Le régime cétogène pour la sclérose en plaques

Les régimes cétogènes pourraient modifier la réponse immunitaire et ainsi modifier l'évolution de la SEP. Les expériences sur les animaux l’ont confirmé, mais qu'en est-il chez les humains ?

(Par la Dre Sophie Christoph)

Les régimes cétogènes pourraient modifier la réponse immunitaire et ainsi modifier l'évolution de la SEP. Les expériences sur les animaux l’ont confirmé, mais qu'en est-il chez les humains ?

Le surpoids est un facteur de risque connu de la SEP et l'alimentation est un facteur modifiable qui pourrait influencer la progression de la maladie. Des études récentes suggèrent un lien entre les habitudes alimentaires et le degré de handicap ou la gravité des symptômes1,2.
Dans une vaste étude transversale, la qualité de l'alimentation et un mode de vie actif ont également été associés à une réduction de la fatigue, de la dépression, de la déficience cognitive et de la douleur.

Source d'énergie alternative pour les neurones vulnérables

Les régimes cétogènes apportent beaucoup de lipides, peu de glucides et imitent donc un état de jeûne. Il se produit une modification du métabolisme de la production d'énergie : la  glycolyse est remplacée par la bêta-oxydation des acides gras comme source d'énergie primaire, produisant des corps cétoniques.

Voici quelques mécanismes essentiels, sur lesquels un régime cétogène pourrait avoir un effet favorable :
- moins de dérivés réactifs de l'oxygène sont formés;
- les corps cétoniques, qui sont transportés à travers la barrière hémato-encéphalique, régulent les voies de signalisation des antioxydants et augmentent la production d'énergie dans le tissu cérébral;
- des études récentes chez l'animal et l'homme ont montré que les régimes cétogènes réduisent les biomarqueurs inflammatoires dans le sang et dans le liquide céphalorachidien.

Dans le modèle murin de l'encéphalomyélite auto-immune expérimentale, un régime cétogène a entraîné l'inversion du handicap moteur, une amélioration de l'apprentissage et de la mémoire, une augmentation du volume hippocampique et une remyélinisation des lésions périventriculaires3. Cela a été associé à la suppression de la production de cytokines inflammatoires et à une augmentation des processus de réparation neuronale.

Un régime cétogène diminue la fatigue, la dépression et la prise de poids chez les patients atteints de SEP

Les résultats d'une étude pilote2 menée auprès de 20 patients atteints de SEP récurrente-rémittente ont été publiés en juillet 2019 dans Neurology, la revue de l'American Academy of Neurology. L'adhésion à un régime d'Atkins modifié a été vérifiée par un test quotidien de cétone dans l'urine. Après 6 mois, la graisse corporelle et l'IMC ont diminué (p < 0,0001) et les scores se sont améliorés pour la fatigue (p = 0,002) et la dépression (p = 0,003). Après 3 mois, les concentrations de leptine dans le sérum (une adipokine pro-inflammatoire) ont diminué significativement (p < 0,0001).

Le régime cétogène améliore également la composante neurodégénérative de la SEP

Il est de plus en plus évident que la neurodégénérescence joue un rôle important dans la SEP en plus de la neuroinflammation, même s'il n'existe pas de consensus quant à savoir si la neurodégénérescence déclenche une inflammation, ou l’inverse, ou si les deux mécanismes se développent parallèlement.

Le dysfonctionnement mitochondrial semble être au cœur de la composante neurodégénérative de la pathogenèse de la SEP. Il en résulte une moindre disponibilité de l’ATP, ce qui pourrait favoriser l'atrophie et la dégénérescence axonale. Des études in vitro et sur l’animal ont montré qu'un régime cétogène améliore la fonction mitochondriale. Il favorise ainsi la survie axonale :
en soutenant la production d'ATP et la biogénèse mitochondriale,
en contournant les processus perturbés dans les mitochondries,
en augmentant les niveaux d'antioxydants,
en réduisant les dommages moléculaires induits par le stress oxydant.4

Normalisation du microbiome perturbé par la SEP sous régime cétogène

Plusieurs études ont fait état de la diversité des bactéries intestinales et de leurs concentrations significativement différentes chez les patients atteints de SEP, ainsi que de de leur influence sur la régulation immunitaire. Après environ 3 mois de régime cétogène, une amélioration a été constatée chez ces mêmes patients5. Il existe à ce jour peu de preuves chez l’être humain, nous attendons donc avec impatience d'autres études, plus vastes et plus contrôlées.

Références :
1. Fitzgerald, K. C. et al. Diet quality is associated with disability and symptom severity in multiple sclerosis. Neurology 90, e1–e11 (2018).
2. Brenton, J. N. et al. Pilot study of a ketogenic diet in relapsing-remitting MS. Neurol Neuroimmunol Neuroinflamm 6, (2019).
3. Kim, D. Y. et al. Inflammation-mediated memory dysfunction and effects of a ketogenic diet in a murine model of multiple sclerosis. PLoS ONE 7, e35476 (2012).
4. Storoni, M. & Plant, G. T. The Therapeutic Potential of the Ketogenic Diet in Treating Progressive Multiple Sclerosis. Mult Scler Int 2015, 681289 (2015).
5. Swidsinski, A. et al. Reduced Mass and Diversity of the Colonic Microbiome in Patients with Multiple Sclerosis and Their Improvement with Ketogenic Diet. Front Microbiol 8, 1141 (2017).