Mélanome : sa prise en charge 2025, de l'immunothérapie à la grossesse

Lors du congrès EADV 2025, la session dédiée au mélanome a présenté les nouvelles pratiques désormais établies et les nouveaux horizons de la prise en charge.

Immunothérapie et thérapie ciblée

Le professeur Nikolas Haas (Woolloongabba, Australie) a rappelé à l'auditoire à quel point le traitement du mélanome a radicalement changé depuis 2011. Avant l’approbation des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ICI) et des agents ciblés, la dacarbazine n'apportait qu'un bénéfice minimal, avec une survie médiane de quelques mois seulement. La découverte des mutations BRAF (Davies et al., Nature, 2002) a conduit au développement d'inhibiteurs BRAF, combinés par la suite à des inhibiteurs MEK. Ceux-ci ont permis  des réponses rapides, mais qui ont été limitées par la résistance et certaines toxicités cutanées caractéristiques telles que le carcinome épidermoïde et le kératoacanthome.

L’arrivée des inhibiteurs de points de contrôle a profondément modifié le pronostic. Les inhibiteurs anti-CTLA-4 (ipilimumab) et PD-1 (nivolumab, pembrolizumab) ont introduit le concept de « queue de la courbe de survie », avec des sous-groupes de survivants à long terme. Plus récemment, les applications adjuvantes et néoadjuvantes des ICIs ont permis d'obtenir des taux de survie sans événement (EFS) approchant 70 % dans certaines cohortes, soulignant le potentiel curatif de la modulation immunitaire.

Cependant, des défis subsistent. De nombreux patients rechutent en raison d'une résistance primaire ou acquise. Le professeur Haas a souligné l'importance de l'hétérogénéité du microenvironnement tumoral, du contraste entre les tumeurs « chaudes » inflammatoires et les tumeurs « froides » exclues du système immunitaire. Des approches expérimentales explorent comment resensibiliser les tumeurs résistantes. Les données précliniques avec des inhibiteurs du protéasome tels que le bortézomib associé à des ICIs suggèrent que l'évasion immunitaire pourrait être réversible, bien que la transposition en clinique soit encore en attente.

Thérapies adjuvantes et néoadjuvantes

Le Dr Simone Ribero (Turin, Italie) s'est concentré sur la manière dont le moment choisi pour la thérapie systémique peut modifier les résultats. L'immunothérapie néoadjuvante gagne du terrain, offrant à la fois une réduction de la tumeur et une préparation immunitaire avant la chirurgie.

L'essai SWOG S1801 du pembrolizumab a comparé le traitement néoadjuvant plus adjuvant au traitement adjuvant seul, montrant une EFS de 72 % contre 49 %. L'essai NADINA a testé le nivolumab plus l'ipilimumab dans le cadre d'un traitement néoadjuvant, rapportant une EFS de 83 % contre 57 % par rapport au traitement standard, avec des réponses pathologiques majeures (MPR) d'environ 60 %. Dans certains cas, les patients ayant obtenu une réponse complète ont été dispensés de tout traitement adjuvant.

D'autres approches incluent l'immunothérapie intralésionnelle. L'étude DARUMUN a rapporté une survie sans récidive à 1 an de 61 % contre 46 %, suggérant que le traitement local peut améliorer le contrôle systémique. À l'inverse, l'essai NEO-TIM n'a pas atteint son critère d'évaluation principal, soulignant que toutes les combinaisons néoadjuvantes ne se traduisent pas par un bénéfice clinique.

Dans le domaine adjuvant, les données probantes s’accumulent :

Le stade IIIA reste une zone d'ombre, avec un bénéfice marginal du traitement adjuvant. Les recommandations de l'ESMO préconisent une sélection rigoureuse plutôt qu'un traitement systématique, soulignant le rôle futur des biomarqueurs dans la stratification des patients.

Thérapie cellulaire

Le professeur Lukas Flatz (Tübingen, Allemagne) a présenté un état des lieux prospectif des thérapies cellulaires. Le concept pionnier des lymphocytes infiltrant les tumeurs (TIL) remonte à l'article de Rosenberg publié dans le NEJM en 1988. Aujourd'hui, le lifileucel, une thérapie autologue à base de TIL, a été approuvé par la FDA et l'EMA pour le mélanome avancé après progression sous traitement par inhibiteurs de points de contrôle. Les essais de phase III ont démontré sa supériorité par rapport à l'ipilimumab en termes de survie sans progression, ravivant l'enthousiasme pour les stratégies basées sur les cellules.

Au-delà des TIL, les thérapies par récepteurs de cellules T (TCR) modifiés ciblant les antigènes du mélanome tels que PRAME et gp100 sont entrées en phase d'essais cliniques précoces (Nat Med, 2024), démontrant leur innocuité et leur efficacité préliminaire. Des approches encore plus personnalisées utilisant des cellules T spécifiques aux néoantigènes ont démontré leur activité dans le cadre d'essais de validation de principe, bien que leur complexité technique reste élevée.

Les cellules CAR-T, très efficaces dans le traitement des hémopathies malignes, sont encore en phase de développement préclinique pour le mélanome. Les premiers travaux ciblant le TRP1 se sont révélés prometteurs dans certains sous-types rares de mélanome. Flatz a souligné que l'avenir réside dans les combinaisons - intégrant des inhibiteurs de points de contrôle avec des TIL, des TCR ou des CAR-T afin d'exploiter la synergie entre l'activation immunitaire systémique et les réponses spécifiques à l'antigène.

Focus : le mélanome pendant la grossesse

Enfin, le Dr Marek Pásek (Prague, République tchèque) a abordé le cas délicat du mélanome pendant la grossesse (PEM, mélanome associé à la grossesse). Il est défini comme un mélanome diagnostiqué pendant la grossesse ou jusqu'à un an après l'accouchement et pose des défis diagnostiques et thérapeutiques.

Les changements pigmentaires physiologiques liés à la grossesse peuvent compliquer l'évaluation dermoscopique, mais les critères ABCDE restent valides. La chirurgie, y compris la biopsie et l'excision locale large, est sans danger à tous les trimestres. La biopsie du ganglion sentinelle peut être réalisée après le premier trimestre à l'aide d'un radiocolloïde, mais les colorants bleus doivent être évités en raison du risque d'anaphylaxie et de tératogénicité.

Sur le plan épidémiologique, le mélanome représente environ 30 % de toutes les tumeurs malignes pendant la grossesse, avec une incidence estimée à 1 sur 2 200 grossesses. Les données pronostiques sont contradictoires : des études antérieures suggéraient des résultats moins favorables, mais des méta-analyses plus récentes ne confirment pas d’effet défavorable significatif de la grossesse sur la survie du mélanome.

Les options d'imagerie sont limitées : l'échographie et l'IRM sans gadolinium sont sans danger, tandis que la TEP/TDM doit être évitée. Les traitements systémiques (ICIs, inhibiteurs BRAF/MEK) sont contre-indiqués pendant la grossesse en raison de leur tératogénicité et sont reportés jusqu'après l'accouchement. Les cas de métastases placentaires ou néonatales sont rares, mais cliniquement significatifs, ce qui justifie une surveillance néonatale attentive en cas de métastases maternelles.

Un domaine en constante évolution

La session a souligné que la prise en charge du mélanome continue d'évoluer sur plusieurs fronts. L'immunothérapie et les agents ciblés ont révolutionné les courbes de survie, mais sont confrontés au défi de la résistance. Les essais néoadjuvants et adjuvants redéfinissent le calendrier des traitements systémiques, offrant l'espoir de guérisons plus durables. Les thérapies cellulaires font leur entrée dans la pratique clinique, promettant des options personnalisées pour les formes réfractaires. La grossesse reste un cas particulier qui exige une coordination multidisciplinaire et une prise de décision nuancée.

Pour les dermatologues, le message à retenir est clair : en 2025, la prise en charge du mélanome exigera non seulement la maîtrise des médicaments systémiques, mais aussi celle du calendrier, de la sélection des patients et de l'intégration avec la chirurgie, l'imagerie et les soins de support.

Sources et informations complémentaires

  1. Haas N. Immunotherapy and targeted therapy. Melanoma session (Session ID D2T05.2A), EADV Congress 2025, Paris/Virtual, 18 Sept 2025, 10:15–10:35 CEST.
  2. Ribero S. Adjuvant and neoadjuvant therapies. Melanoma session (Session ID D2T05.2B), EADV Congress 2025, Paris/Virtual, 18 Sept 2025, 10:35–10:55 CEST.
  3. Flatz L. Cellular therapy. Melanoma session (Session ID D2T05.2C), EADV Congress 2025, Paris/Virtual, 18 Sept 2025, 10:55–11:15 CEST.
  4. Pásek M. Special focus: pregnancy. Melanoma session (Session ID D2T05.2D), EADV Congress 2025, Paris/Virtual, 18 Sept 2025, 11:15–11:35 CEST.
  5. Davies H, Bignell GR, Cox C, et al. Mutations of the BRAF gene in human cancer. Nature. 2002;417(6892):949-54. doi:10.1038/nature00766.
  6. Amaria RN, Postow MA, Burton EM, et al. Neoadjuvant immune checkpoint blockade in high-risk resectable melanoma. N Engl J Med. 2022;386(9):813-23. doi:10.1056/NEJMoa2114920.
  7. Rozeman EA, Hoefsmit EP, Reijers ILM, et al. Neoadjuvant ipilimumab plus nivolumab in resectable stage III melanoma. N Engl J Med. 2023;389(2):111-21. doi:10.1056/NEJMoa2301963.
  8. Eggermont AMM, Blank CU, Mandala M, et al. Adjuvant pembrolizumab versus placebo in resected stage IIB or IIC melanoma. N Engl J Med. 2022;387(14):1223-34. doi:10.1056/NEJMoa2208685.
  9. Ascierto PA, Del Vecchio M, Mandalà M, et al. Adjuvant nivolumab versus placebo in resected stage IIB–C melanoma. N Engl J Med. 2023;389(25):2333-44. doi:10.1056/NEJMoa2310916.
  10. Long GV, Hauschild A, Santinami M, et al. Adjuvant dabrafenib plus trametinib in stage III BRAF-mutated melanoma. N Engl J Med. 2017;377(19):1813-23. doi:10.1056/NEJMoa1708539.
  11. Rosenberg SA, Packard BS, Aebersold PM, et al. Use of tumor-infiltrating lymphocytes and interleukin-2 in the immunotherapy of patients with metastatic melanoma. N Engl J Med. 1988;319(25):1676-80. doi:10.1056/NEJM198812223192527.
  12. Stadtmauer EA, Fraietta JA, Davis MM, et al. Engineered T cell receptor therapy for melanoma. Nat Med. 2024;30(2):223-34. doi:10.1038/s41591-023-02676-7.