Erreur de diagnostic : quels risques pour qui ?

Dans la prise en charge de tout patient, poser un diagnostic est la première étape à effectuer. Cela signifie que tout le reste du suivi va découler de ce diagnostic: il s’agit d’une étape cruciale mais difficile. Il existe deux sortes d’erreur de diagnostic:

Dans la prise en charge de tout patient, poser un diagnostic est la première étape à effectuer. Cela signifie que tout le reste du suivi va découler de ce diagnostic: il s’agit d’une étape cruciale mais difficile. Il existe deux sortes d’erreur de diagnostic: la pose d’un diagnostic en absence de maladie et l’absence de diagnostic d’une maladie présente, chacun engendrant des effets différents.

Il faut rappeler que le médecin n’a pas une obligation de résultat mais une obligation de moyens. Il doit pouvoir prouver qu’il a utilisé tous les moyens en sa disposition pourtrouver la pathologie du patient y compris le recours à l’avis d’un confrère. Tout cela doit explicitement figurer dans le dossier médical. En France, la responsabilité médicale est une responsabilité pour faute : le médecin n’est condamné que si la victime rapporte la preuve d’une faute à son encontre. Une erreur de diagnostic est punissable tout comme le sont les retards ou les défauts de diagnostic. Ce qui constitue la faute est le fait de ne pas aller au bout des recherches possibles pour poser un diagnostic précis. D’après l’Ordre National des Médecins, le praticien n’est pas répréhensible si « l’examen à été bien fait et la réflexion convenable » ou s’il « est obligé de donner, dans l’incertitude où il se trouve, une thérapeutique d’attente ».

Mais si malgré tout, je fais une erreur de diagnostic que peut-il arriver au patient ?

Si le patient est diagnostiqué pour une certaine maladie, il va suivre le protocole thérapeutique associé à ce diagnostic. Ainsi la véritable pathologie va pouvoir progresser et l’état du patient peut s’aggraver.

Prenons l’exemple très récent d’une mère et de sa fille ayant été traitées pendant 7 ans pour une myopathie mitochondriale. Le diagnostic reposait notamment sur les symptômes de la patiente : des douleurs articulaires intenses. Les conséquences immédiates ont été psychologiques : la patiente s’est préparée mentalement à finir par se déplacer en chaise roulante et à suivre un traitement très lourd toute sa vie. La patiente s’est entièrement refermée sur elle-même, ne sortant plus de chez elle, elle a fini par perdre son emploi. Quelques temps plus tard, c’est sa fille de 8 ans, ressentant une fatigue intense, qui est amenée à l’hôpital et diagnostiquée myopathe elle aussi. La culpabilité d’avoir transmis la maladie s’est ainsi ajoutée à la souffrance de la patiente.

C’est un nouveau médecin prenant en charge le dossier qui demande à refaire une biopsie suite à des incohérences observées et effectivement aucune des deux patientes n’est touchée par cette grave maladie dégénérative ! Quels sont aussi les effets secondaires des traitements inutilement administrés ? Dans le cas d’une myopathie des traitements contre les migraines, les troubles cardiaques ou encore l’épilepsie peuvent être utilisés chacun avec de nombreux d’effets indésirables.

On peut imaginer que si le traitement avait été chirurgical de nombreux risques (anesthésie, infections, hémorragies…) auraient pu mettre en danger les patientes, de plus une opération est irréversible.

Par ailleurs, la patiente souffre toujours de douleurs articulaires, aucun nom n’est encore associé à ses symptômes… Toutes ces années sont du temps perdu pour rechercher sa véritable pathologie, qui a pu largement progresser sans que personne ne s’en rende compte car l’altération de l’état de santé était mis sur le compte de la maladie dégénérative.

Qu’arrive-t-il aux soignants ?

La famille a saisi la justice et réclame 100 000 euros d’amende au titre des dommages et intérêts et attend une indemnisation définitive. Il s’agit en effet de la suite logique des événements : un patient victime d’une faute médicale peut demander une indemnisation pour le préjudice subi. Deux éléments sont à prouver :

Des experts médicaux et des juges sont chargés de recueillir toutes les données du dossier et d’émettre leur avis. Le délai de prescription est de 10 ans à compter de la date de consolidation du dommage. Selon les cas, des tribunaux différents seront consultés. Si l’erreur de diagnostic s’est déroulé dans un établissement public, la victime doit d’abord adresser une demande d’indemnisation au directeur de l’hôpital (solution à l’amiable) : si l’établissement répond négativement ou ne répond pas au bout de 2 mois, le tribunal administratif doit être saisi dans les 2 mois suivants. Si le préjudice a eu lieu dans un établissement privé c’est le tribunal d’instance qui sera compétent voire le tribunal de grande instance si les victimes réclament plus de 10 000€.

Avant toute action en justice ou en parallèle de celle-ci, il est possible de demander l’avis d’une commission régionale de conciliation et d’indemnisation selon certaines conditions, notamment le dépassement d’un seuil de gravité: par exemple un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (AIPP) supérieur à 24%. Cette démarche peut être suivie d’une proposition d’indemnisation de l’assureur de l’hôpital. Si en revanche aucune faute n’a été mise en évidence, cette commission transmet son avis à l’office national d’indemnisation des accidents médicaux (//www.oniam.fr/) qui peut indemniser les victimes au nom de la solidarité nationale.

D’après le conseil national de l’ordre des médecins : «  un « acharnement diagnostique » est louable en principe, mais déraisonnable s’il a pour mobile la curiosité scientifique ou si le patient ne bénéficie pas des conséquences auxquelles il conduit ». Il faut donc savoir doser justement les démarches pour diagnostiquer un patient en prenant les précautions nécessaires pour ne pas se faire reprocher une erreur. L’important est de bien documenter toutes les étapes suivies pour y aboutir et de ne pas hésiter à demander conseil auprès de collègues en cas de doute.