Infarctus, AVC : en Suisse, une piste pour réduire la nécrose tissulaire

Des chercheurs ont identifié le responsable de la nécrose des tissus en cas d’infarctus ou AVC ischémique. Ils ont réussi, chez les souris, à réduire de 30 % les dommages causés.

En cas d’infarctus ou d’AVC ischémique, les tissus ne sont plus irrigués et se nécrosent très rapidement. Chez certaines espèces animales, cette nécrose n’est pas systématique : les vers peuvent survivre environ trois jours sans oxygène, les tortues plusieurs mois et certaines bactéries indéfiniment. « C’est pourquoi nous avons cherché à identifier le lien entre manque d’oxygène et nécrose des tissus chez le mammifère » explique Howard Riezman, professeur au Département de biochimie de la Faculté des sciences de l’UNIGE.

Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), de l’Université de Lyon et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ont ainsi découvert que la nécrose était provoquée par la synthèse d’un lipide, le déoxydihydrocéramide. Celui-ci s’accumule lorsque l’oxygène vient à manquer et bloque le bon fonctionnement cellulaire.

Un lipide mis en cause

En travaillant sur des vers, ils ont constaté que le déoxydihydrocéramide, une espèce particulière de céramide, s’accumulait dangereusement en cas d’anoxie. En cas d’accident vasculaire, la synthèse du déoxydihydrocéramide se fait en trop grande quantité, ce qui devient toxique pour la cellule. « À l’aide de la spectrométrie de masse, nous avons observé qu’elle bloque certains complexes de protéines et provoque des défauts dans le cytosquelette des cellules et dans le fonctionnement des mitochondries, induisant la nécrose des tissus. » poursuit Howard Riezman.

Afin de vérifier cette hypothèse, les chercheurs ont introduit dans les vers une mutation humaine responsable d’une maladie rare, le HSAN type I, qui augmente la quantité de déoxydihydrocéramide. Ceux-ci sont devenus hypersensibles au manque d’oxygène, confirmant la découverte des biologistes.

Des vers aux souris, des résultats prometteurs

L’équipe du professeur Michel Ovize, de l’Université de Lyon, a pris le relais. En injectant un inhibiteur de la synthèse des céramides à des souris juste avant qu’elles fassent un infarctus, les chercheurs ont  constaté que chez les souris ayant reçu l’injection les dommages causés par l’anoxie étaient réduits d’un tiers. « Cette diminution est très importante ! Elle ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques dans la prise en charge de patients faisant des attaques vasculaires.» se réjouit Howard Riezman.

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Immuno-marquage de cellules du muscle cardiaque de souris sous anoxie.

Le muscle cardiaque sain (en bas à gauche; apparence striée) développe des signes de détérioration causés par le manque d’oxygène conduisant ainsi à la nécrose cellulaire (en haut à droite).

Quelle application chez les humains ?

Les résultats chez la souris sont extrêmement encourageants. L’inhibiteur de synthèse des céramides est un produit déjà connu et testé sur des modèles animaux. Ces résultats, à découvrir dans la revue Nature Metabolism, suggèrent donc un nouveau modèle de prise en charge des personnes victimes d’un arrêt cardiaque ou d’un AVC.

« Toutefois, cette molécule inhibe la synthèse de tous les céramides », précise Thomas Hannich, chercheur au Département de biochimie de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Or « Les céramides sont des lipides absolument indispensables pour le corps. Sans elles, plusieurs fonctions seraient touchées. Entre autres, notre peau se dessécherait totalement.»

C’est pourquoi les chercheurs s’attellent à présent à découvrir un inhibiteur plus spécifique envers le déoxydihydrocéramide, afin de perturber le moins possible le bon fonctionnement de l'organisme.