- Zonna X et al. The Association Between Crohn’s Disease and Patient Response to Yeast: A Review of the Literature. Gastroenterol Insights 2024; 15(4): 1064-1074. https://doi.org/10.3390/gastroent15040073.
L’anticorps anti-Saccharomyces cerevisiae cible le mannan, un composant de la paroi cellulaire de la levure de boulanger, et fait l’objet de recherches en lien avec les MICI depuis le début des années 1990. À cette époque, on a observé pour la première fois que les patients atteints de MC présentaient des taux significativement plus élevés d’IgG et d’IgA dirigés contre S. cerevisiae que les personnes en bonne santé, mais aussi que les patients atteints de rectocolite hémorragique (RCH). Depuis, l’ASCA s’est imposé comme un marqueur spécifique de la MC. Cependant, sa faible sensibilité limite encore sa valeur diagnostique.
Bien qu'aucune corrélation n'ait encore été trouvée entre des taux élevés d’anticorps et une sensibilité alimentaire à la levure, il semble que les patients atteints de MC réagissent aux aliments contenant de la levure et tirent profit d’un régime sans levure, comme l’ont montré plusieurs études. En revanche, les patients souffrant de RCH tolèrent généralement bien les produits contenant de la levure.
La question de savoir si la levure joue un rôle dans la pathogenèse de la MC reste controversée. La théorie d’une sensibilisation immunitaire a cependant été confirmée par plusieurs études. Selon cette hypothèse, l’antigène mannan de la levure entraîne une forte activation du système immunitaire chez les patients atteints de MC, déclenchant une cascade d'augmentation de la cytotoxicité, d’activation chronique des lymphocytes T, de lésions de la barrière muqueuse et d’inflammation accrue. Des lymphocytes T auxiliaires (Th) dérégulés, activés à tort contre divers antigènes microbiens, pourraient être à l’origine de cette réponse inappropriée et ainsi contribuer à la pathogenèse et à la sévérité de la maladie.
L’ASCA en tant que marqueur pronostique potentiel représente également un domaine de recherche prometteur. Certaines études suggèrent que la réponse immunitaire dirigée contre la levure pourrait avoir une valeur prédictive importante concernant le déclenchement et l’évolution de la maladie de Crohn. Par exemple, des titres élevés d’anticorps ont été associés à une forme plus sévère de la maladie, à un risque accru de complications et à une probabilité plus élevée de recourir à la chirurgie. Il est donc possible que l’ASCA joue un rôle futur dans la stratification des risques et aide à prendre des décisions thérapeutiques.
Enfin, les recherches sur le microbiote intestinal dans les MICI sont en plein essor depuis quelque temps. Là encore, les levures et leurs antigènes pourraient provoquer des changements significatifs. Par exemple, des différences dans la composition du microbiote ont été observées entre les patients ASCA positifs et ASCA négatifs. Des différences marquées ont également été constatées entre le microbiote des patients atteints de MC et ceux souffrant de RCH. Selon certains auteurs, ces différences pourraient aussi avoir une portée étiologique et phénotypique.
Après plusieurs décennies de recherches, de nombreuses questions restent ouvertes sur le rôle de l’alimentation dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, telles que la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Cependant, de plus en plus d'éléments indiquent que les levures et la réponse immunitaire qu'elles induisent jouent un rôle important. Reste à savoir si – et quand – cela aura des conséquences concrètes sur le diagnostic, le traitement et le pronostic de ces maladies.