Nanoparticules et LIF pour améliorer le traitement de la sclérose en plaques ?

La cytokine LIF est un facteur de croissance des cellules souches. Elle pourrait prévenir la progression de la maladie et réparer les cellules gliales du système nerveux central qui sont endommagées.

(Par la Dre Sophie Christoph)

La cytokine LIF (Leukemia Inhibitory Factor) est un facteur de croissance des cellules souches qui pourrait prévenir la progression de la maladie et réparer les cellules gliales du système nerveux central (SNC) qui sont endommagées.

2,3 millions de personnes dans le monde souffrent de sclérose en plaques (SEP). Les traitements modificateurs de la maladie (DMT) peuvent ralentir la pathologie mais ont des effets secondaires et ne peuvent pas réparer le SNC. Le Dr Su Metcalfe espère proposer une alternative en utilisant une particule de cellules souches appelée LIF

LIF : une petite protéine avec plusieurs propriétés curatives

Trois caractéristiques principales rendent la cytokine LIF très intéressante dans le traitement de la SEP et d'autres maladies neurodégénératives associées à des processus inflammatoires :

- Propriétés des cellules souches et rajeunissement :
La cytokine LIF est capable de réactiver les gènes, devenus inaccessibles pendant la différenciation, des cellules d’origine. Cette propriété est essentielle au maintien du SNC.

- Auto-tolérance du système immunitaire :
Des réactions immunitaires inadéquates entraînent des attaques sur les structures de l'organisme, comme pour la myéline dans la SEP. La cytokine LIF joue un rôle important dans la contre-régulation des réactions auto-immunes et pourrait restaurer l'auto-tolérance des cellules immunitaires qui se sont « égarées ».

-Interactions neuro-glio-vasculaires :
Combinée à l’oxygène la cytokine LIF influence les mécanismes subtils de contrôle de la barrière hémato-encéphalique. Ceux-ci participent avec précision à l’architecture nécessaire au bon fonctionnement du cerveau : 40-60 μm entre chaque capillaire, 10-20 μm entre les capillaires et les neurones.
Lors de la formation de la barrière hémato-encéphalique, les astrocytes immatures et l'extrémité capillaire croissante s’accordent : la distance est « mesurée » et la croissance du capillaire est stoppée avec une grande précision lorsque la concentration en oxygène est optimale.
La cytokine LIF participe également au réglage de la myélinisation et assure une épaisseur optimale de la myéline en fonction de l'activité nerveuse grâce à une communication dépendant de l'activité entre les astrocytes, les oligodendrocytes et les axones.1
 

Le défi : la courte demi-vie du LIF circulant

Lorsqu'elle exerçait en chirurgie à l'Université de Cambridge, le Dr Metcalfe s’intéressait déjà à ce qui contrôle la réponse immunitaire, et ce qui empêche les tissus de l'organisme d'être attaqués. « J'ai découvert un petit interrupteur binaire contrôlé parla cytokine  LIF qui régule les processus au sein même de la cellule immunitaire. LIF est capable d’assurer le contrôle de la cellule pour s'assurer qu’elle n’attaque pas son propre corps, mais qu'une réponse immunitaire soit déclenchée si nécessaire ».2

Son enthousiaste initial s'est vite heurté à un obstacle majeur à l'utilisation thérapeutique : LIF ne peut survivre hors de la cellule que pendant 20 minutes avant d'être dégradée par l'organisme. Mais l'avènement de la nano-médecine, dans laquelle les facteurs de croissance naturels peuvent être exploités et apportés à des structures cibles spécifiques marque une nouvelle ère. L'objectif du Dr Metcalfe est donc de proposer un LIF « prêt à l'emploi » pour une utilisation clinique afin de cibler les zones endommagées du SNC.

LIFNano : Formule « targeted cargo » à libération lente

En « conditionnant » LIF dans des nanoparticules avec un revêtement unique d'anticorps spécifiques de la cible, on s'assure que les particules atteignent leur but. Le revêtement d'anticorps peut être conçu de façon à ce que les particules traversent la barrière hémato-encéphalique avant que la cargaison de LIF ne soit libérée.

Les données précliniques montrent que les particules se lient à leur cible ou demeurent dans la circulation, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas piégées par les organes filtrants. La matière particulaire correspond à ce que nous savons des filaments auto-dissolvants : elle est compatible avec le corps humain et se dissout graduellement dans le dioxyde de carbone et l'eau.3 La nanoparticule elle-même est un environnement protecteur et les enzymes qui autrement élimineraient LIF ne peuvent plus le faire.2

Les particules ont été développées à l'Université de Yale, répertoriée comme co-inventeur avec le Dr Metcalfe. Sa société LIFNano possède une licence mondiale pour fournir ces particules et elle pense que nous sommes sur le point de réaliser une percée médicale.

Elle a récemment déclaré : « La nanomédecine est une nouvelle ère et les grandes industries pharmaceutiques sont déjà entrées dans ce domaine afin de conduire les médicaments jusqu’à leur cible tout en évitant les effets secondaires. Le saut quantique consiste à se concentrer sur les substances biologiques et à s'engager dans les voies de signalisation naturelles de l'organisme. Nous n'utilisons pas de substances artificielles, nous activons simplement les systèmes d'auto-tolérance et de réparation de l'organisme » .2

LIFNano a déjà attiré deux investisseurs importants, la société pharmaceutique Merck et l'agence officielle britannique Innovate UK Agency. Grâce à ce financement, l'entreprise espère être en mesure de réaliser des essais cliniques en 2020.4

Références : 
1. Metcalfe, S. M. LIF and multiple sclerosis: One protein with two healing properties. Multiple Sclerosis and Related Disorders 20, 223–227 (2018).
2. Gooding, M. Meet the Cambridge scientist on verge of curing Multiple Sclerosis. cambridgenews (2017). Available at: http://www.cambridge-news.co.uk/business/technology/meet-cambridge-scientist-verge-curing-13129687. (Accessed: 8th April 2019)
3. LIFNano - About. LIFNano Available at: https://www.lifnano.com/about. (Accessed: 9th April 2019)
4. Cox, T. MS patients volunteer for Cambridge scientist pioneering treatment. cambridgenews (2017). Available at: http://www.cambridge-news.co.uk/news/cambridge-news/multiple-sclerosis-cure-hope-cambridge-13158368. (Accessed: 8th April 2019)