La « cup », une protection de santé publique

Dans les pays en développement, la coupe menstruelle pourrait détrôner les produits d'hygiène traditionnels dans les campagnes de santé publique. Une étude d'envergure a analysé la perception et les retours d’expérience de cette alternative peu connue. L'enjeu : améliorer la scolarisation et la sécurité des femmes.

Dans les pays en développement, la mise à disposition d’un produit d’hygiène menstruelle adapté aux ressources et conditions de vie est indispensable, notamment pour garantir l’accès des filles à une scolarisation régulière. Une étude1 d'envergure publiée dans The Lancet a analysé les retours d’expérience et la perception d’une solution peu connue : la coupe menstruelle. Efficacité, innocuité, coût… Cette alternative aux produits jetables pourrait les détrôner dans les campagnes de santé publique.

En 2017, environ 26 % de la population mondiale était directement concernés par les menstruations. Presque deux milliards de femmes y ont consacré en moyenne 65 jours par an. Dans les pays confrontés au manque d’infrastructures sanitaires ou d’installations pour évacuer les déchets, l’impact des règles est conséquent : incidence sur la scolarité ou l’emploi, relations sexuelles « consenties » pour pouvoir financer l’achat des produits d’hygiène, etc.

Manquer l’école plusieurs jours par mois, c’est une réalité pour 10 % des filles scolarisées en Afrique subsaharienne 2. La peur des fuites et de l’humiliation est d’autant plus rédhibitoire pour celles qui sont contraintes d’utiliser de vieux chiffons ou des journaux.

Plusieurs pays en développement ont pris conscience de cet enjeu et décidé de fournir des produits menstruels pour permettre la scolarisation des filles. Ce sont les produits menstruels à usage unique qui sont utilisés dans le cadre de ces programmes.

La « cup »

Bien que disponibles dans le monde entier, la coupe menstruelle (ou « cup ») est une alternative peu connue. Les résistances culturelles sont fortes. Cette étude avait donc pour but de fournir des données sur l'acceptabilité et l'innocuité des coupelles menstruelles mais également sur leur coût et l’impact environnemental.

Il s'agit d'une méta-analyse de toutes les études disponibles sur le sujet : études quantitatives, qualitatives et rapports sur les événements indésirables. 43 études ont été incluses, totalisant 3 319 participantes qui soit utilisaient la coupe menstruelle soit avaient été questionnées sur leur intention de leur faire. 15 de ces études provenaient de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. À noter qu’il existe peu d'études comparant directement les coupes menstruelles et les autres produits.  

Description

La coupe menstruelle est insérée dans le vagin, plus ou moins haut selon les modèles. Elle peut contenir 10 à 38 mL de sang et doit être vidée toutes les 4 à 12 h. En silicone, caoutchouc, latex ou élastomère, elle peut durer jusqu'à 10 ans.

Un produit peu connu mais efficace

199 marques différentes, disponibles dans 99 pays, ont été recensées. Pourtant, les trois études menées dans des pays à revenu élevé montrent que seules 11 à 33 % des femmes sollicitées connaissaient l'existence de ces coupes. Une revue de 69 sites web avec des contenus éducatifs sur la puberté a mis en évidence qu’elles sont peu mentionnées (dans 30 % des sites seulement vs serviettes hygiéniques 77 % et tampons 65 %).

Quatre études ont fait une comparaison directe entre les coupes menstruelles et les produits jetables : le nombre de fuites signalées était semblable ou inférieur. Dans deux études les femmes ont déclaré que l'utilisation de la coupe menstruelle leur permettait de faire des économies parce que les fuites, donc l’utilisation de lessive, étaient plus rares.

Appréhensions, freins et contre-indications

Les études qualitatives témoignent d’une appréhension des femmes quant à la taille de la coupe menstruelle, la difficulté d'insertion ou de retrait et le confort d’utilisation. Certaines s'inquiétaient d’un impact sur leur fertilité. Dans les études quantitatives, 3 % des participantes ont déclaré ne pas parvenir à insérer la coupe menstruelle et 11 % ont déclaré avoir cessé de l’utiliser.

Dans les pays à faible et moyen revenu, le manque d'intimité peut être un frein. Le regard extérieur est redouté lors du nettoyage (lorsque les coupes sont mises à bouillir), du stockage ou de la vidange dans les toilettes scolaires ou publiques.

Les coupes menstruelles peuvent recueillir plus de sang que les produits jetables : elles ont notamment été adoptées par des femmes atteintes de ménorragie. 13 utilisatrices ont signalé un déplacement concomitant de leur dispositif intra-utérin (DIU) : une étude plus spécifique semble donc nécessaire [voir à ce sujet l'étude réalisée à l'Université Grenoble Alpes].  

Innocuité

L’analyse a notamment porté sur les abrasions vaginales, les effets sur la microflore ou les voies reproductrice, digestive ou urinaires. Les effets indésirables graves signalés n'étaient pas fréquents :

Trois personnes ont évoqué des effets indésirables peut-être liés à une allergie, dont une allergie au silicone qui a nécessité une chirurgie reconstructrice. Les études comprenant un examen du vagin et du col de l'utérus n’ont fait état d’aucune lésion mécanique évidente.

Les difficultés de retrait ayant nécessité l’intervention d’un.e professionnel.le de santé concernaient majoritairement les coupes cervicales, insérées haut dans le vagin (47 cas) mais rarement les coupes vaginales (2 cas). Quatre études, portant sur 507 femmes, n'ont montré aucun effet indésirable sur la flore vaginale.

En comparaison avec les serviettes et tampons, aucune augmentation du risque d'infection n’a été reportée. Une diminution de la candidose a même été observée dans deux des quatre études qui portaient spécifiquement sur cette infection.

Moins de rapports sexuels « transactionnels »

Des participantes de deux études qualitatives ont expliqué que les coupes menstruelles pourraient réduire la nécessité d'avoir des rapports sexuels « transactionnels », consentis uniquement afin de pouvoir acheter des serviettes hygiéniques.

Une étude menée auprès d'écolières kenyanes de 14 à 16 ans a d’ailleurs révélé une prévalence significativement plus faible des infections sexuellement transmissibles parmi les participantes qui avaient reçu des coupelles menstruelles ou des serviettes jetables.

Apprentissage : le rôle de l’entourage

Dans les pays à faibles et moyens revenus, des études ont montré que la durée nécessaire pour l’apprentissage varie de 2 à 5 mois. En Inde et en Tanzanie, la phase d’adaptation à la coupe menstruelles a ainsi été significativement plus lente que pour les serviettes hygiéniques. L’influence de l’entourage et de la formation est primordiale : une étude népalaise a noté que la présence d'amies qui avaient elles-mêmes utilisé la coupe menstruelle accroît la probabilité qu’elle soit adoptée par une nouvelle personne. 73 % des participantes, dans 15 études, ont déclaré vouloir continuer à l’utiliser.

Coût et impact environnemental

Dans cette étude, le coût moyen des produits jetables a été calculé dans six pays (États-Unis, Royaume-Uni, Inde, Espagne, Chine et Canada) sur une période de 10 ans, et comparé avec l'utilisation de coupes menstruelles sur cette même période. Comparées aux serviettes jetables, les coupes représentent 5 % du coût d'achat et 0 à 4 % des déchets plastiques. Elles représentent 7 % du coût d'achat et 6 % des déchets plastiques liés aux tampons.

Conclusion

Toutes les études qualitatives et certaines études quantitatives de cette méta-analyse ont fait état d'un effet positif de l'utilisation de la coupe menstruelle sur la vie des participantes : diminution du stress lié aux fuites et amélioration de la mobilité. Trois études qualitatives portant sur la fréquentation scolaire et la concentration des élèves ont montré une amélioration après que celles-ci ont reçu une coupe menstruelle.

Les coupes menstruelles sont une option sûre mais peu connue. Elles peuvent être utilisées partout dans le monde, quel que soit le niveau de revenu du pays. Le manque d’eau ou d’intimité ne sont pas un réel frein. C’est une alternative solide aux produits jetables, qui nécessite simplement un accompagnement lors des premiers mois d’utilisation.

* Le syndrome du choc toxique est lié à la présence de Staphylococcus aureus dans le microbiote vaginal. Cette bactérie est fréquemment retrouvée dans le nez, la gorge, sur la peau, etc. chez 30 à 40 % de la population. Elle n’est dangereuse que lorsqu’elle se multiplie et libère la toxine TSST-1. C’est le cas lorsqu' une femme n’a pas précédemment produit d’anticorps, a ses règles et a gardé une protection hygiénique intravaginale trop longtemps. TSST-1 passe alors dans le sang et provoque un choc toxique, qui peut entraîner une défaillance des reins, du foie, des poumons et du cœur puis une nécrose des membres.




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Sources :
1- Menstrual cup use, leakage, acceptability, safety, and availability: a systematic review and meta-analysis
Anna Maria van Eijk, PhD, Garazi Zulaika, MPH, Madeline Lenchner, MSc, Linda Mason, PhD, Prof Muthusamy Sivakami, PhD Elizabeth Nyothach, MSc et al.
Published:July 16, 2019DOI:https://doi.org/10.1016/S2468-2667(19)30111-2
2- Progress on sanitation and drinking-water.
Rapport actualisé - OMS et UNICEF, 2013.