Fabrication in vitro de spermatozoïdes humains

C’est une avancée qui pourrait aider de nombreux hommes infertiles à avoir un enfant. En septembre 2015, des chercheurs français avaient réussi à créer des spermatozoïdes humains en laboratoire. Très récemment, des chercheurs chinois sont parvenus à réaliser une fécondation, puis une gestation réussie à partir de spermatozoïdes in vitro sur des

C’est une avancée qui pourrait aider de nombreux hommes infertiles à avoir un enfant. En septembre 2015, des chercheurs français avaient réussi à créer des spermatozoïdes humains en laboratoire. Très récemment, des chercheurs chinois sont parvenus à réaliser une fécondation, puis une gestation réussie à partir de spermatozoïdes in vitro sur des souris de laboratoire. C’est un procédé qui fait considérablement progresser la médecine de la reproduction, mais qui soulève aussi des problème éthiques.

Une start-up lyonnaise à l’origine d’une « première mondiale »

C’est la société Kallistem, issue de l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon, qui affirme avoir réussi en premier à fabriquer des spermatozoïdes humains in vitro. Les gamètes ont été créées à partir de spermatogonies, les cellules souches germinales masculines. « Nous avons réussi cette spermatogénèse complète chez des rats, des singes et chez l’homme, et montré que les spermatozoïdes obtenus sont morphologiquement normaux », s’enthousiaste Marie-Hélène Perrard, la cofondatice de Kallistem. Le défi était de taille : il s’agissait de reproduire le processus de spermatogénèse, l’un des processus physiologiques les plus complexes.

La spermatogénèse se fait habituellement en 74 jours à partir de spermatogonies dans les tubes séminifères. Au bout de trois étapes – de mitose, d’étape méiotique et de spermiogénèse – les cellules résultantes se divisent pour finir par se transformer en spermatozoïdes fonctionnels à la fécondation.

La difficulté de ces chercheurs était d’obtenir un système de confinement stable. Ce problème a été levé par l’utilisation de tubes fabriqués à partir d’hydrogel de chitosane, un polyoside issu du squelette des arthropodes et des céphalopodes (calmars) ainsi que de la paroi des champignons. Ce matériau a la qualité de pouvoir maintenir la communication entre les cellules de Sertoli et les cellules germinales. Des portions de tubes séminifères prélevées chirurgicalement ont été introduites dans ces tubes, qui fonctionnent comme de véritables bioréacteurs propices à une complète spermatogenèse. Le dispositif a été a efficacement appliqué chez la souris, le singe et l’homme.

Cette découverte pourrait aider les garçons prépubères atteints de cancer, et dont la chimiothérapie altère la fertilité, à avoir des enfants biologiques dans le futur. En outre, il permettra aussi aux hommes azoospermiques sécrétoires (incapables de produire des spermatozoïdes) de pouvoir réaliser une fécondation in vitro dès lors que leurs tubes séminifères contiennent des spermatogonies et des cellules de Sertoli (nécessaires à la nutrition des cellules germinales). Il reste néanmoins aux chercheurs à évaluer la qualité de ces spermatozoïdes créés en laboratoires et leur viabilité.

Une naissance obtenue à partir de spermatozoïdes in vitro

Des chercheurs chinois ont publié une étude, datée du 3 mars 2016, dans la revue Cell Stem Cell. Ils affirment avoir obtenu en laboratoire des spermatozoïdes à partir de cellules souches germinales chez la souris, et à en injecter dans un ovocyte. Ils ont ensuite obtenu un embryon, qui, une fois implanté dans l’utérus de la femelle, a donné naissance à un bébé souris normal. Les cellules souches germinales utilisées ont été exposées à différentes molécules comme un précurseur de l’acide rétionoïque et l’insuline, puis à de la testostérone et de la FSH. La méiose a été initiée à partir d’activine A, de facteurs BMP et d’acide rétinoïque, ce qui a permis d’obtenir des spermicides (mais pas des spermatozoïdes matures).

Ces spermatides se sont révélés fonctionnels car ils ont été injectés à des ovocytes de souris avec succès. La descendance issue de cette FIV était fertile et sans problèmes de santé notables. Il reste aux chercheurs à prouver l’intégrité de l’ADN de ces cellules reproductrices, et à réaliser des tests sur d’autres animaux, comme les primates.

Des problèmes éthiques soulevés

Ces résultats, bien qu’ils pourraient permettre de traiter l’infertilité masculine à moyen terme, soulèvent des questionnements éthiques. En effet, si cette méthode est appliquée à l’homme, elle doit assurer une sécurité à la descendance, et ne pas modifier leur patrimoine génétique, mais surtout épigénétique. De plus la bioéthique interdit actuellement la création d’embryon humain à des fins de recherches, du moins en France.

Texte : sb / esanum

Photo : Tatiana Shepeleva / Shutterstock