Pourquoi chaque réponse est-elle plausible ?
A. Dosage des IgA anti-transglutaminase tissulaire et des IgA sériques totaux
Il s'agit d'une première étape raisonnable et non invasive chez un patient présentant une anémie microcytaire persistante et des symptômes gastro-intestinaux intermittents. La maladie cœliaque se manifeste fréquemment par une anémie ferriprive et peut être subclinique. Cependant, elle provoque rarement des douleurs abdominales aiguës ou des images de subocclusion à l’imagerie. Dans ce cas, bien que la maladie cœliaque demeure un diagnostic différentiel, elle n’expliquerait pas pleinement les anomalies radiologiques.
B. Calprotectine fécale et échographie intestinale ciblée
La maladie de Crohn peut se manifester par des douleurs abdominales intermittentes, des épisodes de subocclusion et une anémie due à une inflammation chronique ou une malabsorption. La calprotectine fécale est un marqueur non invasif utile de l'inflammation intestinale, et l’échographie intestinale est de plus en plus utilisée dans l’évaluation des maladies inflammatoires de l’intestin. Bien que ces examens soient adaptés dans certains contextes, ils ne permettent pas de détecter un processus néoplasique ou une obstruction mécanique.
C. Coproculture et recherche d’œufs/parasites
Étant donné l’apparition récente de la diarrhée, une étiologie infectieuse mérite d’être envisagée, en particulier chez un patient jeune. Toutefois, l’absence de fièvre, d’inflammation systémique ou de leucocytose, associée à la présence d’une anémie et de signes radiologiques de subocclusion, rend cette option moins susceptible de fournir une réponse diagnostique complète dans ce cas.
D. Sortie avec conseils diététiques et suivi en consultation externe
Chez un patient dont les symptômes s’améliorent et dont les signes vitaux sont stables, cette option pourrait sembler prudente. Cependant, la persistance d’une anémie inexpliquée et les symptômes récents de subocclusion nécessitent des investigations supplémentaires avant toute sortie. Une réassurance prématurée pourrait retarder le diagnostic d’une pathologie sous-jacente sérieuse.
E. Échographie abdominale et scanner avec et sans produit de contrast
L’imagerie avancée est pleinement justifiée dans ce scénario clinique. L’association d’une anémie microcytaire persistante, de douleurs abdominales intermittentes et de signes radiologiques de subocclusion évoque la possibilité d’une lésion structurelle, y compris des néoplasies telles que l’adénocarcinome de l’intestin grêle, le lymphome ou le GIST. L’échographie est un outil de première intention à faible risque, et le scanner avec contraste fournit des informations anatomiques détaillées. Même en l’absence de facteurs de risque classiques de cancer, cette démarche diagnostique est appropriée et souvent décisive.
Résultat
L’épouse du patient, elle-même médecin, a interrogé l’équipe chirurgicale sur l’absence d’examens destinés à identifier la cause de la douleur abdominale et de l’anémie microcytaire de son mari. Elle s’est inquiétée du fait que la prise en charge se limitait à une simple observation sans investigation diagnostique. Elle a également demandé pourquoi aucune échographie abdominale n’avait encore été réalisée. L’équipe chirurgicale est restée convaincue que les symptômes étaient dus à une colique abdominale non spécifique.
Suivant les conseils de son épouse, Lucas a décidé de quitter l’hôpital. Il a été autorisé à sortir contre avis médical. Le diagnostic de sortie était une colique abdominale non spécifique. Il lui a été conseillé de se reposer, de bien s’hydrater, de suivre un régime léger et d’effectuer un bilan hématologique en consultation externe pour explorer l’anémie microcytaire.
Le 30 juillet, Lucas a passé une échographie abdominale dans un autre établissement, qui a révélé une lésion hétérogène hypoéchogène dans le flanc droit, au niveau de l’angle hépatique du côlon, mesurant environ 5 cm de diamètre, avec une vascularisation marquée.
Le 3 août, un scanner abdominal avec injection de produit de contraste a confirmé la présence d’un épaississement concentrique pathologique de la paroi (« image en trognon de pomme ») de la flexure hépatique, s’étendant sur environ 5 cm.
Le 10 août, une coloscopie a été réalisée, révélant une lésion néoplasique sténosante au niveau de l’angle hépatique, non franchissable par l’endoscope. Des biopsies ont été effectuées sur la lésion.
Le 18 août, le patient a subi une hémicolectomie droite par laparoscopie pour un adénocarcinome colique.
La bonne réponse est E :
Echographie abdominale et scanner avec et sans produit de contraste
Malgré le jeune âge du patient, l’absence d’antécédents familiaux et son mode de vie sain, la persistance d’une anémie microcytaire et le tableau de subocclusion observé à la radiographie abdominale justifiaient une exploration approfondie afin d’exclure un processus néoplasique. Les tumeurs de l’intestin grêle — y compris les adénocarcinomes, les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) et les lymphomes — peuvent se présenter avec des symptômes non spécifiques tels que douleurs intermittentes, ballonnements ou anémie chronique liée à des saignements occultes. Elles sont souvent diagnostiquées tardivement, car les signes précoces peuvent imiter des troubles bénins ou fonctionnels.
Dans ce cas, l’échographie abdominale était un examen de première intention raisonnable et accessible qui aurait pu être réalisé aux urgences. Elle est non invasive, sans radiation et permet de détecter des masses, des adénopathies ou des épaississements pariétaux. Toutefois, elle peut manquer certaines lésions profondes ou subtiles.
Le scanner avec et sans produit de contraste reste la référence pour évaluer les causes structurelles de subocclusion intestinale, détecter les masses intra- ou extraluminales et évaluer l’atteinte des tissus adjacents. Chez ce patient, c’est cette étape diagnostique qui a permis d’aboutir au bon diagnostic.
Pourquoi le cancer doit être envisagé même chez des patients jeunes et en bonne santé
À première vue, le cancer peut sembler improbable chez un homme de 39 ans, suivant un régime végétarien, ne fumant pas, ne consommant pas excessivement d’alcool, sans antécédents familiaux de cancer et ayant une activité physique régulière. Cependant, l’âge n’offre pas une protection absolue. Des habitudes de vie saines réduisent le risque mais ne l’éliminent pas, et des symptômes persistants justifient une escalade des investigations. En particulier, une anémie ferriprive chez un homme, associée à des signes de subocclusion intestinale partielle, doit toujours alerter. Même si les symptômes disparaissent avec un traitement de soutien, la cause sous-jacente doit être explorée.