Glaucome: analyse protéomique de la rétine

Le glaucome est une pathologie oculaire neurodégénérative endommageant la tête du nerf optique. Les dommages se traduisent par une perte progressive des cellules ganglionnaires rétiniennes et de leurs axones, et du champ de vision. Contexte Avec plus de 60 millions de personnes affectées en 2010, le glaucome est une des premières causes de cécit

Le glaucome est une pathologie oculaire neurodégénérative endommageant la tête du nerf optique. Les dommages se traduisent par une perte progressive des cellules ganglionnaires rétiniennes et de leurs axones, et du champ de vision.

Contexte
Avec plus de 60 millions de personnes affectées en 2010, le glaucome est une des premières causes de cécité. Elle est plus fréquente chez les personnes âgées, mais peut affecter des personnes de tout âge. Des processus inflammatoires et auto-immuns à l’origine de stress oxydant et des dysfonctions mitochondriales semblent liés au développement du glaucome. Les échantillons de rétine humaine étant rares, de nombreuses études se sont basées sur des modèles animaux ou des échantillons humains d’humeur aqueuse, de trabéculum, ou de larmes. Elles ont mis en avant des différences de composition protéiques liées au glaucome.

Étude et méthodes
Dans une étude récente du journal Scientific Reports (DOI: 10.1038/srep29759), des chercheurs ont étudié la composition de protéines d’échantillons de rétine de patients sains (n=5) ou atteints de glaucome (n=5), afin d’en caractériser les modifications. L’objectif étant de comprendre le mécanisme pathomoléculaire et d’identification de potentielles cibles thérapeutiques. Les protéines des échantillons de rétines ont été extraites, séparées par électrophorèse (SDS-PAGE) et digérées. Les peptides ont ensuite été analysés par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS identification et quantification relative) et par bioinformatique (ontologie de gène et interactions protéiques). Les candidats potentiels (protéines divergentes) ont été validés par MS quantitative ciblée et immunohistochimie (IHC) sur coupes de rétines saines ou de glaucome.

Résultats
L’analyse protéomique globale a permis d’identifier plus de 600 protéines caractérisant le feuillet de cellules ganglionnaires d’une rétine humaine fonctionnelle (protéines spécifiques de neurorécepteurs, neuroprotéines synaptiques, protéines de rétine et du nerf optique). Environ 10% des protéines identifiées montrent un profil spécifique par rapport au glaucome. Ce sont des protéines uniques à la rétine saine (10), uniques à la rétine de glaucome (20), ou étant sous- (22) ou sur-representées (12) dans la rétine de glaucome. Ces protéines sont majoritairement des protéines intracellulaires de membrane nucléaire et/ou mitochondriale. On retrouve une dominance de fonctions de liaison et d’activité catalytique, avec implication dans des processus cellulaires majeurs tels que le développement, le transport et la mort cellulaire, ainsi que des protéines de stress cellulaire.

Seules 3 protéines candidates, ANT3, DSF70 et MeCp2 ont été validées par MS ciblée (ratio du peptide rapporteur glaucome/contrôle= 0.38, 0.80 et 0.65, respectivement) et par IHC (intensité de la protéine dans les échantillons de glaucome vs. contrôles sains: -38%, -32% et -39%, respectivement). Parmi ces 3 protéines, DSF70 et MeCp2 possèdent une interaction forte entre elles.

Conclusions
Cette étude a permis la caractérisation du protéome de rétine humaine par l’identification de plus de 600 protéines, pour la plupart en concordance avec les résultats d’autres groupes travaillant sur modèles animaux. La grande majorité de protéines intracellulaires (vs. protéines sécrétées) s’explique par la préparation pré-analytique des échantillons (“nettoyage” des vaisseaux sanguins et résidus vitreux), et la grande part de protéines membranaires identifiées trouve une explication méthodologique liée à la MS. Les fonctions mises en avant par les protéines divergentes entre contrôle et glaucome (dysfonction mitochondriale, mort cellulaire) sont communément impliquées dans les pathologies neurodégénératives. La sous-régulation des 3 protéines validées dans la rétine glaucomateuse impacte négativement la survie cellulaire de part entre autre l’apport énergétique, l’expression génique et la réponse au stress. Si le faible nombre d’échantillons investigués et leur origine post-mortem sont des limitations à cette étude, le rôle des protéines mitochondriales et nucléaires, particulièrement ANT3, DSF70 et MeCp2, dans le développement du glaucome, et plus généralement dans les maladies neurodégénératives est à approfondir.

Texte : esanum / jd
Photo : Timonina / Shuterstock


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