La moitié des médicaments courants affectent profondément le microbiome intestinal

IPP, Metformine, antibiotiques, antidépresseurs… 18 catégories de médicaments couramment utilisées affectent considérablement la structure et le métabolisme du microbiome intestinal. Huit d'entre elles augmentent les mécanismes d’antibiorésistance.

IPP, Metformine, antibiotiques, antidépresseurs…
Une étude présentée ce 23 octobre lors de l’UEG Week 2019 a montré que 18 catégories de médicaments couramment utilisées affectent considérablement la structure et le métabolisme du microbiome intestinal1. Huit catégories de médicaments ont également augmenté les mécanismes d’antibiorésistance.

Le microbiote intestinal

Il contient des dizaines de billions de microorganismes, dont au moins 1 000 espèces différentes de bactéries connues. Il est influencé par un certain nombre de facteurs, dont les médicaments. Depuis 15 ans, de nombreuses études ont fait état de modifications dans le microbiote intestinal au cours non seulement de l'obésité, du diabète et des maladies du foie mais aussi du cancer et des maladies neurodégénératives2.

L'étude

Les chercheurs du Centre médical universitaire de Groningue et du Centre médical universitaire de Maastricht ont examiné 41 catégories de médicaments d'usage courant. Ils ont ensuite évalué 1 883 échantillons fécaux provenant d'une cohorte répartie en trois groupes : population générale, patients atteints de MICI ou du syndrome du côlon irritable (SCI), groupe mélangé. 

Les chercheurs ont comparé le microbiote des utilisateurs de ces médicaments et des non-utilisateurs, en examinant l'effet de la consommation soit d'un seul médicament soit d’une combinaison d’entre eux. Ils en concluent que les modifications du microbiote observées pourraient augmenter le risque d'infections intestinales, d'obésité et d'autres maladies et troubles graves qui lui sont liés.

Des médicaments très courants

Les catégories de médicaments qui ont le plus d'impact sur le microbiome : 

Utilisés pour traiter la dyspepsie qui touche entre 11 % et 24 % de la population européenne3, ils sont également utilisés pour traiter l'ulcère gastro-duodénal, le reflux gastrique et l'œsophage de Barrett.

Utilisée comme traitement du diabète de type 2, qui affectant 10 % des adultes européens.4

Utilisés pour traiter les infections bactériennes, ils sont consommés par 34 % de la population européenne chaque année.5

Utilisés pour traiter la constipation qui affecte 17 % des adultes européens.6

Le microbiote intestinal des utilisateurs d'IPP présentait une abondance accrue de bactéries du tractus gastro-intestinal supérieur et une production accrue d'acides gras, tandis que les utilisateurs de metformine présentaient des concentrations plus élevées de la bactérie Escherichia coli, potentiellement nocive.

Les chercheurs ont également constaté que sept autres catégories de médicaments étaient associées à des changements importants dans les populations bactériennes de l'intestin. L'utilisation de certains antidépresseurs (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine - ISRS) par les personnes atteintes du SCI était associée à une abondance de l'espèce bactérienne potentiellement nocive Eubacterium ramulus.

L'utilisation de stéroïdes oraux a quant à elle été associée à des niveaux élevés de bactéries méthanogènes qui ont été associés à l'obésité et à une augmentation de l'IMC.

Le chercheur principal Arnau Vich Vila en conclut : « Nous savons déjà que l'efficacité et la toxicité de certains médicaments sont influencées par la composition bactérienne du tractus gastro-intestinal et que le microbiote intestinal a été associé à de multiples problèmes de santé ; il est donc crucial de comprendre quelles sont les conséquences de l'utilisation de médicaments dans le microbiome intestinal.
Nos travaux soulignent l'importance de tenir compte du rôle du microbiote intestinal dans la conception des traitements et soulèvent également de nouvelles hypothèses qui pourraient expliquer certains effets secondaires associés à l'utilisation de médicaments.
 »

Arnau Vich Vila est un biologiste spécialisé dans l'étude du microbiote intestinal humain. Il termine actuellement son doctorat sous la supervision du professeur Rinse K. Weersma au département de gastroentérologie et d'hépatologie du centre médical universitaire de Groningen.
Ses recherches portent sur le rôle du microbiote intestinal dans les maladies gastro-intestinales et l'impact des facteurs environnementaux sur l'écosystème intestinal.

Références :
1. Vich Vila, A. et al., 2019. Impact of 41 commonly used drugs on the composition, metabolic function and resistome of the gut microbiome. Presented at UEG Week Barcelona October XX, 2019.
2. Cani PD., Human gut microbiome: hopes, threats and promises Gut 2018;67:1716-1725.
3. World Journal of Gastroenterology. 2006. Epidemiology of functional dyspepsia: A global perspective. [ONLINE] Available at: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4130971/.
4. WHO Europe (2019) Diabetes: Data and statistics, Available at: http://www.euro.who.int/en/health-topics/noncommunicable-diseases/diabetes/data-and-statistics European Commission. 2016.
5. Special Eurobarometer 445: Antimicrobial Resistance. European Commission; Brussels, Belgium.
6. Peppas, George, et al., 2008. "Epidemiology of constipation in Europe and Oceania: a systematic review." BMC gastroenterology 8.1: 5.