« L'armée des 12 singes » et la réalité des pandémies
« L'armée de 12 singes » et la réalité des pandémies. Le chef-d'œuvre dystopique de Terry Gilliam raconte l’histoire d’un virus mortel pour l’humanité. Il permet de réfléchir à la manière dont l’imaginaire cinématographique et l’histoire réelle des pandémies s’entremêlent.
« L'armée de 12 singes », le film qui a (presque) prédit l’avenir
Nous sommes en 2035. Un terrible virus apparu en 1996 a décimé la quasi-totalité de la population mondiale. Les humains survivants vivent sous terre et cherchent une solution pour rendre la Terre à nouveau habitable. James Cole (Bruce Willis), un prisonnier, est envoyé dans le passé dans l'espoir de trouver un antidote à la maladie. À cause d’une erreur, il arrive à une mauvaise époque et se retrouve enfermé dans un asile. Il y rencontre la psychiatre Kathryn Railly (Madeleine Stowe) ainsi qu’un militant animaliste un peu fou, Jeffrey Goines (Brad Pitt). Il finit par atteindre 1996, l’année où l’épidémie a commencé. Nous n'en dirons pas plus sur l'intrigue : regardez le film si vous ne l'avez pas encore vu, ou revoyez-le si vous le connaissez déjà.
Virus : entre réalité et fiction
Le film est centré sur la pandémie, considérée comme la conséquence d'un acte humain : un virus a été délibérément libéré. L’allusion au bioterrorisme est claire. Dans les années 1990 si la menace d’un virus créé ou diffusé intentionnellement relevait de la science-fiction aux yeux du grand public, le sujet faisait déjà l’objet de discussions sérieuses dans les milieux scientifiques et politiques.
En 1994, l’Organisation mondiale de la santé a publié un document (Public health response to biological and chemical weapons) répertoriant les agents biologiques potentiellement utilisables comme armes – dont l’anthrax, la variole et la peste – en insistant sur la nécessité de s’y préparer. Aux États-Unis, les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) créèrent une division dédiée à la préparation face aux menaces biologiques, pour anticiper les scénarios de bioterrorisme. L’année de la sortie du film de Gilliam, 1995, fut marquée par l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo. Il fut perpétré par la secte Aum Shinrikyo, qui avait déjà tenté de développer des armes biologiques à base d’anthrax et d’Ebola. L’imaginaire cinématographique et les peurs géopolitiques ont donc suivi des trajectoires parallèles, s’alimentant mutuellement.
Les années suivantes ont montré combien la réalité pouvait ressembler à la fiction :
- En 1997, une épidémie de grippe aviaire en Asie, causée par le virus H5N1, a fait naître pour la première fois dans l'histoire moderne la crainte d'une pandémie hautement mortelle. Bien que la transmission interhumaine soit restée limitée, le taux de mortalité de plus de 50 % dans les cas recensés a attiré l'attention du monde entier.
- Quelques années plus tard, en 2003, le SRAS est apparu, causé par un coronavirus qui s'est rapidement propagé de la Chine à d'autres pays, avec environ 8 000 cas et près de 800 décès. C'était la première fois que l'OMS lançait une alerte sanitaire mondiale en temps réel, testant des stratégies de confinement.
- En 2009, avec la grippe A(H1N1), une véritable pandémie grippale a touché des millions de personnes dans le monde. Bien que moins mortelle que ce que l'on craignait initialement, elle a mis en évidence les limites des systèmes de santé et la difficulté d'équilibrer la communication des risques.
- Entre 2014 et 2016, l'Afrique de l'Ouest a été le théâtre de la plus grave épidémie d'Ebola jamais enregistrée. Plus de 28 000 cas et plus de 11 000 décès ont mis en évidence la fragilité des structures sanitaires locales, mais aussi la nécessité d'une réponse internationale rapide. L'impact émotionnel et médiatique a été énorme, influençant une fois de plus la culture populaire et l'imaginaire autour de ce virus mortel.
- Enfin, la pandémie de COVID-19, qui a explosé en 2020, a représenté un véritable tournant. En quelques mois seulement, le SARS-CoV-2 s'est propagé à l'échelle mondiale, entraînant des confinements sans précédent, des millions de victimes et un impact profond sur tous les aspects de la vie sociale et économique.

Capture d'écran du film « 12 Monkeys ». Droit d'auteur : Universal Pictures / Terry Gilliam
Leçons tirées de la fiction et de la réalité
Le film de Gilliam dépeint un monde rendu inhabitable à cause d'un virus délibérément propagé. La réalité a montré qu'aucune action délibérée n'est en réalité nécessaire pour provoquer un effondrement : l'évolution naturelle d'un agent pathogène dans un contexte mondial interconnecté suffit. Si « L'armée de 12 singes » exagère l'aspect apocalyptique, les expériences réelles nous ont appris qu'entre l'alarmisme médiatique, les incertitudes scientifiques et les politiques sanitaires, la frontière entre réalité et imagination est ténue.
Les pandémies réelles n'ont pas besoin de voyages dans le temps ni d'organisations terroristes : elles sont le résultat de la rencontre entre l'homme, la nature et la mondialisation. La préparation, la recherche scientifique et la coopération internationale restent les véritables antidotes, et peut-être la seule forme de « machine à remonter le temps » qui nous permette d'envisager l'avenir avec plus de lucidité.
L’avenir des pandémies : comment s’y préparer ?
Nous sommes certains que la pandémie de COVID-19 ne sera pas la dernière urgence sanitaire mondiale. Des études scientifiques suggèrent que la modification des écosystèmes induite par le changement climatique pourrait augmenter les risques de nouvelles épidémies. Par conséquent, se préparer à de futures pandémies est non seulement essentiel, mais aussi urgent. Comment pouvons-nous, en tant que société mondiale, nous préparer au mieux à la prochaine pandémie ?
La première étape consiste à surveiller de près les agents pathogènes les plus préoccupants. La liste des pathogènes les plus dangereux est toujours dominée par ceux qui se transmettent par voie aérienne – comme les virus de la grippe et les coronavirus – en raison de leur capacité à se propager rapidement et à générer de nouvelles variantes létales. Même si la probabilité de nouvelles pandémies est élevée, certaines stratégies peuvent être mises en place dès maintenant. Le renforcement des systèmes mondiaux de surveillance reste une priorité absolue. Parallèlement, les infrastructures de santé doivent être renforcées, la recherche sur les vaccins et les antiviraux accélérée, et la coopération internationale rendue plus solide et plus transparente.
Un autre défi, tout aussi décisif, est la lutte contre la désinformation, qui, durant le COVID-19, a miné la confiance du public et affaibli l’efficacité des mesures de santé publique. Bien que la préparation aux pandémies soit un effort mondial, les individus ont également un rôle à jouer. S’informer par des canaux officiels, soutenir les politiques fondées sur la science, se faire vacciner et promouvoir le financement de la santé publique peuvent contribuer à un avenir plus sûr. La prochaine pandémie n’est pas une question de si, mais de quand. Mais avec de la prévoyance, des investissements et de la coopération, nous pouvons être prêts et sauver des millions de vies.
- Zoppello G. 12 Monkeys : quand Terry Gilliam prédisait notre avenir. Everyeye. 5 janv. 2021.
- Parrino F. 12 Monkeys | Bruce Willis, prophéties et la pandémie de Terry Gilliam. Hot Corn. 6 mars 2023.
- Università della Svizzera italiana. The future of pandemics: how can we prepare? USI – Institutional Communication Service. 23 juin 2025.
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12 Monkeys. Wikipedia. Consulté en août 2025.