Covid-19 : les médias à la loupe

L'Institut national de l'audiovisuel vient de publier les résultats d'une étude sur la médiatisation de la pandémie. Sans surprise, le sujet a monopolisé les plateaux TV et les ondes. Sans surprise, peu de femmes expertes y ont été conviées. Quant à Didier Raoult, c'est sur les chaînes d'info en continu qu'il a déferlé.



L'Institut national de l'audiovisuel vient de publier les résultats d'une étude sur la médiatisation de la pandémie. Sans surprise, le sujet a monopolisé les plateaux TV et les ondes. Sans surprise, peu de femmes expertes y ont été conviées. Quant à Didier Raoult, c'est sur les chaînes d'info en continu qu'il a déferlé.


La santé à la TV : avant, c’était simple

Avant la pandémie, la santé était une thématique relativement marginale dans les JT, puisque les journaux télévisés lui consacraient en moyenne 3,3% de leurs sujets. La santé était confinée dans les émissions de type «magazine» sur la chaîne éducative France 5. 

Pendant 20 ans, le médecin de service sur les plateaux fut Michel Cymes. Aux manettes depuis 1998 du Journal de la santé, devenu Le Magazine de la santé, il a quitté l’émission en 2018.  

Tout a basculé avec un premier sujet sur le coronavirus dans le JT du matin de France 2 le samedi 18 janvier. Rebelote ce même jour dans le 19.45 de M6, qui annonce un deuxième mort en Chine ainsi que des premiers cas en Thaïlande et au Japon. Mais le coronavirus n’apparaît qu’en 8e position des sujets traités, loin derrière le projet de réforme des retraites : deux minutes à peine sont consacrées au «mystérieux virus chinois». 


Mais ça, c’était avant

Le sujet du coronavirus est repris le lendemain, 19 janvier, en ouverture des JT de France2 et TF1. La médiatisation de la pandémie est ensuite restée modérée jusqu’à l’annonce du premier mort en France le 26 février. Puis elle a culminé durant le confinement, le coronavirus représentant en moyenne 80% du contenu des JT.   

Du 18 janvier au 3 juillet 2020, les chaînes généralistes ont ainsi consacré la moitié de leurs JT à la pandémie : 


And the doc of the (half) year is…

Didier Raoult ? Même pas. Sur les chaînes historiques il ne figure «qu’à» la 16e place du classement, avec 19 prises de parole. Il est ex-aequo avec… Karine Lacombe. Le professeur de l’IHU vient donc loin derrière Gérald Kierzek (urgentiste et consultant pour TF1 et LCI), Damien Mascret (généraliste, consultant sur France 2) ou Jean-Paul Hamon, président d'honneur de la Fédération des Médecins de France.

En fait, c’est sur les chaînes d’information en continu que M.Raoult s’est imposé. Il y fut cité certains jours près de 1.000 fois, comptabilisant durant le confinement 112 citations quotidiennes en moyenne. Bien loin devant le Directeur général de la santé Jérôme Salomon (72 citations), le président du conseil scientifique Covid-19 Jean-François Delfraissy (20 citations) ou encore l'urgentiste reconnu Mathias Wargon (cité moins d’une fois par jour). 

Rappelons que Twitter est friand de ces chaînes d’info en continu, qui y trouvent un relai de poids. BFMTV et LCI sont très présentes sur le réseau social, avec respectivement 38% et 26% des tweets collectés pour ce type de médias. CNews devance franceinfo (18% vs 13 %). Didier Raoult a donc surfé sur ces chaînes puis logiquement déferlé sur la twittosphère. 

À noter : pendant le confinement, l’audiovisuel public - toutes chaines confondues - a moins parlé de Didier Raoult. Le rapport est de 1 à 2 pour les références à la chloroquine et de 1 à 3 pour son chantre. 


Que d’hommes, que d’hommes…

Concernant le nombre de prises de parole dans les JT, sur la période scrutée par l’INA (18 janvier au 3 juillet 2020) la première femme se hisse à la 11e place  (Agnès Buzyn, 26 prises de parole). Angela Merkel est 14e, et Karine Lacombe, donc, 16e. Sur les chaînes radio et TV d‘info en continu les femmes se sont exprimées deux fois moins que les hommes durant le confinement (36% du temps de parole en moyenne). 

La pandémie a posé une fois de plus la question de la place des femmes dans les médias, particulièrement en temps de crise. Édouard Philippe a d’ailleurs confié le 24 avril une mission parlementaire sur ce thème à la députée Céline Calvez. Le rapport rendu en septembre conclut que la crise a fait «reculer la vigilance des médias sur la présence des femmes expertes». Il souligne le fait que les femmes mises en avant furent plutôt celles «au front» comme les infirmières et les caissières.  

Un autre travail de recherche a porté sur huit journées précises pendant le confinement, ciblant les contenus des JT de TF1, France 2 et France 3, et ceux de CNews et BFM TV. Sans surprise, les femmes y ont été largement minoritaires (28%) et avaient essentiellement des positions de moindre autorité (infirmière et aide-soignante).


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Références :
INA-La revue des médias / ÉTUDE INA. Covid-19 dans les JT : un niveau de médiatisation inédit pour une pandémie - 1er octobre 2020
ÉTUDE INA. Temps d’antenne, personnalités émergentes, place des femmes : un bilan de l’information sous Covid-19 à la télé - 24 juin 2020
ÉTUDE INA. En période de coronavirus, la parole d’autorité dans l’info télé reste largement masculine - 23 juin 2020