Le guide du médecin - Episode 3 : le saignement

Il y a les cours de médecine. Et puis il y a la pratique. Après 40 années sur le terrain, le Dr. Bernard Maroy distille quelques conseils avisés pour les futurs médecins.Dans l'épisode d'aujourd'hui, le saignement.

Dans le diagnostic patient, une composante fait parfois son apparition et nécessite un examen attentif : le saignement. Selon sa localisation et son aspect, il indique des pathologies différentes.

Par la bouche, le jour, rouge-marron, peu abondant, sans nausées ni toux : hémosialie sans importance, souvent associée à la dépression, mais attention : faire un examen ORL, surtout si le patient présente un terrain alcoolo tabagique ou  si son âge dépasse les 40 ans.

Si le saignement survient la nuit, de façon asymptomatique, marron : c’est un reflux gastro-œsophagien (RGO).

Rouge vif, le plus souvent peu abondant, ce saignement sera d’origine œsophagienne ou cardiale, type RGO ou, après efforts de vomissements un Mallory-Weiss bénin, comme cela est la règle.

Noirâtre sans méléna, c’est une œsophagite.

Noirâtre avec méléna, c’est une origine œsophagienne, type VO, ou, gastrique ou duodénale, avec un débit moyen.

Rouge avec du sang rouge à l’anus, sans caillot, c’est une origine oeso-gastro-duodénale à fort débit, type artériel ou VO. Sandostatine, érythromycine, gastroscopie d’hémostase dès le déchocage intensif avec chirurgie ou embolisation (si elle est disponible) immédiate en cas d’échec.

Si le saignement se prononce par l’anus, rouge, bas, sans caillot : éliminer en premier une origine haute par une gastro urgente. Si caillots ou gastro négative, origine colique probable : gastro puis colo urgente après qqs l de PEG.

Noir ou brun, mélangé aux selles, il s’agira a priori d’une colique, mais il est important de toujours faire une gastro avant, car c’est la récidive du saignement haut qui tue.

Rouge, mélangé aux selles normales, avec ou sans caillots, origine colique distale, type diverticules.

Glaires rouges : certainement rectocolique organique, inflammatoire ou tumorale : colo. Glaires claires : a priori fonctionnel si irrégulier, mais possible villeuse.

Suivant la selle, coulant dans la cuvette, indolore, abondant : hémorroïdes, mais une colo sera nécessaire si le patient dépasse les 45 ans. Coulant spontanément dans le slip : origine canalaire basse, type thrombose ulcérée.

Si le saignement est peu abondant, avec douleur brûlante suivant la selle : fissure anale.

Sang type hémorroïdaire sans anomalie importante à l’anuscopie : faire pousser accroupi sur la table : soit issue de gros paquets méconnus en genu-pectoral, soit issue d’un prolapsus rectal en trompe striée transversalement.

L’anuscopie après émission de sang avant la selle suivante est très discriminative : pas de sang : origine anale très probable. Sang rouge : origine d’amont très probable. Sang brun : origine d’amont certaine.

S’il n’y a toujours rien, avant tout traitement, demander au patient de serrer l’anus en s’essuyant (seulement 2 fois). Il s’agit d’un anus victime, le sang s’arrête en traitant la cause. A noter que ces essuyages compulsifs s’intègrent souvent dans une dépression.

Pendant l’anuscopie, toujours regarder le bas rectum et ce qu’il contient et faire pousser avec l’extrémité à la jonction anorectale pour apprécier un prolapsus recto anal, éventuellement responsable de saignement ou de dyschésie. En cas de doute sur un prolapsus rectal faire pousser accroupi.

Un bon examen clinique rend inutile de nombreux examens complémentaires et, en procto, je n’en fais pratiquement jamais.

Des troubles multifocaux répondent à une cause générale, organique ou fonctionnelle.

Comment déterminer une anomalie martiale :

La ferritine est peu sensible et peu spécifique. J’ai toujours préféré doser le fer, toujours avec la saturation. Fer bas et sidérophiline augmentée carence certaine. Fer bas et sidérophiline normale : habituellement carence et inflammation. Fer bas, sidérophiline basse = inflammation ou insuffisance hépatocellulaire. Si la ferritine est basse ou normale avec une inflammation : carence. Si elle est haute, carence possible si cause d’augmentation associée, habituellement l’inflammation : faire les récepteurs solubles de la transferrine.

Pour une surcharge, préférer, là encore, le fer et, encore plus, la saturation qui permet de prévoir un dépôt tissulaire de fer libre très toxique. L’augmentation de la ferritine a de nombreuses autres causes, ne serait-ce que l’inflammation et la résistance à l’insuline. Elle n’a pour intérêt que de préciser l’indication d’une pbf si elle est > 1 000.

Ne jamais oublier qu’une anémie relève toujours d’une cause, qu’elle soit aiguë (méloena ?) ou chronique. Si elle est ferriprive : valeur de l’augmentation de la sidérophiline ; il faut trouver la cause du manque de fer : femme jeune : a priori gynéco, stopper les règles et voir si le fer remonte, grossesses multiples, régime extravagant, voire pica ; dons du sang : bilan et le suspendre ; homme ou femme ménopausée : endoscopie haute avec biopsies de D1, D2 et D3. Biopsier aussi le fundus, mais l’atrophie est alors macroscopiquement évident, associé à une colo.

La cause numéro 1 de la carence en fer à partir de 50 ans est le cancer du côlon droit, il ne faut jamais l’oublier.