La vaccination en France : point sur la situation post-covid avec le LEEM

Interview : De nouvelles façons de coopérer, des campagnes déployées plus largement. Retour sur ce que la crise de la Covid a changé pour la vaccination avec le comité vaccin du LEEM.

La pandémie semble avoir fait évoluer très rapidement l’industrie du vaccin. Que pouvez-vous nous en dire ?

Je pense que toutes les pandémies ont fait évoluer l'industrie du vaccin mais celle-là tout particulièrement, car l'ampleur de la crise a appelé à des transformations plus profondes encore.

La première chose, je pense, c'est qu'il y a eu une reprise de conscience pour tous les acteurs de l'importance stratégique des vaccins. La vaccination était devenue un peu une routine, un acquis. Elle n'était plus vraiment en première ligne. La vaccination des nourrissons était certes dans le radar des parents et pédiatres, mais ce n’était pas forcément le cas de la vaccination en général, notamment pour les publics les plus fragiles comme les personnes âgées.

Au début, la crise sanitaire a eu un impact négatif sur la couverture vaccinale. Le confinement, les contraintes logistiques et la situation sanitaire plus globalement ont d’abord éloigné les Français de la vaccination. Très vite cependant, elle a entraîné une réaction forte et les autorités se sont clairement positionnées en faveur de la vaccination.

Il y a aussi de nouveaux acteurs qui sont montés en puissance à cette période. Les médecins généralistes ont occupé, bien sûr, une place clé, notamment pour conseiller les patients, mais les infirmiers et surtout les pharmaciens se sont eux aussi retrouvés en première ligne. Ils se sont imposés comme des acteurs incontournables.

Qu’en est-il de l’innovation ?

Il y a eu une accélération de l'innovation et l'émergence de nouvelles technologies, c’est sûr, avec notamment une avancée majeure pour les vaccins à ARN messagers. D'autres technologies, comme la protéine recombinante se sont aussi développées pendant cette période.

Ce qui est très important de souligner aussi, c’est que les entreprises du médicament et les autorités ont trouvé de nouvelles façons de travailler pendant la crise de la Covid et ça aussi c’est de l’innovation. Les Français ont retenu que tout est allé très vite pour développer des vaccins contre la Covid et c’est vrai. Mais, il faut le dire et insister sur ce point, il n’y a pas eu de baisse des niveaux d'exigence quant aux essais cliniques, aux contrôles qualité et à la sécurité.

Ce sont de nouvelles façons de fonctionner qui ont permis à l'industrie et à l'administration d’avancer en parallèle, sans perdre de temps. Il y a eu un partage des données au fur et à mesure, leur examen en continu et leur évaluation en temps réel. C’est ce qu’on appelle la procédure de « Rolling Review ». Tout cela a permis d’aller plus vite au moment de la décision sur l'enregistrement. Ce sont des avancées très positives qu'il faut conserver ! Et il y en a d’autres, que l’on pourrait encore développer. Comme le fait travailler sur les différents jalons de mise à disposition du vaccin et de remboursement très tôt, en parallèle de la procédure d’enregistrement.

Ces nouvelles modalités d’interactions beaucoup plus agiles ne peuvent apporter que des bénéfices pour le patient et pour la société en général. Parce qu'aller plus vite sur la mise en place d'un programme de vaccination - quand le vaccin a démontré son efficacité et sa sûreté – ce sont des vies sauvées, des hospitalisations évitées. Les bénéfices d’une procédure rapide sont immenses pour notre système de santé. Un autre progrès majeur à ce sujet a été la création de la Taskforce interministérielle dont on a beaucoup parlé. Le LEEM souhaiterait d’ailleurs systématiser le principe du guichet unique, afin de réunir l’ensemble des acteurs de la vaccination à la manière de la Taskforce Covid.

En termes de déploiement, quels nouveaux outils ont été développés pour améliorer la couverture vaccinale ?

La couverture vaccinale est beaucoup plus monitorée qu’avant. Les commandes de vaccins se sont centralisées. La prise de conscience des autorités post-covid est déjà visible dans la préparation des campagnes de vaccination hivernale. C’est très bien car c’est maintenant qu’il faut capitaliser sur ces acquis de la crise.

Il y a de véritables révolutions qui ont eu lieu pendant la Covid pour engager le patient. Sur les prises de rendez-vous vaccination par exemple, avec des sites comme Doctolib”. “Mon espace santé” avait, pour sa part, des fonctionnalités qui permettaient de rappeler les recommandations vaccinales de façon ciblée, en fonction de l’âge du patient.

Il y a aussi eu énormément de communication pour expliquer la vaccination. Cela a permis aux citoyens de comprendre son intérêt et 92% de la population française a été se faire vacciner contre la Covid ! Bien sûr, le « pass vaccinal » et la grande mobilisation des professionnels de santé et acteurs paramédicaux ont contribué à ce que les gens aillent se faire vacciner. Mais, les études au niveau européen montrent qu’en ce qui concerne l’hésitation vaccinale, la France ne s’en sort pas si mal. On est dans la moyenne, on n'est pas dans la tête de classe, mais on a plutôt gagné des points pendant la Covid. Donc, cette hésitation vaccinale on en parle beaucoup, parce qu'on parle tout le temps en France des gens qui râlent en omettant ceux qui avancent, mais la réalité est qu’aujourd'hui, on a une adhésion à la vaccination post-Covid qui est meilleure qu’en période pré-Covid.

Est-ce qu'il y a déjà des exemples français de vaccins post-Covid qui ont pu être développés ou se déployer très rapidement ?

C’est au niveau mondial que la recherche est en ébullition. Il n’y a pas d'industriel qui développe un vaccin pour la France ou un vaccin pour la Belgique, etc. Les vaccins se font à l'échelle mondiale. Donc, il y a des industriels qui ont de la R&D en France, d'autres qui en ont dans d'autres pays. Mais il y a des recherches dans tellement de domaines qu’il est impossible de répondre avec un exemple.

Le pipeline de nouveaux vaccins est énorme, bien plus large qu’avant la Covid. Il y a de nouveaux vaccins pour certains cancers, pour des formes de récidives de cancers. Il y a l'élargissement du spectre de certains vaccins existants pour les bébés. Vous avez des recherches qui portent sur des maladies de l'adulte, sur la personne âgée, sur le voyageur… Il y a de nouveaux vaccins pour prévenir ou même traiter des pathologies sur lesquelles il n’existe pas encore de traitement ou de prévention efficace. Selon Vaccine Europe, près de la moitié des vaccins en développement ciblent des pathologies sur lesquelles il n’existe aucun vaccin actuellement.

En ce qui concerne le déploiement sur le terrain pour les vaccins déjà sur le marché, vous voyez bien, ne serait-ce que dans la coordination des campagnes de vaccination classiques  que l’on va beaucoup plus loin et beaucoup plus vite qu’avant. On le voit avec la vaccination HPV en classe de cinquième portée par le président de la république et avec la vaccination pré-hivernale qui s'accélère. Il y a plus de structure et plus d'agilité. On a un problème de taux de couverture avec la vaccination des adolescentes contre le HPV, on cherche des solutions. Est-ce que cela fonctionne ? On fera le bilan dans quelques mois, en ayant un peu de recul. Mais quoi qu’il en soit, il y a une volonté de remettre la vaccination au niveau où elle doit être d'un point de vue de la santé publique.

Qu’en est-il de la pharmacovigilance ?

Je dirais que sur la partie pharmacovigilance, il n'y a pas de différence entre la période pré-Covid et post-Covid, dans le sens où les vaccins Covid ont bénéficié exactement du même suivi de pharmacovigilance que n’importe quel autre vaccin. Donc tous les événements indésirables sont rapportés, déclarés, enregistrés. Toutes les entreprises du vaccin travaillent en collaboration étroite avec les autorités pour suivre et évaluer les rapports des faits indésirables.

Après, ce sur quoi il faut insister, c'est qu'à partir du moment où un vaccin a obtenu une AMM, on sait qu'on a beaucoup plus de risques d'avoir une maladie si on ne se fait pas vacciner que d'avoir des risques d'effets indésirables en se faisant vacciner. C'est important quand même de bien le mentionner. La pharmacovigilance, la vaccinovigilance sont extrêmement robustes. Et justement, on a démontré dans la gestion de la Covid, avec des volumes considérables, qu'on était capable de suivre ces effets de pharmacovigilance avec succès, et de rassurer la population.

Pour conclure, quelle place ont selon vous les médecins dans la vaccination ?

Les médecins sont toujours les référents de la vaccination : ce sont eux qui restent en première ligne pour la recommandation, même si maintenant l’administration et la prescription des vaccins peuvent être gérées par d’autres professionnels de santé (N.B. Pharmaciens d’officine, sage-femmes et infirmiers). Leur rôle est absolument clé en termes d’information. Ce que l’on remarque, c’est qu’ils se renseignent beaucoup plus, se documentent davantage. Ils discutent aussi. Le sujet de la vaccination est redevenu de grande importance alors qu’il était passé en deuxième, voire troisième plan dans les priorités. C’est le cas pour les médecins, mais aussi pour l’assurance maladie, la direction générale de la santé, le ministre de la santé, pour tout l'écosystème en réalité.

Si vous souhaitez aller plus loin, le LEEM a publié une Plateforme de recommandations pour placer le vaccin au cœur de la politique de prévention. Voici aussi le Rapport de Vaccine Europe sur le pipeline des vaccins en cours de développement.