Inhiber l’absorption du SARS-CoV-2

La membrane cellulaire est imperméable aux virus. Certains virus la traversent grâce à des molécules organiques soufrées. Des chimistes ont découvert des inhibiteurs efficaces de ce mécanisme. Ils pourraient bloquer l’absorption du SARS-CoV-2.

Certains virus pénètrent à l’intérieur des cellules grâce à des molécules organiques soufrées. Des chimistes ont découvert des inhibiteurs efficaces de ce mécanisme qui pourraient bloquer l’absorption du SARS-CoV-2.


Traverser la membrane cellulaire

La membrane cellulaire est imperméable aux virus. Pour pénétrer à l’intérieur d’une cellule ces derniers utilisent diverses stratégies qui exploitent les propriétés cellulaires et biochimiques des membranes. L’absorption médiée par les thiols - des molécules organiques similaires aux alcools où l’oxygène est remplacé par un atome de soufre - est un de ces mécanismes d’entrée. Les composés soufrés sont présents dans la nature, notamment dans la membrane des cellules eucaryotes, sur l’enveloppe des virus, sur les bactéries ou les toxines. 


Un mécanisme déjà connu

Son utilisation par le VIH a été démontrée. Il y a quelques années, des études ont notamment montré que l’entrée du VIH et celle de la toxine diphtérique utilisaient un mécanisme impliquant des thiols. Une étape clé de ce mécanisme semble être la liaison dynamique entre thiols et sulfures. 

«Tout ce qui approche une cellule peut se connecter à ces liaisons dynamiques du soufre. Ces dernières permettent l’entrée du substrat dans la cellule soit par fusion, soit par endocytose, ou encore par translocation directe à travers la membrane cellulaire», précise le Professeur Stefan Matile. Celui-ci dirige un laboratoire du Département de chimie organique de la Faculté des sciences de l'Université de Genève (UNIGE) qui s’intéresse aux réactions des thiols avec d’autres structures contenant aussi du soufre : les sulfures. Reste à trouver l’inhibiteur qui bloquera ce mécanisme. 
 


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Dans l’absorption cellulaire médiée par les thiols, un virus se lie avec les thiols à la surface de la cellule grâce à des échanges covalent dynamique. Cette liaison dynamique précède l’entrée dans la cellule par différents mécanismes.
Son inhibition pourrait permettre d’obtenir de nouveaux antiviraux (crédits : Stefan Matile - UNIGE).


Trouver l’inhibiteur

Aucun inhibiteur efficace n’est actuellement disponible en raison de la robustesse des réactions et liaisons chimiques mises en jeu. Mais les chercheurs de l’UNIGE ont identifié des inhibiteurs jusqu’à 5000 fois plus efficaces que l’inhibiteur communément utilisé. Ils ont passé en revue plusieurs inhibiteurs potentiels en réalisant des tests d’inhibition de l’absorption cellulaire des molécules soufrées, marquées avec des sondes fluorescentes pour permettre d’identifier leur présence à l’intérieur des cellules par microscopie à fluorescence.

Une start-up genevoise a ensuite effectué des tests anti-viraux. Pour ce faire, les scientifiques ont modifié des virus de laboratoire appelés lentivecteurs afin qu’ils expriment les protéines de l’enveloppe virale du SARS-CoV-2 de manière inoffensive et sécurisée.

Les tests préliminaires, publiés dans Chemical Science (revue phare de la Royal Society of Chemistry) démontrent le blocage de l’entrée cellulaire de ces virus exprimant les protéines du SARS-CoV-2. Cette étude ouvre donc la voie vers la recherche de nouveaux antiviraux.

«Ces résultats sont très préliminaires et il serait totalement spéculatif de dire que nous avons découvert un médicament antiviral contre le coronavirus. Néanmoins, nous démontrons que l’absorption cellulaire médiée par les thiols pourrait être une piste intéressante pour le développement de futurs antiviraux», conclut Stefan Matile.


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