Cancers hématologiques – Essai clinique de phase I pour l’APR-246

Le gène TP53 appartient à la famille des suppresseurs de tumeur. Elle code pour la protéine p53 (un facteur de transcription se liant à l’ADN pour induire l’arrêt du cycle cellulaire) la sénescence et l’apoptose en réponse à un stress oncogénique ou à des dommages à l’ADN. Des mutations de TP53 surviennent à différentes fréquences dans les cance

Le gène TP53 appartient à la famille des suppresseurs de tumeur. Elle code pour la protéine p53 (un facteur de transcription se liant à l’ADN pour induire l’arrêt du cycle cellulaire) la sénescence et l’apoptose en réponse à un stress oncogénique ou à des dommages à l’ADN. Des mutations de TP53 surviennent à différentes fréquences dans les cancers humains. Dans les cas de cancers hématologiques réfractaires ou récidivants, ces mutations sont communes et sources d’un mauvais pronostic.

Contexte
La molécule APR-246 (PRIMA-1MET) permet une restauration de la conformation fonctionnelle des variants de p53 et induit l’apoptose des cellules tumorales. Il s’agit de la première molécule ciblant les mutant de p53 a entrer en essai clinique. Une première étude a établi une dose journalière maximale de 60mg/kg accompagnée d’effets néfastes neurologiques communs. Dans une lettre à l’éditeur du Blood Cancer Journal (DOI: 10.1038/bcj.2016.60), une équipe suédoise présente les données d’un essai clinique de phase I visant à évaluer l’innocuité et la tolérabilité de l’APR-246 par un nouveau programme d’administration, et déterminer le profil pharmacocinétique et les effets anti-tumoraux de cette molécule.

Méthodes
L’essai concerne des cas réfractaires ou des récidives de leucémie myéloïde aiguë (AML, 8 cas) ou leucémie lymphatique chronique (CLL, 2 cas) avec délétion sur le chromosome 17p (pas spécifiquement sur TP53), sans alternative de traitement. Le protocole initial correspondant à une dose journalière de 135 mg/kg par une infusion de 6h sur un cycle de 21 jours administrée à 3 patients. L’analyse de toxicité a justifié une première diminution de dose à 105 mg/kg, administrée à 5 patients, puis une seconde diminution à 67.5 mg/kg pour le reste de l’essai. L’efficacité de l’essai est évaluée par analyses sanguines et de moelle osseuse (quantification des blastes et lymphocytes), analyse des ganglions lymphatiques par palpations et scan CT (taille de la tumeur). La pharmacocinétique de l’APR-246 consiste au dosage de la molécule dans des échantillons sanguins prélevés avant, pendant et après les infusions, par une méthode validée de chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse.

Résultats
L’administration de l’APR-246 est caractérisée par une faible clairance (151±35 mL/h/kg) et un grand volume de distribution (824±219 mL/kg), traduisant une distribution dans tout l’organisme. Une telle cinétique est apparue indépendante du temps (paramètres similaires à différents jours d’un cycle de traitement) et de la dose (jusqu’à 135 mg/kg).

Un total de 41 événements néfastes probablement liés au traitement a été relevé, dont certains en association avec la dose infusée (16, 11 et 1 effets spécifiques aux doses 135, 105 et 67.5 mg/kg, respectivement). Les effets les plus communs étaient vomissement, constipation et vertiges. Vertiges et tremblements sont à l’origine de la première diminution de dose. Deux effets sévères (allongement de l’intervalle Q-T de l’électrocardiogramme et dyskinésie) survenus chez un patient à une dose de 105 mg/kg ont justifié la deuxième diminution de dose.

Des résultats significatifs du traitement ont été atteints pour deux patients. Ainsi une réduction >25% du compte lymphocytaire et une réduction >25% de la taille des ganglions lymphatiques ont été constatés chez un patient CLL traité à 135mg/kg, ainsi qu’une réduction >25% du compte de blastes dans la circulation sanguine pour un patient AML traité à 67.5 mg/kg. Chez un troisième patient AML en 3e récidive et ayant reçu une transplantation de cellules souches, une rémission complète à été atteinte (compte de blastes à 83% un mois avant l’essai, 4% au jour 4 et 0% au jour 21). Cependant, d’autres traitements entamés quelques semaines avant l’essai rendent impossible de conclure à un effet propre à l’APR-246.

Conclusions
Les deux patients ayant montré des signes cliniques positifs face au traitement à l’APR-246 étaient tous deux porteurs d’une mutation de TP53. En prenant en compte les données de la première étude sur l’homme, il s’avère que 5 patients sur 6 porteurs d’une mutation de TP53 ont ainsi montré des résultats cliniques intéressants suite à un traitement par APR-246. Un traitement journalier dosé à 67.5 mg/kg par infusions de 6h pendant une période de 4 jours semble sûre et bien tolérée. L’APR-246 devrait être plus explorée à des fins de traitement de pathologies hématologiques malignes, comme compléments des chimiothérapies existantes.

Texte : jd / esanum
Photo : Zimniy / Shutterstock


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