Au Québec, les médecins veulent plus de masques et moins de «pensée magique»

Le 11 juin, des médecins tenaient une conférence de presse devant le Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Ils réclamaient que le port du masque soit rendu obligatoire, et dénonçaient le relâchement post-déconfinement, qualifié de «pensée magique».

Jeudi 11 juin, des médecins tenaient une conférence de presse devant le Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Ils réclamaient que le port du masque soit rendu obligatoire pour les plus de 12 ans dans les lieux publics fermés et les espaces extérieurs où la distanciation physique est difficile à respecter.

«Il est temps d’agir selon la science». La chercheuse et épidémiologiste Nimâ Machouf a d’abord rappelé que d’après les modélisations «80% de la population doit porter le masque pour juguler l’épidémie.» Elle a ensuite établi le parallèle avec Hong Kong, où le port du masque est respecté par plus de 80 % des citoyens : «On dénombre 1.108 cas de Covid-19 et quatre décès, pour une population de 7,5 millions d’habitants ; au Québec, le nombre de cas dépasse maintenant 50.000 et on dénombre 5.000 décès, pour une population de 8,5 millions d’habitants.» Une étude britannique publiée la veille concluait que le port du masque par la population pourrait abaisser la transmission du coronavirus a un niveau contrôlable, alors que des mesures de confinement seules ne pourront pas en empêcher la résurgence. 


«Que le personnel ne se fasse pas ramasser par une deuxième vague»

La spécialiste en médecine interne Marie-Michelle Bellon a pris la suite pour dénoncer une sorte de «banalisation, comme si la menace s’était éloignée» depuis que le déconfinement est amorcé au Québec. Un ressenti qui pour elle relève de la «pensée magique».

Elle travaille à l’unité Covid de l’hôpital Notre-Dame. Au micro, elle a évoqué son quotidien : «Ce que j’y vois me bouleverse, au point que j’ai beaucoup de peine à trouver les mots pour le décrire, comme ces personnes âgées qui dépérissent parce qu'elles ne peuvent pas recevoir la visite de leurs proches.» Pour illustrer les risques persistants de contamination, elle a donné l’exemple de patients récemment infectés en prison ou en travaillant dans un entrepôt. «Il faut que mes parents et les vôtres se sentent à l’aise quand ils font l’épicerie, ils faut que les personnes vulnérables sentent qu’on les protège.» a-t-elle martelé.

Pour appuyer ses propos, la Dre Bellon a fait appel au vécu des soignants, à leur détresse, «leur hantise de contracter l’infection et la transmettre à leurs proches.» «Le plus dur de tout : nous avons dû prendre en charge deux conjoints de membres du personnel soignant qui ont présenté une forme sévère de la Covid-19» s’est-elle émue. «Il faut que le personnel de soins qui se dévoue et qui met sa santé physique et mentale en danger depuis la mi-mars ait l’impression que tout est mis en œuvre pour qu’il ne se fasse pas ramasser par une deuxième vague.»


Stand-by des autorités

Un ex-député, microbiologiste-infectiologue, était aussi présent pour demander que le port du masque soit imposé dans les écoles, sauf au niveau primaire. Une trentaine de médecins reconnus ont signé une lettre aux autorités québécoises, leur rappelant qu'«Après six mois d’observation de l’évolution de la pandémie, le CDC américain, son équivalent européen, l’ECDC, ainsi qu’un groupe d’experts de Yale confirment que le port du masque obligatoire dans les lieux fermés réduit la propagation de la Covid-19».

L’après-midi, le directeur national de la santé publique du Québec - le Dr Horacio Arruda - a réitéré sa décision de ne pas rendre le port du masque obligatoire mais de le recommander «fortement. » «On veut faire [du port du masque] une norme sociale pour que les gens en prennent l’habitude. Quant à le rendre obligatoire, actuellement, je vais attendre les différentes autorités internationales, canadiennes et au Québec, [où] nos experts regardent les pour et les contre.» «Avant de le rendre obligatoire, on va voir jusqu’à quel point on va convaincre les gens [de le porter] » a-t-il argumenté.