Lien entre consommation d’acrylamide et cancer de l’endométre

L’acrylamide est une substance chimique qui se forme naturellement dans les aliments riches en amidon au cours de cuisson à haute température. Potentiellement cancérogène, l’impact de la consommation d’acrylamide alimentaire sur les risques de cancer humain a fait l’objet d’études épidémiologiques dont les résultats sont inconsistants. Contexte

L’acrylamide est une substance chimique qui se forme naturellement dans les aliments riches en amidon au cours de cuisson à haute température. Potentiellement cancérogène, l’impact de la consommation d’acrylamide alimentaire sur les risques de cancer humain a fait l’objet d’études épidémiologiques dont les résultats sont inconsistants.

Contexte

Ainsi, l’autorité européenne de sécurité des aliments n’incorpore pas les résultats d’une récente méta-analyse montrant un effet sur le risque de cancer de l’endométre dans son évaluation du risque lié à l’acrylamide. La causalité entre acrylamide alimentaire et risques de cancer doit être clarifiée car les résultats existants suggèrent qu’un risque peut être présent au niveau actuel de l’apport alimentaire d’acrylamide, et que potentiellement toute la population globale peut être exposée à ce risque.

Etude et méthodes

Une étude cas-cohorte a été conduite pour évaluer l’effet de mutations génétiques sur l’association entre consommation d’acrylamide alimentaire et risque de  cancer de l’endométre (DOI: 10.1038/srep34902). Des mutations de type “single nucleotide polymorphysm” (SNP) ont été sélectionnées dans des gènes impliqués dans le métabolisme de l’acrylamide et des mécanismes par lesquels l’acrylamide est susceptible de causer des cancers (dommages de l’ADN, hormones sexuelles et stress oxydant). Une sous-cohorte de 2589 femmes a été sélectionnée aléatoirement à partir d’une étude de cohorte prospective néerlandaise sur le régime alimentaire et le cancer. Cette sous-cohorte a été suivie régulièrement pour collecter des informations sur l’état vital. Les cas (cancer de l’endomètre) dans la cohorte totale ont été détectés par couplage des données de registres sur le cancer, après un suivi de 20.3 ans (sept 1986 – déc 2006). Au final, 1474 participantes de la sous-cohorte et 364 cas de la cohorte totale ont été incluses à cette étude. Un questionnaire sur les fréquences alimentaires a permis d’estimer les consommations d’acrylamide alimentaire des participantes. Les analyses génomiques ont été réalisées sur ADN extrait d’ongles de doigt de pied.

Résultats

Les données de ce suivi de 20.3 ans ne montrent pas d’association entre consommation d’acrylamide alimentaire et cancer de l’endomètre (HR=1.03, IC95%=[0.71-1.51]). Une association nulle est également détectée pour les participantes n’ayant jamais fumé (la fumée de cigarette est une source importante d’exposition à l’acrylamide). Ces résultats ont conduit les auteurs à investiguer les effets des SNPs d’intérêt sur le suivi des participantes jusqu’à une durée de 11.3 années, pour lequel une association avait été révélée dans une étude précédente.

Une tendance à la baisse du risque de cancer endométrial est observée chez les femmes porteuses de trois mutations particulières (rs1056827 dans le gène CYP1B1, rs944722 dans NOS2 et rs2228000 dans XPC). A l’inverse, une tendance à l’augmentation du risque est décelée chez les femmes porteuses des mutations rs2472299 dans CYP1A2, rs3219489 dans MUTYH, rs660149 dans PGR, rs1042157 et rs6839 dans SULT1A1. La délétion homozygote du gène GSTM1, estimée par l’absence des mutations rs10857795 et rs200184852 seules ou combinées, apporte également une tendance à un risque amoindri de cancer endométrial. Cependant, seule la délétion basée sur rs200184852 est statistiquement significative (HR=0.71, IC95%=[0.52-0.93], p=0.03). Toutes les tendances relevées sont à la limite de la significativité (p<0.10).

Les mutations dans les gènes directement impliqués dans le métabolisme de l’acrylamide, déterminant pour l’exposition effective au cancérogène, révèlent des effets sur l’association entre consommation d’acrylamide et risque de cancer endométrial. L’analyse des 2 mutations sur CYP2E1 (rs915906 et rs2480258) révèle un risque accru de cancer endométrial dû à la consommation d’acrylamide chez les femmes non-porteuses des mutations (HR=1.17 et 1.22). L’effet concernant la première mutation est plus marqué chez les femmes n’ayant jamais fumé (HR=1.34 vs. 1.17). L’absence de délétion homozygote de GSTT1 accroît le risque associé à l’acrylamide (HR=1.13 et 1.33 chez toutes les femmes et les femmes non fumeuses respectivement). Le même profil est observé quant à la délétion du gène GSTM1, mais sans interaction significative avec la consommation d’acrylamide.

Conclusions

L’association entre consommation d’acrylamide et risque de cancer de l’endométre après un suivi de 11.3 années n’est plus retrouvée avec les données du suivi prolongé jusqu’à 20.3 années. Ceci suggère que la seule évaluation de base de la consommation d’acrylamide (début de l’étude en 1986) n’est pas suffisamment représentative de la consommation pendant la période d’exposition à l’origine des cas de cancer de l’endométre pendant la seconde partie du suivi.

Quelques mutations génétiques ont un lien avec le risque de cancer de l’endométre, et des interactions nominatives ont été détectées sur l’effet de la consommation d’acrylamide sur le risque de cancer de l’endométre, particulièrement avec les gènes CYP2E1, GSTT1 et GSTM1, impliqués dans le métabolisme de l’acrylamide. Si l’effet de l’acrylamide est supposé être dépendant de son métabolite glycidamide, plusieurs éléments suggèrent ici une relation causative directe de l’acrylamide. En effet, l’activité accrue de CYP2E1 par les mutations étudiées ici conférerait un effet carcinogène, mais les interactions observées ne concernent que les femmes ne portant pas ces mutations. De plus, la déplétion de GSTM1 conduit à un plus haut taux d’acrylamide métabolisé en glycidamide, or les interactions décelées concernent les femmes possédant au moins un allèle de ce gène.

Les effets observés par les gènes CYP2E1 et les gènes GSTs sont à approfondir par de nouvelles études prospectives de cohorte, si possible avec des populations plus larges.

Texte : esanum / jd
Photo : Marochkina Anastasiia / Shutterstock


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