Vaccin Pfizer/BioNTech : est-il responsable du PTI qui a tué le Dr Michael ?

Gregory Michael, obstétricien à Miami, est décédé d’un purpura thrombopénique idiopathique seize jours après avoir reçu le vaccin de Pfizer/BioNTech. Le Pr David Gorski souligne que l'hypothèse d'une triste coïncidence prévaut.


Dans ce blog Horizon(s) nous vous présentons des témoignages de médecins exerçant à l'étranger : articles, interviews, traductions – avec l'accord des auteurs, toujours. 
 

« Je poursuis mon petit passe-temps qui consiste à examiner de manière critique les affirmations faites dans le domaine de la science médicale, à analyser les études scientifiques qui sont d'actualité (ou qui m'intéressent tout simplement), à réfuter les affirmations pseudo-scientifiques émises par des charlatans, des hurluberlus et des antivax... » 


David Gorski est un chirurgien oncologue américain, spécialiste du cancer du sein et professeur de chirurgie à l'université de Wayne State (Détroit, Michigan). Rédacteur en chef du site Science-Based Medicine, il est aussi l’auteur du blog Respectful Insolence dans lequel il publie sous le nom d’Orac. 

Orac, donc, a accepté que nous traduisions ici l’article Did the Pfizer/BioNTech COVID-19 vaccine cause Dr. Gregory Michael’s fatal ITP? publié sur le blog Respectful Insolence le 8 janvier 2021. Nous l'en remercions chaleureusement.  



Le Dr Gregory Michael, obstétricien à Miami, est décédé d’un purpura thrombopénique idiopathique (PTI) seize jours après avoir reçu le vaccin de Pfizer/BioNTech. Dans sa peine, sa femme s'est exprimée sur Facebook : elle accuse le vaccin d’être responsable de la maladie auto-immune rare qui – en détruisant ses plaquettes – aurait causé ce drame. Cette réacion n’est pas surprenante. Malheureusement, la mort tragique du Dr Michael souligne la difficulté de distinguer la coïncidence de la causalité lors de l'évaluation des effets indésirables de la vaccination.

Il y a trois semaines, j'écrivais que le lancement des vaccins Covid-19 à base d'ARN (Pfizer/BioNTech et Moderna) dans le cadre de l'autorisation d'utilisation d'urgence [EUA – Emergency Use Authorization] délivrée par la Food and Drug Administration entraînerait très probablement un tsunami de confusions entre corrélation et causalité. Ces vaccins seraient donc tenus responsables de toutes sortes d' «effets indésirables», qu’ils en soient la cause ou non.  

J'avais alors utilisé les exemples spécifiques de la syncope et de la paralysie de Bell. La première est une réaction courante aux piqûres d'aiguilles de toutes sortes (y compris toutes les vaccinations). La seconde n'est quasi-certainement pas liée à la vaccination contre la Covid-19. 

J’avais aussi expliqué de quelle manière, en raison de la loi des grands nombres, il y aura à coup sûr beaucoup de problèmes de santé – y  compris des décès – qui surviendront peu de temps après la vaccination. Ceci résulte d’une simple coïncidence (le même principe s'applique aux affirmations selon lesquelles les vaccins provoquent l'autisme). 

J’écrivais alors : 
 

«Le fait est qu'il y aura toutes sortes d'histoires effrayantes sur les vaccins Covid-19 dans les semaines et les mois à venir, et que beaucoup de gens auront des réactions similaires aux miennes. Là encore, la plupart des symptômes autres que ceux que j'ai ressentis ne seront pas dus au vaccin. Je prédis aussi que des personnes auront la Covid-19 juste après avoir reçu le vaccin, et que les antivaxx prétendront que c'est à cause du vaccin – tout comme ils prétendent parfois que le vaccin contre la grippe cause la grippe.

Il y aura aussi des personnes qui mourront dans le mois suivant la vaccination, en particulier lorsque le vaccin sera administré à la population générale âgée. En cause, la simple loi des grands nombres et le fait que chaque mois meurent beaucoup plus de personnes âgées que de jeunes. Comptez sur les antivaxxs pour faire passer ces coïncidences pour une “preuve définitive” que le vaccin contre la Covid-19 tue, comme ils l'ont fait pour les vaccins et le syndrome de mort subite du nourrisson (qui n'est pas causé par les vaccins) et pour le vaccin contre le HPV et la mort des adolescentes.»



La première histoire de ce genre a commencé à circuler dans les sphères obscures  antivaxx des réseaux sociaux : c’est le cas tragique et étrange du Dr Gregory Michael, gynécologue-obstétricien de Miami, mort d'une maladie thrombocytopénique idiopathique (PTI, aussi connue sous le nom de «purpura thrombopénique immunologique». Cette histoire est également relayée par les tabloïds britanniques habituels. Pire, même le New York Times ne se montre pas totalement responsable en rapportant cette histoire ; la semaine dernière, le journal a reproduit cette citation :
 

«Le Dr Jerry L. Spivak, expert en maladies du sang de l'Université Johns Hopkins – qui n'a pas participé aux soins du Dr Michael – a déclaré en se basant sur la description de Mme Neckelmann [la veuve du Dr Michael] : “Je pense que c'est une certitude médicale, le vaccin était lié". "Cela va être très rare", a déclaré le Dr Spivak, professeur émérite de médecine. Mais il a ajouté : "C'est arrivé et cela pourrait se reproduire" ».



Comme on pouvait s'y attendre, le groupe militant anti-vaccins Children's Health Defense créé et présidé par Robert F. Kennedy Jr. a abordé la question dans un article intitulé Johns Hopkins Scientist : A Medical Certainty' Pfizer Vaccine Caused Death of Florida Doctor. Ils l'ont même utilisé pour écrire cette affirmation trompeuse :
 

«L’antivaxx Lynn Redwood a également souligné que le PTI a déjà été signalé à la suite d'une exposition à des médicaments contenant du polyéthylène glycol (PEG), un composé utilisé dans les vaccins Pfizer et Moderna.»


Si vous consultez l'étude citée par Lynn Redwood, vous constaterez que :


Ma compulsion à mentionner jusqu’aux plus petites tromperies des antivaxxers mise à part, laissez-moi simplement dire que je pense qu'il était hautement irresponsable de la part du Dr Spivak de jeter en pâture aux antivaxxs une citation de lui exprimant une telle certitude. Les bas-fonds du mouvement antivaxx fonctionnent ainsi, et continueront probablement à le faire.

Parlons maintenant de l'histoire proprement dite. Il n’y a aucune «certitude médicale» que le vaccin a causé le cas fatal de PTI du Dr Michael, même si nous devons prendre au sérieux cette possibilité au vu de la chronologie. Sa triste histoire est un point de départ très utile pour souligner une fois de plus combien il peut être difficile d'établir une véritable corrélation entre un événement indésirable et la vaccination, et d'exclure toute coïncidence – qui est plus fréquente que ce que la plupart des gens imaginent lorsqu’il d’agit de très grands nombres.



Dr Gregory Michael, vaccin Covid-19 de Pfizer et PTI : que s'est-il passé ?

L'histoire du décès du Dr Michael est la première après la vaccination contre la Covid-19 qui semble quelque peu plausible de prime abord, me permettant de revenir sur cette question. En effet, contrairement aux cas de personnes qui sont, par exemple, heurtées par une voiture dans les deux semaines suivant la vaccination, nous ne pouvons pas rejeter a priori ce cas de PTI.
 

  «Un médecin de Floride est mort plusieurs semaines après avoir reçu un vaccin Covid-19, bien qu'on ne sache pas encore si son décès est lié à l'injection qu'il a reçue le 18 décembre. Le Dr Gregory Michael, 56 ans, un gynécologue-obstétricien du centre médical Mount Sinai à Miami Beach, est mort après avoir subi une attaque hémorragique apparemment due à un manque de plaquettes. Les médecins légistes de Miami enquêtent sur sa mort, a déclaré le ministère de la santé de Floride dans un communiqué. "Le CDC [Centers for Disease Control and Prevention2) et la FDA sont chargés d'examiner les données de sécurité du vaccin Covid-19 et d’apporter ces informations aux recommandations fédérales pour l'administration du vaccin", a déclaré le directeur de la communication Jason Mahon dans un courriel. "L'État continuera à fournir toutes les informations disponibles au CDC alors qu'il dirige cette enquête."


Cet article d’USA TODAY était en fait assez prudent dans son récit de la mort tragique du Dr Michael. Le PTI est une réaction immunitaire contre les plaquettes, qui sont responsables de la coagulation, entraînant une diminution de leur nombre au point où des hémorragies peuvent se produire. Le plus souvent, ces saignements prennent la forme de pétéchies ou bien de minuscules marques ressemblant à des ecchymoses sur la peau.

Dans de rares cas le PTI peut entraîner une baisse dangereuse du nombre de plaquettes, à des niveaux tels que le risque de saignement spontané dans le cerveau et d'autres organes devient très élevé. Le PTI est aussi appelé «idiopathique» parce que ses causes sont inconnues ou mal comprises (Comme j'aime à le dire, «idiopathique» signifie en gros «nous n'en connaissons pas la cause»).

L'article souligne également que le PTI est rare et que, dans des cas extrêmement rares le vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) a été lié à la thrombocytopénie chez les enfants, d’après une étude de 2003. L'article ajoute que le PTI «peut également être causé par le cancer, l'anémie, la consommation excessive d'alcool, des virus, certaines maladies génétiques, des produits chimiques toxiques et des médicaments tels que les diurétiques et le chloramphénicol, un antibiotique rarement utilisé.» (Nous reviendrons sur le risque général de PTI après la vaccination).

Dans sa douleur tout à fait compréhensible Heidi Neckelmann a malheureusement versé de l’huile sur le feu. Elle a publié sur Facebook un post qui est rapidement devenu viral, en particulier dans le milieu des anti-vaccins [post partagé plus de 70.000 fois].



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Il est impossible de ne pas ressentir une profonde sympathie et empathie envers Mme Neckelmann. Je ne peux qu'essayer d'imaginer ce qu'elle vit actuellement, d'autant plus que son mari avait pratiquement mon âge. Des histoires comme celle-ci m’amènent toujours à me demander comment je réagirais à la mort inattendue et précipitée de ma femme. Quoi qu'il en soit, le post de Mme Neckelmann a fait la une des journaux à sensation, comme celui du Daily Mail (qui d'autre ?). 
 

«Selon Heidi Neckelmann, l'obstétricien Gregory Michael, 56 ans - son "meilleur ami" et partenaire depuis 28 ans - était actif, en bonne santé et ne présentait aucun facteur de risque avant de se faire vacciner le 18 décembre. Cependant, il est mort d'une attaque cérébrale dimanche matin après avoir développé soudainement une maladie auto-immune rare qui provoque la destruction par le corps de ses propres plaquettes, les minuscules fragments qui permettent au sang de coaguler. Heidi, 58 ans, pense que le vaccin révolutionnaire de Pfizer-BioNtech a pu être l'élément déclencheur. “Pour moi sa mort est liée à 100% au vaccin. Il n'y a pas d'autre explication", a-t-elle déclaré à DailyMail.com, en retenant ses larmes. “Il était en très bonne santé. Il ne fumait pas, il buvait de l'alcool de temps en temps, mais seulement en société. Il faisait de l'exercice, nous avions des kayaks, il était pêcheur en haute mer. Ils l'ont testé pour tout ce que vous pouvez imaginer après, même le cancer, et il n'avait absolument rien d'autre.” Pfizer a déclaré mercredi à DailyMail.com être au courant de la mort "très inhabituelle" du Dr Michael et que la firme poursuivait ses investigations. Cependant, un porte-parole de Pfizer a mis en garde : "Nous ne pensons pas pour l'instant qu'il y ait un lien direct avec le vaccin"».


L'article du Daily Mail, aussi sensationnel soit-il, nous fournit davantage d'informations que ce que Mme Neckelmann a publié sur Facebook :
 

«Gregory, père d'un enfant, n'a pas présenté de réaction immédiate à l'injection. Mais trois jours plus tard, alors qu'il prenait une douche, il a remarqué des pétéchies - des taches rouges qui indiquent un saignement sous la peau - sur ses pieds et ses mains. Lorsqu'il s'est présenté au Mount Sinai Medical Center à Miami Beach, l'hôpital où il travaille et où il a reçu le vaccin, les médecins ont découvert qu'il souffrait d'un manque aigu de plaquettes. “Tous les résultats sanguins sont revenus normaux, à l'exception des plaquettes qui étaient à zéro", a déclaré Heidi. “Au début, ils ont pensé qu'il devait s'agir d'une erreur. Ils ont donc refait le test et ont procédé à un comptage manuel, censé être plus précis.” Cette fois-ci une seule plaquette a été trouvée. “Il se sentait à 100%, il était normal, énergique, heureux. Mais ils lui ont dit qu’il ne pouvait pas rentrer chez lui, que c'est incroyablement dangereux, qu’il pourrait mourir d'une hémorragie cérébrale”».



Finalement, le Dr Michael a été diagnostiqué avec un PTI, et voici ce qui s'est passé :
 

«Après deux semaines de perfusions et de traitements expérimentaux qui n'ont pas réussi à augmenter le nombre de plaquettes de Gregory, les médecins ont décidé qu'ils n'avaient pas le choix. Cependant, il est mort d'une attaque hémorragique - lorsque le sang d'une artère saigne dans le cerveau - avant de pouvoir subir l'opération. “Ils lui ont donné des médicaments. Ils lui ont fait une quantité incroyable de perfusions de plaquettes, toutes les plaquettes du comté de Miami Dade d’après ce que l’ont ma dit " a déclaré Heidi. Mais malgré tous ces efforts, rien n'a marché. Les tests sanguins sont revenus avec zéro plaquette à chaque fois».



«Ils n'avaient pas le choix», cela signifie passer au traitement chirurgical du PTI, à savoir la splénectomie, l'ablation de la rate. Les chirurgiens étaient naturellement réticents à opérer un patient avec un tel risque extrême d'hémorragie, puisque le nombre de plaquettes était si bas qu'il était presque indétectable. Aussi risquée que soit cette opération, il semble que  le Dr Michael est mort avant. 


PTI : causes et traitement

Comme je l'ai mentionné plus haut, le PTI est une maladie auto-immune qui entraîne une destruction des plaquettes dans la rate. De même, comme je l'ai expliqué précédemment, «idiopathique» signifie simplement «nous ne savons pas ce qui en est la cause». Il existe deux formes de PTI, aiguë et chronique, la forme aiguë se manifestant principalement chez les enfants et la forme chronique chez les adultes :

«Le PTI aigu dure généralement moins de six mois. Touchant principalement les enfants, garçons et filles, il constitue le type de PTI le plus courant et survient souvent après une infection virale. Le PTI chronique dure six mois ou plus et atteint principalement les adultes. Toutefois, certains adolescents et enfants sont atteints de ce type de PTI.

Le PTI chronique touche les femmes deux à trois fois plus souvent que les hommes. Le traitement dépend de la gravité des saignements et de la numération plaquettaire. Dans les cas bénins, un traitement peut ne pas être nécessaire».3

Un autre aspect du PTI est qu'il ne met généralement pas la vie en danger. Le PTI aigu est souvent autolimité, et il est rare que le PTI chez l'adulte soit aussi résistant au traitement que dans le cas du Dr Michael.

«Pour la plupart des enfants et des adultes, le PTI n'est pas une maladie grave ou mortelle. Le PTI aigu chez les enfants disparaît souvent de lui-même en quelques semaines ou mois et ne revient pas. Chez 80 % des enfants atteints de PTI, la numération plaquettaire revient à la normale dans les 6 à 12 mois. Le traitement peut ne pas être nécessaire. Pour un petit nombre d'enfants, le PTI ne disparaît pas de lui-même et peut nécessiter un traitement médical ou chirurgical supplémentaire.

Le PTI chronique varie d'une personne à l'autre et peut durer de nombreuses années. Même les personnes qui présentent des formes graves de PTI chronique peuvent vivre des dizaines d'années. La plupart des personnes atteintes de PTI chronique peuvent arrêter le traitement à un moment donné et maintenir un taux de plaquettes sûr».4


Les symptômes les plus courants du PTI comprennent, bien sûr, les pétéchies et le purpura mentionnés plus haut (petites lésions sur la peau dues à des saignements sous la peau), plus tout ou partie des symptômes suivants :

Un certain nombre de conditions ont été associées au développement de l'ITP 5 :

De plus, les médicaments peuvent augmenter le risque de PTI 6 :

Le traitement du PTI dépend du type et de la gravité. Il arrive que le PTI ne nécessite pas de traitement et qu'il puisse être pris en charge en surveillant régulièrement la numération plaquettaire du patient pour s'assurer qu'elle ne diminue pas ou même qu'elle augmente pour revenir à la normale. Cependant, il n'est pas étonnant que la première ligne de traitement soit les corticostéroïdes, allant de la prednisone orale dans les cas moins graves à la dexaméthasone ou à la méthylprednisolone intraveineuse dans les cas plus graves – lorsque la numération plaquettaire est si faible qu'elle risque de provoquer des saignements.

En cas d'urgence, des transfusions de plaquettes sont utilisées. Ce n'est en principe pas le traitement d’attaque car les nouvelles plaquettes sont généralement «mâchées» par la réponse auto-immune tout aussi rapidement que les propres plaquettes du patient.

Ces perfusions ne sont généralement pas utilisées, sauf en cas d'urgence, lorsque des saignements se produisent ou que le nombre de plaquettes est aussi bas que dans le cas du Dr Michael. Quoi qu'il en soit, les transfusions de plaquettes ne constituent pas un traitement à long terme du PTI, car elles n'augmentent que temporairement le nombre de plaquettes fonctionnelles.

D'autres médicaments peuvent être utilisés : des immunosuppresseurs non stéroïdiens tels que le mycophénolate mofétil et l'azathioprine, ou même le traitement chimiothérapeutique vincristine. L'immunoglobuline intraveineuse peut aussi parfois être efficace pour diminuer la vitesse à laquelle les macrophages (une cellule immunitaire) détruisent les plaquettes marquées par un anticorps. Comme les transfusions de plaquettes, cependant, l'immunoglobuline intraveineuse n'augmente généralement que de façon transitoire le nombre de plaquettes et n'est généralement utilisée que dans les cas où les stéroïdes n'agissent pas et que des saignements sont soit en cours soit imminents. 

Dans les cas de PTI réfractaire, les agonistes du récepteur de la thrombopoïétine peuvent stimuler la moelle osseuse pour qu'elle produise davantage de plaquettes. Un autre traitement comprend le rituximab (Rituxan), un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine CD20, qui se trouve à la surface des cellules B. Lorsque le rituximab se lie à la protéine CD20, il provoque la mort de ces cellules ; ce traitement est utilisé contre les cancers du sang et les maladies auto-immunes.

Enfin, il y a la chirurgie. Tous les chirurgiens connaissent le PTI, car ce sont eux qui sont appelés à pratiquer une splénectomie chez les patients dont le PTI est réfractaire à d'autres traitements. La raison pour laquelle la splénectomie fonctionne est que ce sont les macrophages de la rate qui absorbent les plaquettes avec les anticorps qui leur sont liés. La splénectomie peut entraîner une rémission durable du PTI chez jusqu'à 80% des patients. Mais là encore, cette opération est généralement périlleuse en raison du risque élevé d'hémorragie chez des patients – auxquels l'opération est généralement réservée – qui présentent un PTI grave réfractaire.

Il est également important de noter à nouveau que les saignements graves dus au PTI comme ceux dont a souffert le Dr Michael sont rares.


La vaccination contre la Covid-19 provoque-t-elle le PTI ?

L'étude7 citée dans l'article USA TODAY a estimé le risque de PTI attribuable à la vaccination ROR à 1 sur 25.000 vaccinations, ce qui me semble assez élevé. Après tout, un risque de PTI aussi élevé devrait générer une incidence de PTI beaucoup plus notable. Quoi qu'il en soit, une autre étude8, ultérieure, a noté que chez ces patients les épisodes de saignement étaient peu fréquents, que le PTI associé au ROR disparaissait en un mois chez 74% des personnes concernées et ne persistait au-delà de six mois que chez 10% d'entre elles. Et, là encore, cela a été observé chez les enfants, et non chez les adultes.

Le Dr Lannelli9 note que le PTI est rare et qu'il n'existe qu'un seul vaccin pour lequel il existe une association documentée, le vaccin ROR. Il est vrai que le PTI est mentionné sur la notice du Gardasil comme un éventuel effet indésirable, mais, comme le Dr Lannelli l'explique en détail, des études ultérieures n'ont montré aucune association. De plus, le risque de contracter le PTI après une véritable infection par la rougeole est considérablement plus élevé que le risque de contracter le PTI après le vaccin ROR, ce qui amène le Dr Lanelli à souligner que «s'inquiéter du PTI n'est pas une bonne raison pour refuser ou retarder la vaccination».


Revenons à la question de la vaccination Covid-19 et du PTI – et à la triste histoire du développement soudain par le Dr Michael d'un PTI réfractaire au traitement, qui lui a coûté la vie dans les deux semaines suivant le diagnostic. 


D’après le Dr Lannelli, le taux d'incidence annuel du PTI est estimé à 3,3 pour 100.000 adultes/an. Étant donné qu'il y a plus de 200 millions d'adultes aux États-Unis, on estime qu'environ seize adultes par jour reçoivent un diagnostic de PTI. Cela signifie que, sur une période donnée de trois jours – choisie parce que la femme du Dr Michael a déclaré que les symptômes de son mari ont commencé trois jours après qu'il ait été vacciné – on s'attendrait à ce qu'environ 48 adultes soient diagnostiqués comme étant atteints du PTI.

Avec le lancement des vaccins Covid-19, il est de plus en plus probable que ces personnes recevront leur diagnostic quelques semaines après avoir été vaccinées contre le Covid-19. Il est donc plus que probable que le diagnostic du Dr Michael, si peu de temps après la vaccination, soit une coïncidence.

Il faut cependant reconnaître qu'il est possible que la vaccination contre Covid-19 ait pu provoquer le grave PTI du Dr Michael. Le problème consiste alors à déterminer si son issue tragique est une coïncidence ou si elle est due au vaccin. Le cas du Dr Michael est, à l'heure actuelle, un évènement unique, ce qui rend impossible la démonstration du lien de causalité. Il est certain par contre que les essais cliniques des vaccins Pfizer/BioNTech10 et Moderna11n'ont détecté aucun signe de PTI, que ce soit sous forme d'hémorragie, de faible numération plaquettaire ou autre, dans les deux mois suivant la vaccination.

En fait, concernant le vaccin Pfizer, un décès dû à une attaque hémorragique était dans le groupe placebo. Étant donné qu'il y avait environ 44.000 sujets dans l'essai Pfizer/BioNTech et qu'aucun patient ne présentait de signes de PTI, nous pouvons raisonnablement conclure que, même si le vaccin Pfizer/BioNTech augmente le risque de PTI ou provoque le PTI, le risque doit être très, très faible.


Qu'est-ce qui pourrait amener des scientifiques à penser qu'il existe une association réelle entre la vaccination avec le vaccin Covid de Pfizer/BioNTech et le PTI ?

Le Dr Lannelli suggère une autre méthode :

«Mais comment en être sûr ? Les experts rechercheront des signaux de sécurité et s'assureront que l'incidence du PTI et d'autres affections ne dépasse pas les taux historiques. Par exemple, si nous constatons tout à coup que l'incidence du PTI atteint 6 ou 9 pour 100.000 adultes/an après avoir reçu un vaccin, ce serait le signe qu'il pourrait y avoir un problème. Mais pas quelques reportages dans les médias». 


Étant donné la faiblesse de l'incidence annuelle du PTI au départ – et compte tenu du fait que des dizaines de millions d'adultes seront vaccinés avec le vaccin Pfizer/BioNTech cette année – nous nous attendrions à une augmentation significative de l'incidence annuelle du PTI si ce vaccin augmentait réellement le risque de PTI. Pour en savoir plus sur la façon dont les scientifiques différencient la coïncidence de l'association réelle qui pourrait être causale lorsqu'ils étudient les effets indésirables après la vaccination, voici un bon début.

Et s'il existe réellement une association entre le vaccin Covid de Pfizer/BioNTech et le PTI ? Dans ce cas, nous savons que, pour que l'essai clinique de phase 3 l'ait manquée, l'incidence du PTI après la vaccination Covid doit être très, très faible. Cela impliquerait que, même s'il existe une telle association, il est beaucoup plus sûr de se faire vacciner que de prendre le risque d'attraper la Covid-19 – et, encore une fois, il ne s’agit que d’une seule histoire. 

Nous ne savons pas si le cas du Dr Michael, aussi tragique soit-il, indique même une cause potentielle. Il n'est cependant pas impossible que le PTI se produise après la vaccination contre la Covid-19 étant donné qu'une récente revue de la littérature11 a trouvé 45 cas de PTI d'apparition récente après une infection par la Covid-19. Trois d'entre eux se sont révélés être des exacerbations d'un PTI préexistant et ont été exclus, mais l'examen a également fait état d'un décès dû à une hémorragie intracrânienne, la même complication qui a coûté la vie au Dr Michael.

Il a également été noté que les hémorragies graves dues au PTI après une infection par la Covid-19 étaient rares, et par ailleurs que le diagnostic du PTI dans le cadre d'une infection par Covid-19 est difficile. En cause, l'incidence courante des troubles de la coagulation et de la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), qui peuvent également provoquer une déplétion plaquettaire. Il est clair que des études supplémentaires sont nécessaires et qu'une anecdote, même tragique, ne suffit pas pour tirer des conclusions.

Il est tout à fait compréhensible qu'Heidi Neckelmann ait cru que c'était le vaccin contre la Covid-19 qui avait tué son mari. Les humains sont, j'aime à le dire, des créatures à la recherche de modèles. Chaque fois qu'une chose horrible se produit il nous est indispensable d’en rechercher les causes. Et nous en trouvons généralement une, qu'elle soit la bonne, ou non.

Même si je suis désolé pour elle, j'aurais simplement aimé que Mme Neckelmann ne parvienne pas à la conclusion que c'était bien le vaccin Covid-19 qui a causé la mort de son mari. Qu'elle ne transforme pas cette tragédie – dans l'idée que la mort du Dr Mickael ne soit pas «vaine» – en un avertissement au monde entier.

Son post sur Facebook a donné au mouvement anti-vaccins et autres hurluberlus de la Covid-19 une puissante arme de propagande. Je le répète : je pense que je comprends pourquoi elle l'a fait, mais je le regrette profondément. Son message nuit déjà aux efforts déployés pour persuader les gens d'accepter de se faire vacciner contre la Covid-19, car les groupes d’anti-vaccins répandent allègrement cette histoire, et à très grande échelle.



Orac

«Orac est le pseudo d'un humble chirurgien/scientifique qui a un ego juste assez grand pour se laisser croire que quelqu'un, quelque part, pourrait avoir quelque chose à faire de ses copieux méandres verbaux, mais juste assez petit  pour s'avouer à lui-même que peu le feront probablement.


(Traduction Benoît Blanquart)



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Notes :

1- Un antinéoplasique et un adjuvant immunologique utilisé seul – dans la prise en charge de la leucémie à tricholeucocytes, du mélanome et du sarcome de Kaposi – ou, comme ici, en association.
2- La principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique.
3,4 - National Heart, Lung, and Blood Institute – Immune Thrombocytopenia
5,6 - Thrombocytopenia and ITP
7- MMR vaccine and idiopathic thrombocytopaenic purpura
8- Vaccination associated thrombocytopenic purpura in children
9- Can Vaccines Cause ITP?
10- Vaccines and Related Biological Products Advisory Committee December 10, 2020 Meeting Briefing Document - FDA
11- Vaccines and Related Biological Products Advisory Committee December 17, 2020 Meeting Briefing Document - FDA
12- Immune Thrombocytopenia Secondary to COVID-19: a Systematic Review