Le risque sanitaire du glyphosate sur la santé des agriculteurs.

Le glyphosate est un herbicide non sélectif dont l’innocuité fait débat. Depuis 2012, l’union européenne ne parvient pas à statuer sur un renouvellement de son autorisation d’utilisation. Le développement des plantes génétiquement modifiées (PGM) résistantes au glyphosate a profondément modifié l’utilisation des herbicides dans l’agriculture. Co

Le glyphosate est un herbicide non sélectif dont l’innocuité fait débat. Depuis 2012, l’union européenne ne parvient pas à statuer sur un renouvellement de son autorisation d’utilisation. Le développement des plantes génétiquement modifiées (PGM) résistantes au glyphosate a profondément modifié l’utilisation des herbicides dans l’agriculture.

Contexte

Si l’utilisation générale d’herbicide décroît, la part de glyphosate est en nette augmentation. En parallèle, la culture de PGM résistantes aux insectes a le potentiel de diminuer l’utilisation d’insecticides chimiques contre les lépidoptères. Au vu de leur forte implication dans le développement des cultures génétiquement modifiées, il est très important d’évaluer les effets des nouvelles habitudes d’utilisation d’herbicides/insecticides sur la santé des agriculteurs.

Etude et méthodes

Une étude de cohorte récemment publiée dans le journal Scientific Reports (DOI: 10.1038/srep34918) s’est intéressée au risque sanitaire de l’utilisation du glyphosate dans les herbicides, et aux effets des insecticides chimiques anti-lépidoptères sur la santé des agriculteurs. Les effets d’autres produits comme les insecticides biologiques, les insecticides non-lépidoptères et les fongicides ont également été analysés. Cette étude a été réalisée en 2012 en Chine sur 224 agriculteurs représentant des régions de forte, moyenne et faible utilisation annuelle de pesticides. Les informations démographiques, les habitudes personnelles, et les habitudes d’utilisation de pesticides ont été collectées par questionnaire. Des bilans de santé ont été réalisés à deux périodes, avant la plantation des cultures et avant la fin des récoltes. Un bilan sanguin et une étude de la conduction nerveuse (motrice et sensitive) ont été réalisés, permettant l’observation de 35 indicateurs de santé. L’exposition aux pesticides est évaluée selon la quantité effective des différents pesticides utilisés par les agriculteurs. L’effet des doses de pesticide a été évalué par régression linéaire multivariée prenant en compte la catégorie de pesticide, les caractéristiques démographiques (âge, sexe, IMC), les habitudes individuelles (tabac, alcool, mesures de protection pour l’utilisation de pesticides), la région géographique, et le niveau basal des indicateurs de santé (1e mesure avant les plantations).

Résultats

Les données démographiques révèlent que seulement 13.4% des agriculteurs emploient des mesures préventives lors de l’utilisation de pesticides. La quantité totale annuelle moyenne de pesticides utilisés est de 4.54 kg. Les herbicides avec ou sans glyphosate sont utilisés à hauteur de 0.60 et 0.61 kg respectivement. Les herbicides anti-lépidoptères (2.38 kg) sont principalement de nature chimique (2.10 kg). Les insecticides non-lépidoptères (0.27 kg) et les fongicides (0.68 kg) sont moins utilisés.

Des effets de l’utilisation des pesticides sont observés au niveau des indicateurs sanguins de la santé, mais ne concernent ni les herbicides à base de glyphosate, ni les herbicides biologiques anti-lépidoptère, ni les herbicides non-lépidoptère. Les herbicides sans glyphosate sont associés à une augmentation des indicateurs de la fonction rénale (azote uréique: +0.10 mM / kg d’herbicide, p=0.04, et créatinine: +1.75 µM, p=0.00), ainsi qu’à une diminution de l’acide folique (-0.35 µg/L, p=0.02). Les insecticides chimiques anti-lépidoptère sont associés à une augmentation de l’alanine aminotransférase (ALT: +0.65 U/L, p<0.01), du glucose sérique (+0.04 mM, p=0.04) et de la protéine C-réactive (+0.25 mg/L, p=0.03). Enfin, l’utilisation de fongicides est associée à une augmentation des marqueurs de la fonction hépatique (ALT: +1.43 U/L, p=0.01 et aspartate aminotransférase, AST: +1.64 U/L, p=0.00) ainsi qu’à une diminution de la vitamine B12 (-19.81 ng/L, p=0.03).

Aucun effet des herbicides (avec ou sans glyphosate) n’est détecté sur la conduction nerveuse motrice ou sensitive. En ce qui concerne les herbicides, seuls ceux anti-lépidoptères de nature chimique ont un effet négatif sur la vélocité de conduction motrice des nerfs médian, ulnaire, tibial et fibulaire commun (-0.20, -0.20, -0.19 et -0.18 m/s /kg d’herbicide, respectivement). De plus, une augmentation de la latence distale motrice du nerf ulnaire est augmentée (+0.01 ms) sous l’effet de ces herbicides. Les vélocités de conduction sensitive des nerfs médian et ulnaire sont également diminuées en association avec l’utilisation de ces herbicides (-0.19 et -0.20 m/s respectivement). La conduction nerveuse n’est pas impactée par l’utilisation des autres types d’insecticides, mais les fongicides sont associés à une diminution de l’amplitude du potentiel d’action sensitif du nerf ulnaire (-0.20 mV /kg de fongicide).

Des analyses en sous-catégories n’ont pas mis en évidence d’effet des consommations de tabac (46.9%) et d’alcool (42.4%) sur les résultats obtenus.

Conclusions

L’utilisation d’herbicides sans glyphosate révèle un risque de dysfonction rénale et une diminution d’acide folique. Les insecticides chimiques anti-lépidoptères sont associés à une dysfonction hépatique, à une augmentation du glucose sérique et de l’inflammation, ainsi qu’à une neurotoxicité périphérique, notamment au niveau des nerfs médian et ulnaire. Les fongicides semblent également impliqués dans une détérioration hépatique. Il est à noter une apparente innocuité des herbicides à base de glyphosate et des insecticides biologiques. L’absence de toxicité des insecticides non-lépidoptères peut être due à leur faible utilisation.

L’utilisation des herbicides (avec ou sans glyphosate) et des insecticides anti-lépidoptères peut être fortement modifiée par l’adoption des cultures génétiquement modifiées, avec des PGM résistantes au glyphosate et aux lépidoptères. Les résultats de cette étude tendent à appuyer la pratique de telles cultures en faveur d’un risque sanitaire diminué chez les agriculteurs. Cependant, les indicateurs de santé pris en compte ne reflètent pas l’état de santé global, et d’autres études sont nécessaires à ce propos.

Texte : esanum / jd
Photo : pajtica / Shutterstock


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