Rituximab en traitement de la leucémie aiguë lymphoblastique ?

La leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) à cellules B est une prolifération de blastes immatures inaptes à la défense immunitaire. De grands progrès thérapeutiques ont été atteints par des chimiothérapies intensives ou transplantation de cellules souches hématopoïétiques. Contexte De nouvelles approches prometteuses concernent le ciblage d’antigè

La leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) à cellules B est une prolifération de blastes immatures inaptes à la défense immunitaire. De grands progrès thérapeutiques ont été atteints par des chimiothérapies intensives ou transplantation de cellules souches hématopoïétiques.

Contexte

De nouvelles approches prometteuses concernent le ciblage d’antigènes membranaires, comme le CD20 (marqueur de la lignée lymphoïde B). Le rituximab est un anticorps spécifique du marqueur CD20, utilisé avec succès dans des approches thérapeutiques du lymphome non-Hodgkinien à cellules B, du lymphome de Burkitt à cellules B, ou de leucémies. Seuls 30 à 50% des blastes de LAL présenteraient l’antigène CD20, mais la présence de ce marqueur est associée à un mauvais pronostic.

Etude et méthodes

L’essai clinique GRAALL-2005 (groupe de recherche sur la leucémie aiguë lymphoblastique adulte) a été conduit entre 2006 et 2014 dans 56 centres français et 9 centres suisses. La partie GRAALL-2005/R a concerné l’évaluation randomisée de l’utilisation du rituximab chez des patients présentant des blastes précurseurs de lymphocytes B exprimant le marqueur CD20 (CD20+ pour >20% de cellules leucémiques). L’essai a inclu 209 patients âgés de 18 à 59 ans, nouvellement diagnostiqués pour une leucémie aiguë lymphoblastique, et ne présentant pas l’anomalie génétique du “chromosome Philadelphie”. Les cas de lymphome de Burkitt à cellules B matures et autres leucémies ont été exclus de l’étude. Les patients ont été attribués aléatoirement au groupe rituximab (R, n=105) ou au groupe contrôle (C, n=104). Le protocole a consisté en 16 à 18 infusions de rituximab pour une dose journalière de 375 g/m². Les infusions étaient réalisées avant les séances de chimiothérapie. La survie sans événement (échec de l’induction d’une rémission complète, rechute ou décès) est le résultat primaire de l’étude. Les résultats de GRAALL-2005/R ont été publié dans la revue New England Journal of Medicine (DOI: 10.1056/NEJMoa1605086).

Résultats

Les caractéristiques patients avant traitement sont similaires entre les 2 groupes, et le pourcentage moyen de blastes CD20+ est de 66%. Au cours du suivi (30 mois en moyenne), 48% des patients (42% du groupe R et 55% du groupe C) ont présenté au moins un événement, dont 17 échecs d’induction (8 et 9 patients), 57 rechutes (22 et 35) et 27 décès pendant la rémission (14 et 13). Les patients assignés au groupe R présentent ainsi une plus longue survie sans événement (HR=0.66, IC95%=[0.45-0.98], p=0.04), principalement due à une plus faible incidence des rechutes (HR=0.52, IC95%=[0.31-0.89], p=0.02). La mortalité pendant la première rémission est similaire dans les deux groupes (HR=0.98), et la différence de survie globale en faveur du groupe R n’est pas statistiquement significative (HR=0.70, IC95%=[0.46-1.07], p=0.10).

Une plus grande proportion de patients du groupe R a bénéficié d’une transplantation de cellules souches hématopoïétiques pendant la première rémission (34 vs. 20%), malgré un taux similaire de patients à risque éligibles à ce traitement. En censurant les données au moment de la transplantation pour les patients concernés, la survie sans événement reste plus longue dans le groupe R (HR=0.59, IC95%=[0.37-0.93], p=0.02), de même que la survie globale (HR=0.55, IC95%=[0.34-0.91], p=0.02). L’incidence des rechutes est également plus faible dans ce groupe (HR=0.49, IC95%=[0.27-0.89], p=0.02) et la mortalité reste similaire entre les 2 groupes (HR=0.79, non significatif).

Les facteurs confondants d’une survie sans événement moins longue sont l’âge, l’implication pathologique du système nerveux central et un compte supérieur de leucocytes au diagnostic. L’analyse en sous-catégorie prenant en considération ces facteurs, ainsi que le pourcentage de blastes CD20+, ne révèle pas d’interaction de ces facteurs sur l’effet du rituximab. Un effet plus prononcé semble tout de même présent pour les patients avec un plus fort taux d’expression du marqueur CD20+ (HR=0.52 vs. 0.82), mais de façon non significative.

Enfin, l’incidence d’effets sévères est semblable entre les 2 groupes. Moins d’événements infectieux sont survenus dans le groupe C (55 vs. 71) mais de façon non significative. Par contre, les évènements allergiques, liés à l’asparaginase (médicament antinéoplasique), sont plus fréquents dans le groupe C (14 vs. 2 cas, p=0.002).

Conclusions

L’addition de rituximab à la chimiothérapie améliore la survie sans événement des patients de LAL à cellules B exprimant le marqueur CD20+ et ne portant pas le chromosome Philadelphie. Le potentiel bénéfice supérieur chez les patients présentant un plus fort taux de cellules CD20+ semble traduire un effet direct du rituximab par sa fixation aux cellules leucémiques. Le fait que moins de patients recevant du rituximab aient développé une réaction allergique à l’asparaginase est inattendu pour les auteurs, mais suggère un mécanisme indirect par le biais de l’administration d’une plus grande dose cumulée d’asparaginase. L’effet protecteur du rituximab face à ces réactions allergiques pourrait être basé sur une inhibition de production d’anticorps envers l’asparaginase.

Certains éléments de cette étude nécessitent d’autres investigations, comme le programme d’administration du rituximab (ici déterminé empiriquement), et le seuil de positivité d’expression du marqueur CD20+ (ici 20%) qui exclut peut-être des patients pour lesquels le rituximab aurait également un effet positif.

Texte : jd / esanum
Photo : Kateryna Kon / Shutterstock


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