. Bien que ces résultats doivent faire l'objet d'études plus approfondies, ils remettent en question l'hypothèse actuelle selon laquelle les altérations moléculaires sous-jacentes aux troubles psychiatriques nécessitent un traitement continu à long terme.

MDMA et traitement du syndrome de stress post-traumatique

De même, l'utilisation de la MDMA dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) a donné des résultats prometteurs. La Dre Kim Kuypers (Université de Maastricht) étudie les fondements neurobiologiques des états émotionnels et cognitifs générés par les psychédéliques et la MDMA.

L'objectif principal de ses recherches est de faciliter l'entrée de ces substances dans la pratique clinique. Afin d'obtenir une meilleure acceptation par le corps médical et par les patients, il est nécessaire de connaître les modes de fonctionnement et d'action respectifs. C'est la seule façon de déterminer la thérapie optimale pour un trouble spécifique et pour une personne donnée. Ses recherches portent en particulier sur la dépression et les troubles anxieux, qui se caractérisent tous deux par un manque de souplesse cognitive et une empathie réduite.

Contrairement à la psilocybine, la MDMA n'est pas une substance du groupe des hallucinogènes mais une substance empathogène. Cela signifie que la capacité empathique de la personne est augmentée : amélioration de son ouverture sociale et réduction dans le même temps de sa susceptibilité aux stimuli négatifs. Des études ont montré que l'administration de MDMA en association avec un soutien psychologique présente d'énormes avantages pour le traitement du SSPT. Les réticences à parler du traumatisme vécu sont réduites, et la volonté d'ouverture dans l’échange thérapeutique est renforcée.

Malgré ces résultats préliminaires extrêmement prometteurs, les patients ne pourront toutefois pas s'attendre à brève échéance de tels traitements. Kim Kuypers, dont les études sont déjà relativement bien avancées, ne s’attend pourtant pas à ce que les conditions cliniques préalables soient réunies d’ici 10 ans.




Vous êtes inscrit.e sur esanum ? N'hésitez pas à commenter cet article !  


 

Source :
Congrès INSIGHT 2019, 5-7 septembre 2019, Berlin.