Lupus érythémateux disséminé : valeurs de l’IL-10 et IL-37

Le lupus érythémateux disséminé (LED ou LE systémique) est une pathologie inflammatoire chronique auto-immune. Les interleukines sont des protéines produites par le système immunitaire, modulant la réponse immunitaire par un large spectre d’effets sur de multiples cibles cellulaires. Contexte L’IL-10 favorise la prolifération et différentiation

Le lupus érythémateux disséminé (LED ou LE systémique) est une pathologie inflammatoire chronique auto-immune. Les interleukines sont des protéines produites par le système immunitaire, modulant la réponse immunitaire par un large spectre d’effets sur de multiples cibles cellulaires.

Contexte

L’IL-10 favorise la prolifération et différentiation des lymphocytes B et la production d’anticorps, et diminue l’apoptose des LB auto-réactifs. Bien que qualitativement limitées, des études ont mis en évidence une augmentation du taux sérique d’IL-10 dans les cas de LED, dont une caractéristique est l’augmentation de la production d’auto-anticorps. La concentration d’IL-10 semble corrélée à l’activité pathologique. L’IL-37 est une cytokine pro-inflammatoire dont les effets relatifs au LED sont méconnus. Une étude a toutefois démontré une forte corrélation entre taux d’IL-37 et activité du LED. Le potentiel de ces deux interleukines en tant que biomarqueurs de l’état pathologique du LED et cible thérapeutique est méconnu.

Etude et méthodes

Une étude d’association portant sur ces cytokines anti-inflammatoires a été menée au sein d’une large cohorte de patients de LED avec un grand nombre d’informations cliniques, dans le but de clarifier la valeur des IL-10 et IL-37 comme biomarqueurs de l’état pathologique et leur potentiel de cible thérapeutique (DOI: 10.1038/srep34604). Entre 2007 et 2012, 129 patients pris en charge à la Monash Lupus Clinic (Melbourne, Australie) ont été recrutés pour l’étude. Des données cliniques complètes et des échantillons sanguins pris lors de 3 consultations consécutives faisaient partie des critères d’inclusion. L’activité de la pathologie a été évaluée par le score SLEDAI-2k. Les taux sériques d’IL-10 et IL-37 ont été mesurés par ELISA, en comparaison avec 28 échantillons sains représentant une population sans inflammation, d’âge et sexe non statistiquement différents.

Résultats

La grande majorité des patients sont des femmes (84%), avec une forte représentation de l’ethnicité asiatique (41%). A la première visite, 39% des patients ont un LED actif (SLEDAI-2k >4), dont 31% de cas très actifs (score ≥10).

L’IL-10 et IL-37 sont détectables chez 90.1 et 54.2% des patients lors de la première visite, et dans 91.8 et 64.3% de tous les échantillons testés. Les taux de ces cytokines sont significativement plus élevés chez les patients LED (p<0.01). Une corrélation modeste mais significative (p<0.01) est décelée entre taux d’IL-37 et score SLEDAI-2k, plus forte lors de la première visite (r=0.3121) que sur l’ensemble des visites (r=0.2176). La concentration d’IL-10 est significativement supérieure chez les patients en LED actif (p<0.01). Aucune corrélation significative n’a pu être montrée concernant l’IL-37.

L’ethnicité asiatique (ratio des moyennes d’IL-10= 2.20, p=0.03), la médication sous prednisolone (PNL) à la première visite (ratio= 2.58, p=0.01) et un LED actif (ratio= 2.96, p=0.002) sont chacun associés à un taux d’IL-10 significativement plus élevé lors de la première visite. L’analyse multivariée ne conserve que l’activité du LED comme facteur associé (ratio= 2.19, p=0.04). L’ethnicité asiatique est à la limite de la significativité (ratio= 1.90, IC95%=[0.92-3.94], p=0.08). Concernant les taux élevés d’IL-37, une association est montrée pour l’ethnicité asiatique (ratio= 3.96, p=0.004), y compris lors de l’analyse multivariée (ratio= 3.58, p=0.01). L’activité du LED n’est pas associée au taux d’IL-37, mais celui-ci est diminué chez les patients présentant des dommages organiques à la première visite (ratio= 0.37, p=0.04). Cette association est atténuée en ajustant les données à l’ethnicité (ratio= 0.42, IC95%=[0.17-1.07], p=0.07).

Le taux d’IL-10 lors d’une visite apparaît être un facteur prédictif de l’état d’activité de la pathologie. En effet, les patients présentant un taux d’IL-10 élevé (4e quartile des valeurs de cette étude) ont un risque plus de 3 fois supérieur de présenter un LED actif lors de la prochaine visite (OR= 3.63, IC95%=[1.31-10.1], p=0.01). La médicamentation sous PNL est également un facteur prédictif (OR= 2.68, IC95%=[1.17-6.16], p=0.02), mais l’ethnicité ne l’est pas. De plus, le taux d’IL-10 à la première visite est corrélé aux marqueurs de l’inflammation communément utilisés dans le LED (taux de sédimentation des érythrocytes: r=0.2189, p

Conclusions

Cette étude montre une association entre IL-10 élevée et activité pathologique, mettant en avant un rôle potentiel comme biomarqueur du lupus érythémateux disséminé. Les auteurs supposent un rôle pathologique de l’IL-10 dans un cadre de LED déjà installé, où cette cytokine amplifierait et perpétuerait le cycle inflammatoire. L’identification d’une population de patients à risque est cruciale pour la mise en place d’un suivi ou d’une thérapie particulière. En ce sens, le dosage de l’IL-10, en combinaison avec d’autres marqueurs existants, a le potentiel de générer un outil prédictif plus puissant. Bien qu’associé au LED, le taux d’IL-37 ne semble pas adapté à la prédiction d’évolution de la maladie. Cependant, son taux de détection était plus faible que celui de l’IL-10 dans cette étude. Une plus large cohorte pourrait permettre de mettre en évidence des associations non révélées ici.

Texte : jd / esanum
Photo : Tashatuvango / Shutterstock


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