Docteur Duquesnel sur la mobilisation des médecins

Le Docteur Duquesnel, Président de l’UNOF-CSMF revient sur les raisons de l’appel à la mobilisation des médecins :  “On est en train de vendre la médecine générale par appartements” Alors que la colère gronde chez les médecins et professionnels de santé qui se sentent de plus en plus menacés par les mesures en en cours, les médecins

Le Docteur Duquesnel, Président de l’UNOF-CSMF revient sur les raisons de l’appel à la mobilisation des médecins :  “On est en train de vendre la médecine générale par appartements”

Alors que la colère gronde chez les médecins et professionnels de santé qui se sentent de plus en plus menacés par les mesures en en cours, les médecins généralistes ont été appelés à fermer les cabinets pour une semaine de mobilisation du 24 au 31 janvier prochains. Nous avons contacté le Président de l’UNOF-CSMF à l’origine de l’appel à la mobilisation : le Docteur Duquesnel. Nous lui avons posé une unique question à laquelle il a répondu avec précision. Voici sa réponse :

Vous êtes à l’origine de l’appel à la grève des médecins généralistes durant les fêtes de fin d’année,pensez-vous que le médecin traitant est actuellement menacé dans son rôle auprès des patients ?

“Il l’est complètement. Il y a deux raisons principales qui justifient ce mot d’ordre. Et quand on considère le niveau d’exaspération qu’il y a sur le terrain, on peut être sûr que le mouvement sera suivi. Il y a dans un premier temps un démantèlement du métier: on est en train de vendre la médecine générale par appartement. Et dans un second temps, il y a un souci au niveau des rémunérations : aujourd’hui le niveau de rémunération des généralistes, avec toute la complexité que le métier peut impliquer, est indigne.

Depuis des années, les médecins généralistes demandent la mise en place d’une politique nationale de prévention, qui n’existe pas à l’heure actuelle. Cette dernière était pourtant contenue dans le premier chapitre de la loi de santé, qui s’est, au fil des mois, vidée de son contenu pour des raisons purement financières. Depuis quelques temps, par exemple, on ne parle plus que de la vaccination et des infirmières ou pharmaciens qui pourront vacciner. Comme si la prévention se limitait à la vaccination. Mais ce n’est pas ça la prévention. La prévention c’est voir régulièrement des gens qui ne sont pas malades: ce n’est pas parce qu’on est pas malade qu’on est en bonne santé. Une consultation annuelle à l’adolescence permettrait de vérifier qu’il n’y ait pas de scoliose, parler de l’obésité, de la contraception et en effet, vérifier que les vaccins sont à jour. Mais la vaccination n’est qu’un petit bout de la prévention. Quand les patient vieillissent, la consultation n’a plus besoin d’être annuelle mais elle permettrait de prendre en compte les antécédents notamment familiaux. Au final, on fait l’impasse sur la prévention et on confie la vaccination aux infirmières et pharmaciens. Si c’était aussi simple que cela, on le saurait ! Depuis quelques années la vaccination contre la grippe a était confiée aux infirmières et le taux de vaccination baisse sans cesse. Du coup le métier de généraliste est encore un plus déshabillé. Surtout que la vaccination chez le médecin traitant ne coûte pas toujours aux patients. Prenons l’exemple de la grippe, moi je n’ai aucun patient qui vient explicitement se faire vacciner. Ils viennent par exemple pour des renouvellements de traitement et en profite pour demander la vaccination. Donc cela a un coût zéro. Chez l’infirmière c’est 6,50€ et chez le pharmacien ce sera 10€. Alors évidemment tout cela est mis en place pour soit-disant faire gagner du temps aux médecins généralistes, mais d’un autre coté on leurs donne plus de tâches administratives. C’est assez paradoxal. Au lieu de travailler avec les médecins généralistes et éventuellement mettre en place un travail coordonnées avec d’autres professionnels de santé, on allège le métier sans le valoriser. Donc cela provoque une vraie exaspération sur le terrain et c’est pourquoi les médecins généralistes sont vent debout contre ces mesures.

Il va falloir créer un rapport de force, le gouvernement va voir si les médecins se mobilisent. Mais on ne se fait pas de souci pour ça: ils peuvent éventuellement déjà anticiper cette semaine de fermeture des cabinets! On a des retours du terrain et je peux vous dire que cela va être une réussite. Mais comme toujours en France, il faut que les gens fassent grève pour se mettre autour de la table. Nous attendons une revalorisation de l’acte dont la première étape serait le passage à 25€. Et puis aussi la mise en place du C2 pour les médecins généralistes, qui font des visites à domicile, des consultations de 30 à 45 minutes ou des actes plus complexes. Cela permettrait notamment de limiter les hospitalisations, car aujourd’hui lorsque les prises en charge sont trop lourdes, la solution de simplicité c’est d’envoyer les patients à l’hôpital. Prendre un RDV pour une hospitalisation de jour, c’est très long. Il est bien plus simple de faire un mot et envoyer le patient aux urgences. Mais cela coûte aussi plus cher. En refusant cette demande, la ministre est dans son rôle, on ne s’attendait pas à ce qu’elle nous dise “venez et on va signer ça”. On a déjà vécu cela en 2001-2002 avec madame Guigou. Les revendications des médecins généralistes par rapport à leur métier et à leur rémunération tarifaire sont légitimes. Et tout le monde le dit: nos patients s’en rendent bien compte! Quand ils paient, ils nous demandent : “c’est encore 23€?”. Les patients s’aperçoivent que les prestations des médecins généralistes sont de plus en plus complexes et variés mais le prix payé lui ne change pas. La ministre sait que nous avons les patients derrière nous.

Le tiers-payant généralisé par exemple provoquera lui aussi des changements pour les médecins surtout en terme de tâches administratives. Mais c’est une annonce idéologique et elle ne sera pas mise en oeuvre. Et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il n’y a toujours pas d’étude de faisabilité réalisée, je fais partie de l’instance au ministère qui travaille là dessus. Donc on ne sait pas si c’est faisable et si ça l’est, ça va coûter une fortune. Or j’ai cru comprendre qu’il n’y avait plus trop d’argent aujourd’hui et ce serait un comble qu’on aille mettre des dizaines ou des centaines de million d’euros pour une mesure dont on est pas sûrs qu’elle soit techniquement possible. Il n’y a qu’à voir avec l’ACS au 1er juillet 2015. On a été amenés à supprimer le paiement des franchises par les patients qui vont bénéficier de l’ACS, alors qu’ils auraient du les payer. C’est parce que autant les médecins que les pharmaciens, ont refusé de mettre un petit cochon sur leur bureau pour collecter les franchises. Or le ministère et l’assurance maladie ne savent pas comment s’y prendre pour récupérer les franchises pour ceux qui seront à l’ACS. Alors on a présenté ça comme une avancée sociale mais cette mesure a tout simplement été mise en place parce qu’on ne pouvait pas envoyer les huissiers pour récupérer le montant dû. Et puis le tiers-payant généralisé obligatoire a été annoncé pour 2017, or en 2017 il y aura des élections. Alors je ne pense que cela passera à la trappe à ce moment là. Ce type de mesure coûte très très cher au budget de l’État. Et puis la problématique aujourd’hui en terme d’accès aux soins est autre: pour l’immense majorité des gens qui ne peuvent accéder aux consultations de médecine générale (celles à 23€), c’est un problème de droits qui ne sont pas à jour. Des gens qui pourraient avoir accès à la CMU ont d’autres préoccupations. Et comme il a été très clairement dit par le ministère que pour bénéficier du tiers-payant généralisé obligatoire il faudra être à jour de ses droits, les gens qui auraient besoin de lui n’y auront pas accès. Donc finalement on est sur la mise en place d’un système qui coûterait non seulement très cher mais qui en plus ne répondrait pas aux besoins. Attention, je ne suis pas en train de dire que nous sommes contre le tiers-payant social, nous sommes pour. Et nous le mettons tous les jours en place. À l’heure actuelle, on pratique déjà le tiers-payant dans certains cas. Les paiements différés par carte bancaire en sont, par exemple, une sorte. Le patient n’est pas débiteur de la somme car il est débité après avoir eu le remboursement de l’assurance maladie. Et ça certaines banques l’ont mis en place.

Donc la mobilisation est motivée par deux aspects : d’une part la loi de santé, qui met en danger le métier, auquel les médecins généralistes sont très attachés et d’autre part les niveaux de rémunération qui ne sont plus acceptables. Mais on verra tout cela après la semaine de mobilisation.”

Une réponse qui met en évidence les différents motifs de la contestation des médecins généralistes libéraux. L’avenir nous dira dans quelle mesure la mobilisation sera suivie.