Une revue de littérature publiée récemment dans Nature Reviews Microbiology propose une synthèse exhaustive des connaissances actuelles sur le Covid-long. Co-signée par le très influent chercheur américain Eric Topol, l’étude “Long COVID: major findings, mechanisms and recommendations” 1 met en évidence les différents symptômes du Covid-long, identifie les facteurs de risque et les similitudes avec d'autres maladies à transmission virale.
Cette synthèse examine également les options diagnostiques et thérapeutiques actuelles. Les chercheurs appellent à donner la priorité à des essais cliniques robustes pour les traitements potentiels, les patients étant actuellement très démunis.
Les auteurs concluent en appelant à un programme de recherche ambitieux sur le Covid-long, qui s'appuie sur les connaissances existantes dans le domaine des maladies post-infectieuses, principalement le syndrome Encéphalomyélite Myalgique / Syndrome de Fatigue Chronique (EM/SFC).
Le Covid-long est une maladie multisystémique qui outre le syndrome EM/SFC comprend la dysautonomie, des troubles multi-organiques et des anomalies vasculaires et de la coagulation.
Des millions de personnes dans le monde sont concernées et affaiblies. Ce nombre ne cesse d'augmenter. Sans mesures rapides, un pourcentage important de ces patients pourraient être handicapés à vie.
Les options diagnostiques et thérapeutiques sont actuellement insuffisantes. De nombreuses études cliniques doivent donc être menées de toute urgence pour tester rigoureusement les thérapies susceptibles de contrecarrer les mécanismes biologiques supposés, dont la persistance virale, la neuroinflammation, l'hypercoagulabilité et l'auto-immunité.
La pathogénie du Covid-long n'est toujours pas claire. Les hypothèses suggérées sont les suivantes :
Les facteurs de risque sont également encore à l'étude. On évoque notamment le genre (sexe féminin), le diabète de type 2, la réactivation du virus d'Epstein-arr, la présence d'auto-anticorps spécifiques, des troubles du tissu conjonctif, un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, l'urticaire chronique et la rhinite allergique.
D’autres facteurs pourraient jouer un rôle, dont un revenu plus faible et l'impossibilité de se reposer suffisamment dans les premières semaines suivant l'apparition du Covid-19. Toutefois, les études ne fournissent pas de preuves solides.
De nombreuses études reposent sur les recherches antérieures concernant des maladies post-infectieuses, comme le syndrome EM/SFC, avec lesquelles le Covid-long semble partager certaines caractéristiques.
La revue de la littérature a réparti les caractéristiques des Covid-longs trouvés jusqu'à présent en fonction du système concerné. La plupart des études portent sur des adultes.
Les symptômes neurologiques et cognitifs sont au premier plan :
On retrouve aussi :
Ont été observés :
Ont été observés :
Les symptômes gastro-intestinaux de Covid-long sont les suivants :
Le Covid-long a un impact sur les enfants de tous âges. Une étude a révélé que les symptômes suivants étaient 2 à 36 fois plus susceptibles de se produire chez les personnes âgées de 15 à 19 ans atteintes de Covid-long que chez les témoins du même âge : fatigue mentale et/ou physique, maux de tête, vertiges, dyspnée, douleurs thoraciques, dysosmie, dysgueusie, réduction de l'appétit, difficultés de concentration, troubles de la mémoire et du sommeil.
L'expérience d'un centre pédiatrique suggère que les adolescents atteints d'une forme modérée à sévère de Covid-long présentent des caractéristiques compatibles avec l'EM/SFC.
D'autres recherches sur le Covid-long chez les enfants sont nécessaires, bien qu'il soit difficile d’obtenir un groupe de contrôle adéquat pour les caractéristiques particulières rencontrées à l'âge pédiatrique. Plusieurs études, par exemple, ont montré que les enfants infectés par le SRAS-CoV-2 sont significativement moins susceptibles d'avoir un résultat positif au test RT-PCR.
L'apparition et l'évolution des symptômes diffèrent selon les patients et le type de symptôme. Les symptômes neurologiques apparaissent souvent des semaines ou des mois après l'infection aiguë.
Plusieurs symptômes neurocognitifs s'aggravent avec le temps et ont tendance à persister plus longtemps, tandis que les symptômes gastro-intestinaux et respiratoires ont plus de chances de disparaître.
Les myalgies sont plus fréquentes à 1 an qu'à 2 mois, de même que les paresthésies, la perte de cheveux, la vision trouble et le gonflement des jambes, des mains et des pieds.
Peu de personnes atteintes de Covid-long se rétablissent complètement. Le pronostic reste incertain.
Bien qu'il existe un moyen de diagnostiquer certains symptômes du Covid-long, les outils de diagnostic spécifiques sont pour la plupart en cours de développement : imagerie pour détecter les micro-caillots, microscopie cornéenne pour identifier la neuropathie à petites fibres, analyse de la fragmentation du complexe QRS, utilisation de l'IRM hyperpolarisée pour détecter les anomalies des échanges gazeux pulmonaires.
Les premières recherches sur les biomarqueurs suggèrent de détecter les molécules indiquant une forte cytotoxicité. Le développement et la validation de biomarqueurs seront cruciaux, non seulement pour le diagnostic du Covid-long mais aussi pour mesurer les réponses au traitement.
Il n'existe actuellement aucun traitement pour le Covid-long. Jusqu'à présent, les recherches n'ont montré l'efficacité des traitements de certains symptômes que pour des groupes spécifiques.
Plusieurs stratégies pour traiter le syndrome EM/SFC sont efficaces pour les personnes atteintes de Covid-long, notamment la stimulation et les options pharmacologiques spécifiques aux symptômes. Par exemple, les β-bloquants pour le POTS, la naltrexone à faible dose pour la neuroinflammation et l'immunoglobuline intraveineuse pour le dysfonctionnement immunitaire. Citons aussi une option non pharmacologique : l'augmentation de la consommation de sel pour le POTS.
Les antihistaminiques H1 et H2 sont utilisés pour soulager un large éventail de symptômes. Un autre médicament, le BC 007, semble s'attaquer à l'auto-immunité. Un traitement anticoagulant peut aussi contrer la coagulation anormale.
Les auteurs soulignent l'importance de poursuivre les recherches en s'appuyant sur des études de cas. Ils citent en exemple une étude qui a montré une guérison de Covid-long suite à un traitement avec l'antiviral Paxlovid.
Notons que l'exercice est préjudiciable aux patients Covid-long qui présentent des symptômes d'EM/SFC ou de malaise post-effort. Il ne doit donc pas être utilisé comme traitement.
Dans l'ensemble, les options thérapeutiques actuelles sont fondées soit sur de petites études soit sur ce qui s'est avéré efficace pour d'autres maladies. Un large éventail d'options thérapeutiques possibles pour traiter l'EM/SFC mérite donc d'être exploré. Selon les auteurs, il est urgent d'aborder cette partie des essais cliniques. Ils regrettent que le manque de financement s'avère être une limitation importante pour des essais robustes.
L'impact de la vaccination sur l'incidence du Covid-long varie d'une étude à l'autre. Certaines soulignent l'absence de différences significatives dans le développement du Covid-long entre les individus vaccinés et ceux non vaccinés. Mais d’autres études suggèrent que les vaccins offrent une protection partielle.
Des études plus standardisées sont donc nécessaires pour :
Par ailleurs, les réinfections étant de plus en plus fréquentes, il est nécessaire de comprendre leur impact sur les patients Covid-long. Les premières recherches montrent un risque accru de Covid-long après les deuxième et troisième infections, même chez les personnes ayant reçu une double et une triple vaccination.
La littérature existante suggère que les infections multiples peuvent causer des dommages supplémentaires ou entraîner une symptomatologie semblable à celle de l'EM/SFC.
Jusqu'à présent, la recherche et les soins cliniques dispensés aux patients atteints de Covid-long ont été entravés par trois éléments principaux : un manque de fiabilité des études lié aux tests PCR et aux tests d'anticorps, un récit inexact de la pandémie et le manque de connaissances sur les maladies post-virales.
Les résultats des tests PCR ont souffert d’une faible disponibilité de ces tests au cours des premières vagues de 2020 et d’un taux élevé de résultats faussement négatifs. Concernant les tests d'anticorps, l'hypothèse idée selon laquelle tous les individus produisent et conservent des anticorps anti-SRAS-CoV-2 s’est avérée inexacte. Ces éléments ont entraîné des erreurs dans la composition des cohortes lors de la conception des essais cliniques, ce qui a pu fausser certains résultats.
Selon les auteurs, les connaissances acquises à ce jour doivent être diffusées auprès de la communauté scientifique afin de réduire ce type d'erreurs et de renforcer les résultats des recherches futures.
La recherche a également été entravée par deux idées fausses, nées d'une représentation erronée de la pandémie :
Cela a empêché la collecte exhaustive de données. Concernant les patients hospitalisés, nous ne disposons souvent que de données sur le système respiratoire, et peu ou pas sur les aspects neurologiques, cardiovasculaires et multisystémiques du Covid-19. Concernant les patients non hospitalisés, nous disposons de données éparses et imprécises.
Les auteurs regrettent aussi la méconnaissance généralisée des maladies d'origine virale, en particulier l'EM/SFC et la dysautonomie. Leur codage imparfait voire leur absence dans les dossiers médicaux empêchent l'identification et la documentation de ces pathologies par les médecins.
De plus, comme la recherche sur l'EM/SFC et la dysautonomie est peu connue et peu fréquente dans les universités, la recherche sur le Covid-long ne peut pas bénéficier de preuves antérieures fiables.
Les recherches existantes et actuelles ne sont pas suffisantes pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes de Covid-long, qui disposent de peu d'options thérapeutiques.
La réalisation d'essais cliniques robustes est donc une priorité. Ils devront s’appuyer sur les connaissances existantes et sur l'expérience des patients. La formation du personnel de santé, une campagne de communication publique et l’octroi de financements conséquents devront soutenir ces recherches.
Référence :
1- Davis HE, McCorkell L, Vogel JM, Topol EJ.
Long COVID: major findings, mechanisms and recommendations.
Nat Rev Microbiol. 2023 Jan 13:1–14. doi: 10.1038/s41579-022-00846-2. Epub ahead of print. PMID: 36639608; PMCID: PMC9839201.