Pascale Cossart, une chasseuse de listeria au quai Conti

Alors que l’Académie des Sciences française fête cette année ses 350 ans, Pascale Cossart, 68 ans, chercheuse en microbiologie cellulaire à l’Institut Pasteur compte sur son obstination pour la dépoussiérer et l’ouvrir au monde et déclare : “Je suis bourrique et têtue”. Actuellement, sur 263 membres l’institut

Alors que l’Académie des Sciences française fête cette année ses 350 ans, Pascale Cossart, 68 ans, chercheuse en microbiologie cellulaire à l’Institut Pasteur compte sur son obstination pour la dépoussiérer et l’ouvrir au monde et déclare : “Je suis bourrique et têtue”.

Actuellement, sur 263 membres l’institution fondée par Louis XIV et Colbert ne compte que 28 membres féminins. Mais depuis le 1er janvier, deux femmes, dont Pascale Cossart, portent  le titre très masculin de “secrétaire perpétuel” et pilotent la pilote. Mme Cossart dans son grand bureau d’académicienne, dit en souriant “ça ne me dérange pas, les noms de fonction restent au masculin” dans la langue française. Elle dirige la 2e section de l’Académie qui couvre chimie, biologie et médecine. Depuis janvier 2011, la physicienne Catherine Bréchignac pilote la première section -mathématiques, physique et sciences de l’univers.

Pascale Cossart est également professeur de classe exceptionnelle à l’Institut Pasteur, le plus haut échelon partagé par une poignée de chercheurs et déclare “Tous les jours je fais des découvertes, la période est grandiose dans ma discipline. Ce qui m’intéresse, c’est d’ouvrir de nouveaux pans de recherche toujours”.  Elle a créé, puis imposé au niveau mondial avec un autre Pastorien, Philippe Sansonetti la microbiologie cellulaire, qui avant n’existait tout simplement pas. “J’avais organisé un congrès à Aix-les-Bains pour étudier la façon dont les bactéries produisent une infection, mêlant trois biologies classiques: génétique, moléculaire et cellulaire”, se souvient-elle.

Après l’article publié dans la foulée du congrès “Cellular microbiology emerging”, un livre a suivi, puis une revue est née. Aujourd’hui, des départements entiers d’université dans le monde sont consacrés aux interactions entre microbes et cellules, la microbiologie.

La bactérie favorite de la scientifique est la redoutable listeria, que l’on trouve dans certains fromages ou charcuteries. Ses travaux, déterminants, ont notamment permis de comprendre comment elle parvenait à passer la paroi intestinale. “Quand j’ai commencé, il y avait près de 1.000 cas de listériose par an en France, aujourd’hui on est tombé à 2-300, mais il reste toujours 30% de mortalité, cela reste une maladie grave!” dit-elle. Maxime Schwartz, biologiste moléculaire, qui a dirigé l’Institut Pasteur de 1988 à 1999 dit d’elle avec admiration : “Pascale Cossart a fait de très belles découvertes sur la façon dont les bactéries pénètrent dans une cellule, se déplacent à l’intérieur et passent d’une cellule à l’autre sans passer par le courant sanguin, c’est-à-dire clandestinement” en induisant des maladies au passage.

Ajoutant “Ce qui frappe chez elle, c’est son courage à poursuivre des recherches ardues, son enthousiasme, son dynamisme et son sens de l’organisation”. Elle a reçu de nombreux prix internationaux et est membre de plusieurs académies des Sciences à l’étranger. Au quai Conti, elle a créé il y a une dizaine d’années une séance annuelle publique où de jeunes chercheurs de haut niveau viennent exposer au public l’objet de leurs recherches.

En février, le marin et biologiste cellulaire Eric Karsenty, qui a refait le voyage de Darwin, avec son bateau d’exploration Tara est venu parler de biodiversité. En mars, Emmanuelle Charpentier, nouvelle star de la médecine génétique est attendue, “la meilleure chance française pour le Nobel”, dit d’elle Pascale Cossart.

“J’encourage les femmes dans les sciences. Au quotidien, je les regonfle à mort. Au sein de la Fondation L’Oréal, j’ai aussi poussé pour augmenter le nombre de bourses à des femmes chercheuses par exemple. Moi, j’ai eu la chance de ne pas avoir eu besoin d’être gonflée”,dit-elle.

“Même encore aujourd’hui je me demande comment elle fait pour jongler avec toutes ses activités”, dit Maxime Schwartz qui dit ne pouvoir trouver un quelconque défaut à cette mère de trois filles.

S’il ne fallait en trouver qu’un, M. Cohen estime que la scientifique, arrivée au firmament, est “peut-être un peu arriviste”. “Enfin, ambitieuse plutôt”, (…) “mais dans le bon sens du terme”.

Texte : AFP / pg

Photo : AFP