Le dépistage du risque cardiaque chez les jeunes joueurs de football (Au cœur du stade 2/2)

Angleterre-France... Côté ballon rond, une étude britannique de grande ampleur s'est intéressée au dépistage du risque cardiaque chez les jeunes joueurs de football. Un risque 3 fois plus élevé qu’on ne le pensait jusqu'alors.

En Angleterre : l’intérêt du dépistage cardiaque

Une étude britannique publiée en 2018 dans le New England Journal of Medicine rapportait que les risques cardiaques pour les jeunes sportifs sont 3 fois plus importants que l’on ne le pensait auparavant.

L'English Football Association a rendu obligatoire le dépistage cardiaque pour tous les joueurs adolescents dès 1997. Pendant 20 ans, les chercheurs ont donc pu suivre 11 168 joueurs âgés de 16 à 17 ans, dépistés au moyen d'un questionnaire de santé, d'un examen physique, d'un ECG à 12 dérivations et d'une échocardiographie. 8 sont décédés pendant cette période. Pour 6 d’entre eux, le dépistage n’avait rien révélé. Les 2 autres présentaient une hypertrophie cardiaque qui avait été diagnostiquée et s’étaient vus recommander, en vain, de ne pas pratiquer d’activité sportive intense.

Dépister et traiter pour revenir sur les terrains

Sur les 42 joueurs (0,38 %) pour lesquels un problème cardiaque a été détecté, seulement 3 présentaient des symptômes, et auraient pu être identifiés sans dépistage systématique. Le dépistage a révélé un syndrome de Wolff-Parkinson-White chez 26 personnes, des anomalies des artères coronaires et des anomalies valvulaires graves, toutes opérables, chez 4 autres. Toutes ces personnes ont pu être traitées. Au final, 31 personnes ont ainsi pu rechausser les crampons. 

Pour le Pr Sharma « Cette étude a démontré que la probabilité d’un arrêt cardiaque sur un jeune footballeur est de 1 sur 14 700 par an, ce qui représente au moins 3 fois le taux estimé auparavant ». Une incidence très supérieure à celle précédemment avancée par l’American Heart Association (AHA) qui la situait entre 1 sur 50 000 et 1 sur 200 000.  « 70 % des personnes qui ont été détectées et traitées ont pu reprendre l’activité sportive » a ainsi pu constater le Pr Sanjay Sharma. Mais l’intérêt d’un dépistage précoce est pourtant débattu, notamment aux USA. Si l’AHA recommande l'anamnèse familiale et l'examen physique pour dépister les maladies cardiaques congénitales et génétiques chez les jeunes de 12 à 25 ans, elle n’est pas favorable à l’ECG systématique.

Impact de l’étude

Unanimement saluée pour son sérieux et son ampleur, cette étude a incité l’English Football Association à étendre le suivi aux les jeunes de 18, 20 et 25 ans. Le Dr Kimberly G. Harmon (University of Washington Seattle) a quant à elle déclaré que l'Université de Washington a depuis modifié sa politique de dépistage des athlètes.

Un dépistage controversé

Mais pour le Dr Matthew W. Martinez, président de la section des sports et de l’activité physique de l'American College of Cardiology (ACC), « Même si vous faites un électrocardiogramme, il y aura toujours des diagnostics manqués, et même si vous y ajoutez une échographie. » Il estime que cette étude ne suffira pas à modifier les recommandations de l’AHA et de l'ACC. Le Dr Benjamin Levine (University of Texas Southwestern Medical Center, Dallas), qui s'oppose depuis longtemps au dépistage obligatoire des athlètes, est plus direct : « Le principal point à retenir est que je ne sais absolument pas si les procédures qui ont été mises en place ont aidé qui que ce soit. »

Un argument majeur contre tout type de dépistage généralisé est le coût. Les chercheurs britanniques estiment que le dépistage des 11 168 athlètes a coûté 3,8 millions de dollars, plus 499 531 $ pour la poursuite de l'enquête sur 830 athlètes, pour un coût total de 4,3 millions de dollars. Au final, le dépistage d’un trouble cardiaque a été estimé à 16 167 $ et celui d’une pathologie susceptible de provoquer un arrêt cardiaque à 102 782 $.

Un coût élevé alors qu’aux États-Unis l’arrêt cardiaque soudain (Sudden cardiac arrest) est généralement considéré comme étant un événement rare. Le Dr Harmon souligne que ceci est peut-être dû au fait que les données sur son incidence sont très pauvres.

Perpectives

Au fil de l’étude, le Pr Sharma a constaté que « L'incidence de mort cardiaque subite chez les joueurs de football blancs était de 1 sur 25 000, mais que celle chez les joueurs noirs était de 1 sur 4 000, soit six fois plus élevée. » Très préoccupés par cette statistique, il souhaite maintenant que son équipe en étudie les causes afin d’identifier les personnes les plus exposées au risque de mort subite.

Source :
Outcomes of Cardiac Screening in Adolescent Soccer Players
N Engl J Med 2018; 379:524-534 DOI: 10.1056/NEJMoa1714719