Moi Président - Le Dr. Sophie AUGROS, Présidente de ReAGJIR, présente son programme santé

Le Dr. Sophie Augros, Présidente du Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants (ReAGJIR), présente à son tour le programme santé qu'elle mettrait en place, si elle était Présidente de la République.

Le Dr. Sophie Augros est Présidente du Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants (ReAGJIR). À son tour, elle nous présente le programme santé qu'elle mettrait en place, si elle était Présidente de la République Française. 

Si vous étiez Présidente, quelles seraient vos 3 priorités dans le domaine de la santé en France ?

Dr. Augros: Si j’étais Présidente, mes trois priorités dans le domaine de la santé en France concerneraient l’accès aux soins, l’organisation des soins et l’amélioration des pratiques professionnelles.

Ma première priorité serait d’améliorer l’accès aux soins pour tous les Français sur l’ensemble du territoire en menant une réflexion commune avec tous les acteurs que sont les professionnels de santé, les patients et les décideurs locaux et nationaux.

Ma deuxième priorité serait de revoir l’organisation des soins selon la vision que portent les jeunes médecins généralistes. Cela concerne aussi bien le mode d’exercice des médecins, que leur rémunération ou encore leur rôle dans le réseau des professionnels de santé sur le territoire.

Ma troisième priorité serait de faire évoluer nos pratiques professionnelles, en développant l’enseignement et la recherche en médecine générale à l’Université et en réformant la formation tout au long de la vie des médecins.

Dans le Pacte des Jeunes Généralistes que nous avons adressé aux candidat(e)s, nous déclinons ces trois priorités.

Si vous étiez Présidente, quelle serait la première loi que vous feriez appliquer dans le domaine de la santé ?

Dr. Augros: Si j’étais Présidente, la première loi que je ferais appliquer dans le domaine de la santé serait une loi qui permettrait aux professionnels de premier recours et aux médecins généralistes de pouvoir se coordonner entre eux sans difficultés administratives et avec plus d’autonomie par rapport aux Agences Régionales de Santé (ARS), à la Sécurité Sociale, etc.

L’idée serait d’améliorer la collaboration entre professionnels de santé, de monter des équipes de soins primaires où le médecin n’est pas forcément à la tête de tout. Ainsi cette première loi correspondrait au virage ambulatoire tant attendu par une partie des professionnels. Promis pour une meilleure prise en charge des patients, ce virage ambulatoire existe mais se cantonne encore à l’hôpital aujourd’hui.

Si vous étiez Présidente, quelles seraient vos propositions de solutions pour lutter contre les déserts médicaux ?

Dr. Augros: Si j’étais Présidente, je commencerais par proposer un moratoire durant l’ensemble du quinquennat sur toute mesure coercitive ou visant à limiter la liberté d’installation. La coercition ne fonctionne pas : des pays voisins en font ou en ont fait l’amère expérience (en Espagne, au Royaume-Uni ou en Belgique notamment). Pire, elle aggrave le phénomène en entraînant la fuite des étudiants en médecine vers d’autres spécialités et celle des médecins formés vers un exercice sans soin. Le temps où chaque village avait son médecin est révolu. Ce discours a encore du mal à passer, mais les élus locaux, comme les patients, devront l’entendre dans le contexte de la démographie médicale des prochaines années (7500 généralistes en moins d’ici à 2025 d’après le Conseil de l’Ordre).

Sur cette base, je mettrais en place différentes solutions pour lutter contre les déserts médicaux. Il faudrait, dans un premier temps, favoriser la diversité d’origine des étudiants en médecine (passerelles entre filières, promotion de ces études dans les milieux ruraux), et promouvoir la médecine générale tout au long du cursus (actuellement très hospitalo-centré), en développant les stages en médecine générale, notamment dans les zones sous-dotées. Cela permettra aux externes et aux internes de se familiariser tant avec des territoires qui leur étaient jusque-là inconnus qu’avec l’exercice de médecine générale sur le terrain. La revalorisation de la place des remplaçants dans notre système de santé est ensuite indispensable pour qu’ils puissent exercer dans les territoires sous-dotés et ainsi contribuer à faire mûrir un projet d’installation. D’ailleurs, le résultat des négociations conventionnelles sur l’avantage supplémentaire maternité, qui ont exclu les remplaçantes d’un dispositif de congé maternité digne de ce nom, ne va clairement pas dans le bon sens. Or, pour favoriser l’installation des jeunes médecins, on sait qu’il faut avant tout améliorer leur protection sociale et contribuer ainsi à sécuriser leur début d’exercice. Le succès des contrats PTMG (contrat entre l’ARS et un jeune généraliste qui s’installe) le prouve. Beaucoup sont tentés de fuir l’exercice libéral face à la précarité de leur couverture sociale (maladie, congé maternité, retraite, etc.). Ce chantier sera donc une priorité. Enfin, j’accompagnerai toutes les démarches de travail collaboratif entre professionnels de santé, en favorisant notamment la réflexion sur les délégations de tâches et le travail en réseau, dans une logique où le médecin n’est pas le chef, mais un maillon indispensable dans la prise en charge du patient, au même titre que d’autres professionnels de santé.

Mais tout ceci ne sera pleinement opérationnel que si les collectivités territoriales se saisissent du sujet plus large de l’aménagement de leur territoire et adaptent ces dispositifs au contexte local. En effet, l’installation est avant tout l’histoire d’une rencontre entre un médecin, ses patients, ses confrères et son bassin de vie. Notre mot d’ordre pour des patients bien soignés : dans les déserts médicaux comme sur tout le territoire, le plus important est d’être un jeune généraliste heureux.

Si vous étiez Présidente, comment lutteriez-vous contre le déficit des caisses d'assurance maladie ? 

Dr. Augros: Si j’étais Présidente, je réaffirmerais la volonté de l’Etat de garantir le financement du risque lié aux dépenses de santé. A partir de là, il est indispensable que le système d’assurance maladie respecte trois principes fondamentaux : l’universalité des droits, la solidarité au sien du système et le recours selon ses besoins et non pas selon ses moyens.

Il faut, par ailleurs, garder en tête que la part des soins de ville dans le budget de l’Assurance maladie représente peu de chose face à celle de l’hôpital par exemple (les honoraires des médecins en ville représentent 10% seulement de l’enveloppe de l’ONDAM). Ce constat est encore plus criant si l’on regarde le montant total des dépenses consacrées à la prévention (2,3 milliards ont été consacrés aux actions préventives menées par les médecins de ville en 2014, soit 1,3% seulement de l’enveloppe de l’ONDAM). Aussi, si l’on veut lutter contre le déficit structurel de l’Assurance maladie, il faudra dégager des moyens pour investir sur les soins de premiers recours et la prévention car cela permettra d’économiser ensuite sur les dépenses curatives lourdes.

La question de la dette est complexe, mais sur ce sujet comme sur les autres, ReAGJIR milite pour la construction d’un système de santé à l’image des jeunes généralistes : innovant, collaboratif, humain et solidaire.