Coronavirus - Chine-Italie, un vol sous haute surveillance

Quand il s'agit de rapatrier un jeune italien bloqué au coeur de l'épidémie de coronavirus et d'un conflit diplomatique, l'armée de l'air italienne utilise un dispositif de haut vol : un Boeing, plusieurs médecins et un module d'isolement rare et sophistiqué.

Ce jeudi 13 février un avion militaire doit décoller de la base de Pratica di Mare, près de Rome, en direction de Wuhan. Sa mission : rapatrier le jeune Niccolò Cicogna, 17 ans, qui est coincé dans la ville chinoise. Cet étudiant est en Chine depuis août dernier dans le cadre d’un projet d'échange. Hébergé par une famille qui vit loin de la région de Wuhan, il s’y est rendu afin d’accompagner ses hôtes, à l'occasion du nouvel an chinois.

Niccolò a présenté quelques épisodes de fièvre. Bien qu’une infection par le coronavirus a été exclue par plusieurs tests, Niccolò a été empêché d’embarquer à deux reprises à l'aéroport de Wuhan, officiellement en raison de protocoles chinois extrêmement stricts. Il est possible que l’étudiant fasse les frais d’un conflit diplomatique entre les deux pays, la Chine ayant peu apprécié que l'Italie bloque tous les vols en provenance de son territoire. À son retour, comme tous ses compatriotes qui arrivent de Wuhan, Niccolo sera mis en quarantaine pendant 14 jours. 

Vol sous haute surveillance

Le Boeing KC-767A qui s’apprête à rapatrier Niccolò est particulier. L'armée de l'air américaine, la RAF et l'armée de l'air italienne sont en effet les seules équipes aéronautiques qui ont la possibilité d'effectuer des missions de bio-confinement à bord de leurs avions.

Pour ce type de missions, un équipage médical spécialement formé dispose d’une zone isolée de l'avion pour prendre soin du patient exposé ou infecté par des agents pathogènes hautement infectieux et potentiellement mortels. Des procédures spécifiques de désinfection et de décontamination après la mission sont prévues.

Compte tenu de l'état de santé particulier des patients, la qualité du vol doit permettre d’éviter tout facteur de stress : hypoxie, variations de la pression barométrique (qui peuvent provoquer une accumulation de gaz et un malaise). L’équipage veille aussi à des facteurs de moindre importance tels que la déshydratation, les troubles de l'oreille, les vibrations et turbulences, les changements de température et la fatigue.

Le système ATI 

Le patient est placé dans un isolateur de transit aérien (ATI), un module d'isolement autonome conçu pour le transporter en toute sécurité pendant le transport aérien tout en protégeant le personnel de santé, l'équipage et les avions de l'exposition à des agents infectieux.

L'ATI fournit un environnement microbiologiquement sûr grâce à une protection multicouche : autour du cadre rigide ou semi-rigide un boîtier en PVC entoure le patient, rendant possible l'observation et les soins. Une unité d'alimentation en air met l’ATI sous pression négative. Elle est dotée de filtres HEPA (High Efficiency Particulate Air filters) d'entrée et de sortie qui bloquent 99,97% des particules de 0,3 mm et plus. Ceci empêche le passage de microparticules potentiellement infectées. Quatre batteries de 12V assurent à l'ATI une autonomie énergétique de 24 heures.

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L'équipage

L'équipage est généralement composée d'un médecin chargé de coordonner la mission, qui gère les relations avec les entités civiles impliquées et supervise toutes les opérations. Au moins deux médecins l'accompagnent - un anesthésiste et un spécialiste des maladies infectieuses - tandis que six sous-officiers s'occupent du patient et effectuent les procédures de transport. Tous portent un équipement de protection qui varie en fonction du niveau de biosécurité requis, allant d’un équipement basique - blouse, masque et gants - à une combinaison complète de type Tychem C avec des gants à pression positive.

L'armée de l'air italienne développé cette capacité de transport avec bioconfinement depuis l'acquisition des ATI en 2005 . Les médecins et infirmier.e.s es militaires ont suivi la formation dispensée par l'Institut des maladies infectieuses de l'armée américaine, dans le Maryland. Les avions ont quant à eux été certifiés par le Centre de vol expérimental.

Ce type de vol a notamment permis de rapatrier un médecin italien contaminé par le virus Ebola après avoir travaillé dans une clinique située en Sierra Leone.


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Sources :
Cenciotti D. Coronavirus: This Is How Air Evacuation Of Patients Under Biosafety Containment Works. The Aviationist. February, 10 2020
Brig. Gen. C.S.A. Manfredo Di Stefano, Col. C.S.A. Ferdinando Arganese, Comando Logistico A.M. Servizio Sanitario.
Il trasporto aereo in alto biocontenimento (2015)