Les neurochirurgiens au crible de l’IA

Les neurochirurgiens utilisent largement la simulation en réalité virtuelle au cours de leur formation. L’IA pourrait aussi servir à évaluer leurs compétences. Une étude québécoise a passé au crible la précision des gestes lors d’une intervention sur un simulateur. Objectif : développer des algorithmes afin que la machine puisse apprendre à reconnaître le niveau d’expertise des praticiens.

L’étude

Les participants de 4 universités canadiennes ont été divisés en 2 groupes selon leur niveau de formation (senior et junior) et ont été invités à effectuer une hémilaminectomie en réalité virtuelle. L’intervention consiste à enlever une lamelle d’une vertèbre qui comprime la moëlle épinière, ou dans ce cas précis le nerf sciatique (hémilaminectomie L3 gauche). Cet acte n’est pas particulièrement complexe mais nécessite une grande maîtrise technique.

Les chirurgiens devaient retirent la lamelle avec leur main dominante tout en contrôlant le saignement avec un instrument d'aspiration dans leur main non dominante. Ils disposaient de 5 minutes, temps jugé suffisant dans les études préliminaires, et n’ont eu droit qu’à un essai.  

Pendant que les chirurgiens opéraient sur un simulateur, les chercheurs enregistraient toutes les 20 ms des données portant sur la précision des gestes : positions, angles, volumes des tissus retirés et forces appliquées. Ce dernier critère est crucial puisqu’une force trop élevée appliquée sur la dure-mère peut augmenter le risque de déchirure. Ces données ont été traitées, afin qu’elles puissent entraîner cinq algorithmes d'apprentissage de la machine. Douze paramètres relatifs à la sécurité de la procédure, à l'efficacité, au mouvement des outils et à la coordination ont été sélectionnés. 

Seniors vs juniors 

Les participants étaient issus de plusieurs institutions et de 2 spécialités (neurochirurgie et orthopédie), ce qui rend les données plus représentatives des différents paradigmes d'entraînement. Du point de vue de la sécurité, c’est le groupe des seniors qui a mieux limité la force appliquée sur la dure-mère. Ceux-ci ont également manié leurs outils simultanément plus souvent que les juniors. Cela montre l'importance de l'acquisition de compétences bimanuelles en chirurgie de la colonne vertébrale. Enfin, les seniors ont notamment montré une variance d'angle moins importante avec la fraise lors de l'ablation de L3, ce qui donne de nouvelles indications sur la cohérence de leurs mouvements.

Perspectives 

L’apprentissage de la neurochirurgie nécessite une longue répétition de gestes très précis, rendue possible par l’entraînement sur des animaux et des cadavres mais de plus en plus sur des simulateurs en réalité virtuelle. Grâce à cette étude, L'IA a permis de définir de nouvelles mesures de la performance chirurgicale et de définir les niveaux d'entraînement des chirurgiens pratiquant une intervention de la colonne vertébrale en réalité virtuelle. Les méthodes décrites pourraient être appliquées à n'importe quel scénario de simulation chirurgicale, à condition de recueillir des données sur le rendement d'une personne. Avec le développement de la simulation en réalité virtuelle, les algorithmes deviendront encore plus fiables. 

À terme, les jeunes chirurgiens pourraient voir leurs compétences validées, ou non, par l’IA. Celle-ci surpasse l’humain et ses biais subjectifs. Toutefois, cette étude portant sur un échantillon restreint et une technique très spécifique n’est qu’un premier pas. En attendant que d’autres études permettent de généraliser ces résultats et d’évaluer finement ce nouveau potentiel des simulateurs, l’algorithme peut aider à l'acquisition de compétences psychomotrices.

 

Source : 
Artificial Intelligence Distinguishes Surgical Training Levels in a Virtual Reality Spinal Task
The Journal of Bone and Joint Surgery: December 4, 2019 - Volume 101 - Issue 23 - p e127
doi: 10.2106/JBJS.18.01197