Par Bernard KRON
Je voudrais pour ce faire revenir sur l’époque des concours élitistes, en particulier de l’Internat des hôpitaux. On pouvait le passer dès la réussite de celui de l’Externat permettant d’être nommé dès la cinquième année de médecine. Les gardes étaient fréquentes, de l’ordre de deux à trois par semaine avec un réel bénéfice formateur. On y était responsable de l’accueil, du diagnostic et des soins que l’on pensait être capable de faire sous condition qu’une anesthésie générale ne soit pas nécessaire.
La petite chirurgie n’avait plus de secrets au bout de quelques mois mais les nuits sans sommeil étaient fréquentes. Le diagnostic d’une urgence abdominale n’avait plus de secrets à cette époque qui ne connaissait pas le scanner ou l’échographie ! En cas d’anesthésie générale, la présence du chef-de-clinique était obligatoire. Très compétent, il nous formait en nous laissant opérer sous sa direction.
On vivait quasiment à plein temps à l’hôpital dans un milieu fermé, monde clos qui allait former notre propre univers pendant plus de dix ans. Le repos compensateur tant prôné ne nous effleurait pas !
Les complications postopératoires n’étaient pas très fréquentes et ne surprenaient pas les patients car on était encore pour quelques temps un peu des magiciens. Il n’y avait de leur part aucune plainte, sauf lors de fautes réelles et avérées, ce qui était quand-même très rare. Aider le patron pour une opération était un honneur. Souvent, nous avions alors la responsabilité des nœuds pour l’hémostase des vaisseaux et de la suture finale de l’incision sous son contrôle et ses conseils.
Cette époque est révolue et nombre d’Internes finissent leur Internat sans avoir fait ce type de chirurgie. Le compagnonnage en salle d’opération, base de la formation est peu à peu remplacé par les simulateurs, les mannequins et l’apprentissage sur l’animal.
La chirurgie viscérale n’est plus la voie royale que nous avions connue. Elle nécessite des semaines de 70 à 100 heures pendant l’internat et le clinicat pour la dominer compte tenu des évolutions technologiques. La robotique, l’ultra spécialisation et la formation de plus en plus tardive (j’avais 29 ans le jour de mon installation en clinique) pose donc avec acuité la question que je décris dans mon livre Chirurgie chronique d’une mort programmée : « Serons-nous soignés demain ? »
Il faut ainsi peut-être revenir en arrière pour certaines spécialités et revoir de fond en comble les études de médecine.
Texte : bk / esanum
Photo : John Gomez / Shutterstock.com